La Ferrari F80 en question...
Architecture moteur, son, design...la F80 divise les fans. Alors que le monde automobile s'aseptise de plus en plus, Ferrari peut-elle encore arriver à entretenir l'émotion ? Pas sûr avec la dernière hypercar...
Architecture moteur, son, design...la F80 divise les fans. Alors que le monde automobile s'aseptise de plus en plus, Ferrari peut-elle encore arriver à entretenir l'émotion ? Pas sûr avec la dernière hypercar...
Les supercars, c’est un peu désormais comme les « tubes » en streaming, les albums quasiment annuels ou les Marvel produits industriellement au cinéma: on en voit jusqu’à l’overdose et, in fine, l’émerveillement d’antan disparaît face à l’abondance. Quand une Miura, une Countach ou une F40 sortaient, cela restait un évènement exceptionnel, qui a tendance de nos jours à s’effacer.
Pour Ferrari aussi, l’équation est délicate, entre le besoin d’être rentable et la volonté de garder une certaine exclusivité. Néanmoins, les nouveautés de Maranello se sont enchaînées en seulement quelques années (Roma, SF 90 Stradale, Purosangue, 296 GTB, etc), de même que la gamme s’est étoffée avec les Icona et les one-off pour clients fortunés. Si bien que le même phénomène semble nous gagner que quand on nous apprend un nouveau produit Star Wars : cela perd en merveilleux, car les nouveautés se succèdent les unes après les autres.
Est-ce le cas pour cette F80 ? Alors que les hypercars désormais pullulent, il est plus compliqué de se démarquer. Le design est un premier aspect clivant sur la F80, en raison de son aérodynamisme très poussé, trop peut-être, au point d’en avoir oublié l’élégance et la "beauté", des notions subjectives me direz-vous. Depuis que Pininfarina et Ferrari se sont séparés, on sent que Ferrari a pris une nouvelle direction, moins axée sur l’art de la carrosserie mais davantage sur la performance pure et la technologie. Cela est compréhensible : les Ferrari de route transposent directement l’expérience et le savoir-faire acquis en F1 et en Endurance.
Néanmoins, cette F80 donne trop la sensation d’être une voiture d’ingénieur, où la quête d’efficacité a pris le dessus sur la recherche esthétique. En atteste le communiqué officiel de présentation de la voiture, dont 60% est amplement consacré à l’explication des artefacts aérodynamiques. Sous certains angles, le travail est superbe, comme en atteste toute la partie capot moteur et toit, sculpturale, mais la face avant, avec le bandeau noir reliant les phares, les ouïes d’aérations carrées, les ailes avant à la découpe très brute, manque de finesse, de galbes que l’on décelait encore sur la Enzo ou la LaFerrari.
Le charme envoûtant de la supercar latine s’est comme volatilisé, la F80 ressemblant davantage à un prototype extrapolé de la piste, dont les formes donnent la sensation étrange d’observer un design futuriste daté, tel qu’il aurait été pensé dans les années 80/90 ! Le responsable du design de Ferrari a souligné que Ferrari ne voulait pas se laisser influencer par des idées nostalgiques ou par une continuité « nécessaire » avec le passé. Le but était de créer quelque chose de « futuriste et révolutionnaire », sans s'appuyer sur des concepts stylistiques prédéfinis. C'est une tendance bien ancrée désormais dans le monde actuel du design : être disruptif, casser les codes, avec un brin de condéscendance pour les adeptes du design plus classique, rapidement étiquetés "conservateurs" ou "reacs".
Pourtant, la F80 aurait pu être encore plus extrême et orientée vers la piste. L'intérieur a dérouté aussi, avec un poste passager reculé et plus étriqué que le poste de pilotage. Dans une interview avec Top Gear , le responsable du design de Ferrari, Flavio Manzoni , a révélé que le successeur de la LaFerrari avait été envisagé initialement comme une monoplace. "Au début du projet, nous avons réfléchi à l'idée d'une voiture monoplace", a expliqué Manzoni. « Nous voulions créer des proportions vraiment radicales, avec une cabine très étroite, une carrosserie large et une voie large. C'était une provocation, mais au final nous avons trouvé le bon équilibre, en conservant l'esprit d'une monoplace mais sans renoncer à la place passager."
Mais au final, le choix s'est porté sur une configuration biplace , avec le siège passager légèrement décalé par rapport à celui du conducteur. Comme la McLaren Solus, la 499P Modificata est également une voiture de piste à conducteur unique , équipée d'un V6 biturbo électrifié, dont une version est également utilisée dans la F80. Lorsque Adrian Newey et Red Bull ont dévoilé l'hypercar RB17, beaucoup ont été surpris de constater qu'elle était conçue pour accueillir deux personnes. L'explication de Newey est simple : partager l'expérience de conduite extrême avec quelqu'un « est beaucoup plus épanouissant ». Il en va de même pour la Ferrari F80, qui permet de vivre ces émotions en couple, même en conduisant sur route. Un élément à ne pas ignorer est que Ferrari a déposé la marque de la F80 « A », ce qui laisse penser qu'il pourrait y avoir une version cabriolet « Aperta » en préparation. Il pourrait s'agir de la version routière avec une configuration monoplace.
La nouvelle hypercar hybride a fait ses débuts tant attendus lors des Ferrari Finali Mondiali, qui se sont déroulées le week-end dernier sur le célèbre circuit d'Imola. C'était la première occasion d'apprécier le F80 en réel, mais aussi de l'écouter en action . Pendant l'événement, la Ferrari F80 a partagé la piste avec certaines des voitures de course modernes les plus emblématiques de la marque, dont la 499P, gagnante du Mans. Il ne fait aucun doute que l’apparence du F80 est impressionnante et accrocheuse, surtout avec son aérodynamisme actif et son aileron arrière mobile. Cependant, elle surprend par son extrême silence en mouvement, un aspect qui se démarque particulièrement par rapport aux autres voitures en piste.
Depuis qu'il a été confirmé que la Ferrari F80 était équipée d'un V6 amélioré, des inquiétudes ont été exprimées concernant sa sonorité, au-delà du fait que le choix d’un V6 semblait dérangeant et manquait de noblesse pour un véhicule censé être le summum de Maranello. Le moteur semble très étouffé et, même si le pilote ne l'a probablement pas poussé à l'extrême en raison des conditions humides, il est clair que Ferrari s'est davantage concentrée sur la performance que sur l'émotion auditive. Rappelons que récemment Enrico Galliera, responsable marketing et communication de Ferrari, expliquait que le choix d'équiper la F80 d'un moteur V6, au lieu du traditionnel V12, était dicté par la volonté d'utiliser le moteur le plus performant disponible, plutôt que le plus emblématique. Cette décision reflète la volonté de la marque de privilégier la performance pure dans sa nouvelle hypercar.
La Ferrari F80 est la dernière hypercar de Maranello, s'inscrivant dans la lignée des 288 GTO, F40 et autres Enzo. Néanmoins, cette F80 suscite de vifs débats, à cause d'un design assez clivant et d'un V6 hybride, certes très performant, mais qui manque selon certains de noblesse. Bref, le dernier cru du cheval cabré serait-il décevant ? Pas financièrement sans doute, puisque les 799 exemplaires à 3.8 millions pièce (minimum) sont tous pris !
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