Holden (1856-2020) rejoint le cimetière des marques
par Nicolas Anderbegani

Holden (1856-2020) rejoint le cimetière des marques

GM m'a tué ! Après Oldsmobile, Pontiac, Daewoo ou encore Saab, c'est au tour de Holden de disparaître du paysage par la volonté du géant américain. La sélection darwinienne des espèces s'applique aussi aux marques automobiles, dans une industrie et un marché en pleine mutation. 164 ans d'histoire s’évanouissent...

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Les débuts puis le rachat par GM

En 1856, James Alexander Holden, 21 ans, immigré anglais, s'installe à Adelaïde et fonde la JA Holden & Co, une société spécialisée dans la sellerie, avec la certitude de pouvoir fabriquer localement des produits d'aussi bonne qualité que ceux importés depuis le Royaume-Uni ou les Etats-Unis.  La société prospère, devenant à la faveur de la terrible guerre des Boers, en Afrique du Sud, le premier fournisseur australien de harnais militaires. C'est son petit-fils, Edward, qui, ayant rejoint la société familiale en 1905, montre un certain intérêt pour l'automobile. Au tournant des années 1910, Holden commence par réaliser des réparations de rembourrage de véhicules mais aussi à produire des carrosseries de moto. En 1916, Holden réalise une première carrosserie personnalisée pour un modèle Hotchkiss puis, en 1917, à la faveur de restrictions sur les importations provoquées par le conflit mondial et la guerre sous-marine, l'entreprise décide d'accentuer son implication dans les activités de carrosserie. Cela aboutit en 1919 à la fondation de la Holden's Motor Body Builders Ltd, qui produit rapidement plusieurs milliers de carrosseries par an. La société obtient l'exclusivité avec GM mais travaille avec d'autres marques comme Dodge, Hillman, De Soto, Ford, Chrysler, Fiat ou encore Studebaker. En 1928, l'emblème au lion est imaginé. Seulement, la Grande dépression affecte sérieusement les activités de la société, qui est rachetée par GM en 1931 et fusionne avec General Motors Australia Ltd pour former General Motors-Holden's Ltd. C'est le 3ème grand achat du géant américain, après Vauxhall et Opel dans les années 20.

Holden devient un constructeur

Une seconde usine ouvre en 1936 puis la Seconde guerre mondiale marque une parenthèse, Holden étant sans surprise mobilisé dans l'effort de guerre industriel. C'est après les hostilités que l'activité automobile repart de plus belle, le gouvernement australien souhaitant développer une production automobile nationale. GM et Ford étaient en concurrence mais le choix politique s'est porté sur le premier, qui nécessitait un investissement financier moindre des autorités. Conçue à Détroit, la première Holden est dévoilée en 1948 à Port-Melbourne. Après avoir envisagé des noms comme "GeM", "Melba" ou encore "Austral", le nom de Holden s'est imposé, comme un hommage à son fondateur. Baptisée en interne 48-215, cette première voiture mue par un 6 cylindres de 60 chevaux ne porte aucun nom lors de sa commercialisation, mais recevra plus tard le nom "FX" qui fait référence à sa suspension mise à jour en 1953. Par la suite, Holden continuera d'utiliser des combinaisons de deux lettres pour baptiser les différentes évolutions de ses gammes. Très proche stylistiquement de certaines Chevrolet comme la Fleetline Aerosedan ou la Deluxe, la "48-215" ne peut cacher ses origines américaines.

60-70's: Vers le sommet

Dans les années 50, Holden continue son expansion avec de nouveaux modèles, comme la version utilitaire de la 48-215, dénommé "Ute", mais aussi les modèles FJ, FE et FC. Holden s'impose rapidement comme le leader du marché national, atteignant 50% de part de marché en 1958, tandis que la marque se développe à l'international, exportant vers l'Asie du Sud-est, le Moyen-Orient et l'Afrique du Sud. La production s'implante également en Nouvelle-Zélande. Dans les années 60, Holden atteint son millionième exemplaire et étoffe sa gamme avec des modèles plus racés, comme le coupé Torana V6 et la HK à moteur V8, déclinée en coupé Monaro.

Le sport automobile devient également un vecteur d'image important pour la marque, qui remporte au milieu des années 70 ses premiers titres du championnat de tourisme australien, le futur V8 Supercars. Après avoir utilisé au départ des V8 d'origine Chevy, Holden développe aussi son propre bloc V8. De quoi affronter une concurrence qui se renforce, incarnée par Ford avec la Falcon et l'arrivée également des marques japonaises. Les voitures nippones sont souvent mieux finies et plus sophistiquées, mais Holden est protégé par la politique très protectionniste de l'Australie qui rend ses modèles plus attractifs financièrement. Au début des seventies, c'est l'apogée de Holden : 24.000 employés, et une marque devenue le symbole de l'opulente Australie des trente glorieuses. « Football, tourtes à la viande, kangourous et une voiture Holden », clamait une publicité culte des années 1970.

Crise des années 80

A la fin des années 70, Holden lance le modèle qui restera le plus connu et le plus vendu de son histoire : la Commodore, nom de code en interne VB. Reprenant des bases d'Opel Rekord et Senator, cette voiture plus économique et moins gourmande en carburant est en fait une voiture de crise qui maintient à flot Holden, confrontée à une crise importante dans les années 80 avec le contrecoup des chocs pétroliers.

Le plan Button, du nom du sénateur ministre du commerce, essaie de revitaliser le secteur de l'industrie automobile australienne, jusque-là très protectionniste et pas assez rationalisé. Les tarifs d'importation baissent, accroissant la concurrence étrangère mais favorisant aussi les échanges technologiques. Pour Holden, cela s'est traduit par une réduction de la gamme, la disparition des modèles gloutons, le recentrage sur des modèles plus économiques et le début d'une intense politique de badge en partenariat avec des constructeurs étrangers, surtout japonais. Suzuki et Isuzu pour des utilitaires, Nissan pour fournir des moteurs (sur la Commodore) et rebadger la Pulsar en Holden Astra. En 1989, l'accord avec Nissan, très coûteux à cause des taux de change, prend fin et GM s'associe à Toyota pour fonder la coentreprise UAAI (United Australian Automobile Industries), qui permet à Holden de produire et vendre des Toyota rebadgées, à savoir la Holden Apollo (Camry) et Nova (Corolla), Toyota vendant pour sa part la Commodore sous le nom de Lexcen.

Le système ne marche pas autant qu'espéré, les consommateurs privilégiant les originaux aux copies. L'UAAI est dissoute dès 1996 et Holden se recentre sur les modèles GM, en commercialisant des Opel rebadgées. En 1997, la nouvelle génération de Commodore, fruit d'importants investissements, sort enfin. Elle fait faire un bond en avant sur le plan dynamique et technologique aux voitures australiennes et se vend à plus de 300.000 exemplaires en seulement trois ans, avec un certain succès à l'export. C'est aussi à cette époque que Holden engrange victoires et titres en Supercars. Les années 90 se terminent bien, avec une part de marché remontée de 20 à 28%.

Le long déclin des années 2000

C'est pourtant le chant du cygne. En 2003, Holden perd la première place du marché, au détriment de Toyota. Tout en continuant de renouveler ses modèles clés, surtout la Commodore, Holden rebadge toujours des Opel et désormais des Daewoo, le constructeur coréen ayant rejoint le giron GM. Cependant, la marque vit désormais grâce aux massives perfusions financières gouvernementales (entre 1997 et 2012, les constructeurs implantés en Australie reçoivent 30 milliards de dollars australiens d'aides), afin de préserver ses sites de production et ses emplois. Puis, en 2014, le nouveau gouvernement refuse d'accorder une énième aide, et GM annonce la fin des activités de fabrication de moteur et de voitures pour 2017. Le 20 octobre de cette année, la dernière Commodore sort des chaines de l'usine d'Elizabeth, au nord d'Adelaïde.

Dans une industrie automobile mondialisée, dépendante de gros volumes, Holden souffre d'une diffusion trop confidentielle, d'un marché intérieur trop limité et d'usines locales ne pouvant rivaliser en rentabilité avec les sites asiatiques. Mitsubishi dès 2008, Ford en 2016 et Toyota peu après Holden ont fini aussi par fermer leurs sites, signant l'arrêt de mort de l'industrie automobile nationale. Même la police s'y met, substituant aux Commodore ou Falcon des Kia Stinger GT... Holden se met tardivement aux SUV et se contente alors pour les berlines d'importer en son nom des modèles Opel et Chevrolet, la fameuse Commodore, jusque-là "made in Australia", étant remplacée par une Insignia rebadgée. Le coup de grâce est alors tombé en février 2020, avec la disparition pure et simple de la marque à l'horizon 2021. Holden ne figurait plus qu'à la 10e place des ventes.

Holden en sport automobile

Holden a été un acteur majeur du championnat australien de supertourisme, devenu ensuite le spectaculaire V8 Supercars. La rivalité avec Ford a marqué l'histoire de ce championnat, à l'image de celle entre Chevrolet et Ford en Nascar. Entre 1970 et aujourd'hui, la marque a remporté 21 titres constructeurs, 529 victoires et 30 fois le Bathurst 1000, l'épreuve phare du championnat.

De 1989 à 2007, il a même existé une "Formula Holden", sorte de F3000 sauce australienne, par laquelle sont passés des champions comme Scott Dixon et Will Power. La fin de Holden jette d'ailleurs un voile sur l'avenir du championnat Supercars, Ford risquant d'être bien tout seul.

Sources : carssales, wikipedia (anglais), Holden

Images : GM, wikimedia commons

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GM m'a tué ! Après Oldsmobile, Pontiac, Daewoo ou encore Saab, c'est au tour de Holden de disparaître du paysage par la volonté du géant américain. La sélection darwinienne des espèces s'applique aussi aux marques automobiles, dans une industrie et un marché en pleine mutation. 164 ans d'histoire s’évanouissent...

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