Il y a quelques temps, le blog Chinois Auto.sina présentait une histoire de l'automobile Chinoise (en 5 volets.) Elle comportait des interviews d'acteurs de l'époque et les internautes pouvaient soumettre des documents. Hélas, elle était partielle et partiale. Auto.sohu, un autre blog, présenta sa version, de manière très expéditive. Alors, j'ai décidé, à mon tour, de retracer l'histoire de l'automobile Chinoise.
Auto.sohu partait de la première voiture fabriquée en Chine (1958) et Auto.sina de l'arrivée au pouvoir de Mao Zedong (1949.) Moi, je vais choisir de remonter jusqu'aux années 20. Les Japonais ont une certaine "amnésie" sur la présence en Chine à cette période. Quant à la Chine, le Parti a rédigé ses propres vérités sur la fin de l'empire (ci-dessous) et la république Chinoise. Et malheur à qui remettrait en cause ces vérités... Le film Lust/caution qui traite de l'occupation Japonaise et des "collabos" Chinois déclencha un tollé des deux côtés de la mer de Chine.
La première voiture circulant en Chine fut celle de l'impératrice Ci Xi, en 1902. Dans l'entre-deux guerres, la Chine est l'allié des Etats-Unis en Asie. Du coup, les voitures Américaines représentent l'essentiel des ventes. En 1929, Buick ouvre un importateur officiel à Shanghai. Une première pour Buick à l'étranger.
Buick s'est même vanté qu'en 1939, 40% du parc automobile Chinois était composé de Buick. La marque revint en Chine en 1998, avec un site à Shanghai (hasard ou coïncidence.) Elle tenta de capitaliser sur cette présence dans les années 20-30, en affichant sur son site de nombreux documents d'époque. GM a depuis "perdu" ces documents. Car les Chinois n'ont pas gardé de bons souvenirs de cette époque. Avec les "traités inégaux", les occidentaux ont créé des comptoirs dans certaines grandes villes, où ils vivent quasiment en autarcie. Les Buick vendues en Chine étaient avant tout destinées à eux. On peut voir ci-dessous que parmi les employés de GM-China qui posent fièrement devant leur camionnette, il n'y a même pas de Chinois:
Et les véhicules produits en Chine? En 1924, Henry Ford se rend là-bas. Lui qui a motorisé l'Amérique, ne pouvait pas rester sensible face à un demi-milliard de Chinois sans voitures... Il songe d'abord à une unité de production de camions. La Chine est l'amie des Etats-Unis, mais elle est très pauvre. Alors, finalement, il l'installe au Japon, pays plus hostile, mais plus riche. Mauvais calcul: en 1933, le Japon fait nationaliser son usine.
Le projet Chinois de produire des clones d'Austin Seven a très probablement fait long feu. En revanche, en 1931, la Liaoning Trench Mortal Artilery commence à assembler des camions sous licence Relay Motors Corporation, à Mukden. La production fut sans doute confidentielle. Miné par la crise de 1929, Relay Motors est au bord de la faillite (il coulera en 1933) et quelques mois plus tard, les Japonais envahissent la région.
La Liaoning Trench Mortal Artilery devient la Shenyang Automobile Factory, puis la Dowa Automobile Factory. Cette dernière assemble des camions blindés, comme cette automitrailleuse Isuzu:
Le Japon se rapproche de l'Allemagne nazie, dont il souhaite copier la planification industrielle d'Albert Speer. L'état fantoche de Manchukuo (dont le responsable théorique est Pu Yi, le dernier empereur Chinois) sert de terrain d'expérimentation. Le but officiel est de développer l'économie mandchoue. Le Japon se justifiera ensuite en évoquant une Mandchourie où l'économie se limitait à la culture de vers à soie et à la fabrication de céramique (alors que c'était le poumon industriel de la Chine et c'est d'ailleurs pour cela que le Japon l'a envahi.) Les différentes entreprises sont regroupées sous le conglomérat d'état South Mandchurian Railway, qui deviendra la Manchu Heavy Industry Development Co. (plus connue sous le nom de "Mangyo".) Le Mangyo est dirigé par Yosuke Matsuoka, nommé par son neveu Nobosuke Kishi, le ministre de la guerre Japonais.
La Mangyo possède un double-objectif. D'une part, contrôler les entreprises pour pouvoir exclure et marginaliser les opposants politiques (sur le modèle nazi.) D'autre part, construire des infrastructures routières et ferroviaire afin de quadriller le territoire (et donc de cerner les résistants) et d'ouvrir des voies d'accès pour d'envahir les pays limitrophes.
Outre les blindés de Dowa, la Mangyo aurait récupéré l'usine ex-Ford (qui aurait été déménagée en Mandchourie.) Le blindé ci-dessous aurait donc été fabriqué là. Nissan (dont les publicités soulignait fièrement la fourniture de camions pour les unités ayant massacré les habitants de Nankin) aurait également eu une usine de camions militaire en Mandchourie. Tout comme Toyota. L'extrême-droite Japonaise parle également de voitures de tourismes, ce qui est très peu probable, car le Mangyo avait un but militaire.
La plupart des installations furent détruites par les bombardements.
Côté Chinois, il n'y a plus vraiment de production de camions. Quelques seigneurs de guerre récupèrent des camions qu'ils font blinder eux-mêmes. L'agent Mercedes de Shanghai, Otto Wolff, membre du parti nazi, fonde la Chinese Automobile Company. Il importe des camions semi-finis qu'il termine sur place. Ses camions ont théoriquement une destination civile, mais Mercedes note que les volumes commandés sont "anormalement importants" par rapport aux marché Chinois.
Au fil de l'avancée des troupes Japonaises, il devra déménager son atelier à Zuzhou, Nantao et enfin Hong Kong.
(à suivre)
Merci à l'incontournable Erik, Ford, General Motors et Mercedes.
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