Pour se rendre compte de la rupture que l'on a vécu, le syndicat IG Metall est toujours très fortement masculin. Il faut dire qu'il s'occupe de l'industrie lourd avec par exemple l'automobile où l'on a 80% de salariés hommes. Pour autant, l'ex vice-Présidente de la centrale de Francfort a été élue Présidente haut-la-main avec 96,4 % des voix des 421 délégués régionaux. Elle a aussi été chaleureusement applaudie. Ces applaudissements allaient aussi à Jörg Hofmann, l'ancien Président, bien qu'en 2019 il n'avait recueilli que 71% des votes (le deuxième score le plus bas de l'histoire du syndicat NDLA).
IG Metall n'est pas un simple syndicat comme on peut les connaître en France. C'est un véritable poids économique et décisionnel. IG Metall représente 2,2 millions de salariés syndiqués et possède des sièges aux conseils de surveillance de grands groupes allemands. Son influence est encore réelle et si IG Metall se met en grêve ou demande quelque chose, le patronat écoute encore. L'industrie que représente IG Metall et d'autres syndicats pèse 5 millions de travailleurs en Allemagne.
En Europe de l'ouest, on assiste à la "prise de pouvoir" des femmes dans les syndicats. Elles étaient évidemment déjà en poste, mais souvent en seconde ligne. En France, on a récemment eu Sophie Binet secrétaire générale de la CGT, ou Marylise Léon cheffe de la CFDT. CFDT qui avait déjà connu, ne l'oublions pas, 10 ans de secrétariat général de Nicole Notat, de 1992 à 2002.
Visiblement, Benner fait consensus. Elle est ouverte au dialogue selon les autres délégués d'IG Metall, et connait à la fois la partie administrative qu'ouvrière. Son parcours est aussi atypique. Ayant dû travailler tôt, elle reprend ses études à 25 ans et part aux USA pour suivre des études de sociologie. Spécialiste des inégalités femmes-hommes, Benner a grimpé les échelons d'IG Metall "dans le feutré". La voilà à la tête du puissant syndicat à un moment crucial pour l'Allemagne.
Convaincre que la transition écologique peut être bénéfique pour l'industrie
En effet, le pays craint une plus forte désindustrialisation à venir, surtout dans l'industrie automobile. La faute à la "transition à marche forcée" vers le véhicule électrique. Rappelons que l'Allemagne croit davantage aux carburants de synthèse et/ou agricoles qu'au tout électrique. Selon certains spécialistes, la transition pourrait faire perdre 200 000 emplois à l'industrie automobile allemande d'ici 2030.
La crise de l'énergie n'arrange pas les choses et IG Metall demande un soutien, une sorte de "prix bloqué" à la française, pour les industries qui dépendent fortement de l'électricité. Consciente à la fois des enjeux de la transition écologique mais aussi industrielle, Benner semble la mieux à même de discuter avec tout le monde. Côté salariat, IG Metall demande la semaine de 32 heures avec compensation salariale. De quoi maintenir des emplois malgré le passage à l'électrique ?
A noter qu'une autre des tâches de Christiane Benner sera de reconquérir des adhérents dans les PME de l'industrie. En effet, ces derniers se sont détournés du puissant syndicat, estimant qu'il faisait plus de choses pour les grands groupes que pour les PME.
Benner arrive donc à la tête d'IG Metall à un moment difficile et complexe. Souhaitons-lui bonne chance.
En plus de Benner, 4 autres personnes ont été élues au conseil d'administration d'IG Metall : Ralf Reinstädtler, Jürgen Kerner, Nadine Boguslawski et Hans-Jürgen Urban.
Pour résumer
Le puissant syndicat allemand IG Metall a élu pour la première fois de son histoire une femme à sa tête. Christiane Benner, 55 ans, a reçu 96,4% des voix des 421 délégués régionaux.
Benner arrive à la tête d'IG Metall à un moment crucial pour l'industrie allemande. La transition écologique va toucher l'automobile, mais aussi les industries "électrivores" pour qui les envolées des prix de l'électricité sont un énorme coup de bambou.
Ménager à la fois la transition écologique, mais aussi l'emploi industriel allemand, tel va être l'une des missions compliquées de Benner.