C'est bien connu : les absents ont toujours tort … et d'autant plus quand ils sont en prison. S'il n'est pas – encore ? - question de griefs à l'encontre de Carlos Ghosn dans le cadre de ses – désormais anciennes - fonctions de PDG de Renault, le Conseil d'Administration du constructeur vient de sérieusement diminuer le montant du pactole qu'il aurait pu percevoir lors de son départ. Jouant sur différents aspects du contrat de travail liant l'ancien dirigeant à son employeur Renault pour au total réduire la « facture » de près de 30 millions d'euros.
Le conseil d'administration de Renault réuni mercredi pour approuver les comptes annuels du constructeur a par ailleurs abordé différents points concernant la rémunération de Carlos Ghosn.
460.000 actions de performance passent sous le nez de Carlos Ghosn
Parmi l'un des volets du dossier, figure le non versement d'actions attribuées en 2015, 2016, 2017, 2018 à Carlos Ghosn en qualité de Président-Directeur général. Ces titres correspondant soit à une part différée de la rémunération variable soit à des objectifs de performance.
Attention, il ne s'agit aucunement de revenir sur des décisions prises auparavant, ce qui serait totalement illégal … mais d'appliquer ni plus ni moins les clauses du contrat. A savoir, précise Renault que "leur acquisition définitive est soumise à une condition de présence au sein de Renault". Le Conseil ayant "constaté à l'unanimité" que cette "condition n'est pas remplie", cela « entraîne la perte des droits » de Carlos Ghosn "à l'acquisition définitive de ces actions".
Au final donc, les 460.000 actions d'une valeur actuelle avoisinant 21,6 millions d’euros selon Proxinvest et 26 millions selon Reuters n'iront pas rejoindre le portefeuille déjà bien fourni de l'ancien patron de Renault.
Selon des sources proches du dossier, l'Etat français, premier actionnaire du groupe, aurait largement plaidé pour que le dossier soit traité de la sorte.
La clause de non-concurrence jugée inutile
Le conseil d’administration de Renault a également décidé «à l’unanimité» de «renoncer» à verser à Carlos Ghosn la totalité de ses indemnités de non-concurrence. Soit une somme de quatre à cinq millions en contrepartie de l'obligation de ne pas offrir ses bons et loyaux (….!) services à un concurrent de Renault durant les deux ans suivant sa démission, effective le 24 janvier dernier.
Au vu de son contrat, l'ex PDG de Renault pouvait théoriquement prétendre à une indemnité de non-concurrence équivalente à deux années de rémunération fixe et variable. Mais son placement en détention limite très fortement ses opportunités de carrière …
Carlos Ghosn n'est pas dans le besoin
En l'état actuel des choses, Carlos Ghosn pourra tout de même prétendre à une retraite de 765 000 euros … annuel. Il ne devrait donc pas être dans le besoin.
D'autant plus que si l'on en croit Bloomberg, sa fortune personnelle est estimée à plus de 100 millions d’euros.
En ce qui concerne, sa rémunération au titre de l'exercice 2018, le groupe annonce, en conclusion de son communiqué qu'il statuera le 15 mars prochain.
L'avis de Leblogauto.com
Renault aura semble-t-il jugé que Carlos Ghosn n'était pas à la rue, … ce qui n'est pas faux – tant au sens propre qu'au figuré - puisqu'il a été placé en détention dans une prison japonaise, soupçonné de malversations financières dans le cadre de ses fonctions de PDG de Nissan. Mais on ne se refait pas, et à moins d'être schizophrène, il est fort probable qu'un dirigeant ait le même type de comportement au sein des deux sociétés qu'il dirige.
La manière dont les choses sont présentées laisseraient presque entendre à demi-mots que Carlos Ghosn n'aurait pas « besoin » de parachute ou d'autres sortes d'indemnités de départ, voire même de récompense pour ses bons et loyaux services … étant donné qu'il aurait pu d'ores et déjà se servir dans la caisse, notamment pour payer les frais de réception de son mariage, voire de son anniversaire ? Cela n'est certes pas nettement dit … mais il est permis d'avoir quelque doute, même si la présomption d'innocence prévaut.
Quant à Renault, cette décision le place dans une position avantageuse dans différents domaines : financiers tout d'abord, mais également politiques et sociaux.
Les mesures votées par le Conseil d'Administration lui permettent tout d'abord de faire d'importantes économies, ce qui est toujours bon à prendre et à afficher à ses actionnaires, parmi lesquels figurent l'Etat … et Nissan.
En cette période de lutte pour le pouvoir d'achat portée par les Gilets jaunes, durant laquelle il aurait été difficile d'afficher que soient versées des indemnités de départ somptueuses à un dirigeant soupçonné d'abus de biens sociaux, une telle décision est en ligne avec l'air du temps.
Enfin, une telle politique devrait permettre de maintenir une certaine paix sociale au sein du constructeur, les salariés pouvant y trouver là une certaine justice marquant la fin d'une époque où un dirigeant croyait pouvoir tout se permettre.
Sources : Reuters, Renault, Proxinvest