1964: un sacre unique dans l'histoire
Dans les années 60, le grand prix du Mexique clôt le championnat, ce qui lui vaut d’être décisif à plusieurs reprises pour le titre mondial. L’édition 1964 est sans doute la plus marquante, sous l’ère des sveltes monoplaces 1,5 litre.
A l’entame du dernier grand prix, trois pilotes sont encore en lice : Graham Hill, sur BRM, mène le championnat avec 39 points, devant John Surtees (34 points) et Jim Clark sur Lotus, crédité de 30 points. Vainqueur à 3 reprises au cours de la saison, l’écossais est intrinsèquement le plus rapide de tous, mais sa Lotus, aussi rapide que capricieuse, lui a joué des tours tout au long de la saison. Il faudrait un incroyable concours de circonstances pour qu’il triomphe, et le titre se jouera sans doute entre le père de Damon et le champion motocycliste.
Au départ, Clark sème le peloton et semble intouchable, suivi par la Brabham de l’américain Dan Gurney. Surtees est largué en raison de coupures moteur tandis que Graham Hill, 3ème, peut assurer les points. Sauf que derrière, ça s’active avec le fougueux Lorenzo Bandini, équipier de Surtees chez Ferrari. Le jeune italien percute Hill sur une tentative hasardeuse de dépassement. Obligé de repasser par les stands pour réparer les dégâts, le britannique repart en queue de classement avec deux tours de retard (et au passage, Bandini ne prend pas de pénalité, ce qui aurait sans doute été le cas aujourd’hui). Tiens donc…
Clark continue son cavalier seul devant Gurney. Il est virtuellement champion du monde, grâce à son plus grand nombre de victoires. Les malheurs de Hill ne suffisent pas en effet à Surtees, qui a besoin de la 2e place. Soudain, une trainée d’huile se répand sur la piste. Au bout de quelques passages, Clark comprend qu’il s’agit encore de sa monoplace, qui lâche à deux tours du but ! Gurney récupère la tête et Hill, pour un point, devient le nouveau champion provisoire. Ferrari prévient à temps Bandini, en seconde position, pour qu’il s’écarte au profit de Surtees. Tandis que Gurney remporte la course, Surtees coiffe au poteau la couronne mondiale. Hill, terminant malgré tout 5e, n’en bénéficie pas en raison du règlement qui ne retient que les 6 meilleurs résultats. Les deux points sont donc inutiles… Surtees accompli un exploit unique dans l’histoire, celui d’avoir été champion du monde de vitesse moto et de F1 ! D’autres pilotes, comme Mike Hailwwod ou Johnny Cecotto, ont couru avec brio dans les deux univers mécaniques, mais pas à ce point. Pour l’anecdote, l’anglais triompha sur une Ferrari…bleue et blanche ! Suite à un imbroglio d’homologation de la 250LM avec la fédération italienne, qui avait poussé Ferrari à menacer de quitter la F1 (déjà !), les voitures italiennes furent engagées pour la tournée américaine sous les couleurs du NART (structure créée par l'importateur Ferrari aux USA) et arboraient donc les couleurs officielles des voitures yankees !
1990 : super Prost
Ah 1990 ! Le duel Prost-Senna, les trois types de motorisations en piste (V8-V10-V12), Jean Alesi sur sa Tyrrell….
Le début de saison a tourné nettement à l’avantage de Senna et McLaren-Honda, tandis qu’Alain Prost, parti chez Ferrari, doit composer avec une monoplace encore capricieuse et les premières tensions qui apparaissent au sein de la Scuderia. Lors des essais, le mauvais état de la piste, très bosselée, inflige une véritable torture aux pneus qui se dégradent très vite et rend le réglage des monoplaces très compliqué. Berger prend la pole, devant Patrèse et Senna. Mansell, sur Ferrari, est 4e mais Alain Prost n’est que 13e. En délicatesse avec les réglages qualifs, le professeur a choisi de sacrifier la qualification pour préparer au mieux la course. Il a travaillé en conditions de course avec des pneus durs et un réservoir d’essence plein. Au warm-up, le Français se montre même assez confiant. Son style de pilotage coulé et sa capacité à préserver les pneus devraient faire merveille...
Durant le premier tiers de la course, Senna s’envole et creuse progressivement un écart de plus de 15 secondes sur ses poursuivants. C’est derrière que ça s’anime, avec une remontée méthodique et spectaculaire de Prost, qui multiplie les dépassements. Aux 26e et 31e tours, Prost vient à bout des Williams de Patrèse et Boutsen. Il pointe 4e, loin derrière Senna mais dans le sillage de la Benetton de Piquet et de son équipier Mansell.
La course entre alors dans une phase critique, où la durabilité des pneus commence à être mise à mal. Berger s’était arrêté dès le 12e tour suite au bullage de ses gommes, et Piquet fait de même peu après la mi-course. Les Ferrari ne rencontrent pas ce problème et impriment un rythme de course haletant, grignotant peu à peu l’avance de Senna. Au 50e tour, Senna commence à se plaindre à la radio de difficultés avec ses pneus, soupçonnant même une crevaison lente à l’arrière-droit, mais McLaren lui intime de rester en piste, alors qu’il n’a plus qu’une dizaine de secondes d’avance. Au 55e tour, Prost effectue un superbe dépassement au bout de la ligne droite sur Mansell, qui faisait lui-même un dépassement sur un retardataire.
Senna est à l’agonie avec ses pneus et Prost le dépose au 61e tour, avant que le brésilien ne subisse une explosion du pneu arrière droit justement quelques boucles plus tard. Mansell, accroché aux basques de Prost, part en tête à queue et se fait passer par Berger au 67e tour mais dans le tour suivant, il prend l’aspiration de l’autrichien et le passe avec audace par l’extérieur à 250 Km/h dans la terrifiante parabolique de Peralta. Un dépassement « à la Mansell ». Prost remporte sans doute sa plus belle course, mêlant à la fois l’intelligence tactique et la vista sur la piste. Caramba !