La crise du coronavirus aura au moins eu un effet positif : révéler la trop grande dépendance de l'économie mondiale au secteur manufacturier de l'Empire du Milieu. Lequel s'avère être de loin le principal fournisseur mondial dans nombre de secteurs d'activité.
Mieux encore, selon une étude de la Coface, les pays d'Europe de l'Est sont dorénavant bien placés pour offrir une alternative dotée de sérieux atouts pour les grands groupes industriels cherchant à diversifier leurs fournisseurs depuis la crise sanitaire.
Ne pas mettre tous les œufs dans le même panier
Désormais, les entreprises devraient retenir la leçon : il ne faut pas mettre tous les oeufs dans le même panier.
C'est pourquoi, une relocalisation massive voire intégrale de leur production certes hors de Chine d mais dans un autre et unique pays ne devrait pas être la stratégie retenue. Une hypothèse qualifiée de «peu probable» selon la Coface.
D'autant plus que les contraintes liées au coût du travail, à la disponibilité des compétences ou à la concentration des matières premières ne plaide pas en faveur d'un tel choix, toujours selon l'assureur-crédit.
L'Europe centrale dotée de nombreux atouts
Dans cette perspective, «on estime que l'Europe centrale a beaucoup d'atouts pour bénéficier de ces nouvelles stratégies de diversification», explique Julien Marcilly, chef économiste à la Coface et auteur de cette note intitulée «Délocalisation de la production post-pandémique: une opportunité pour les pays d'Europe centrale et orientale».
La région est notamment dotée d'atouts « exploités » de longue date comme un coût du travail moins élevé, la proximité géographique avec l'Europe de l'ouest et un cadre légal commun à la faveur de leur intégration dans l'Union européenne (2004, 2007, 2013). autant d'avantages qui ont d'ores et déjà permis à la zone d'attirer depuis une vingtaine d'années beaucoup d'investissements étrangers dans le secteur manufacturier - et en particulier l'industrie automobile.
Mais fait nouveau : s'y ajoutent désormais «des progrès en matière de numérisation et de robotisation», mais aussi de «formation des jeunes à des métiers à plus haute qualification».
Pologne, République tchèque, Slovaquie et Balkans en tête selon la Coface
Parmi ces pays dotés de sérieux atouts figurent en tête la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie. Ces derniers sont en effet bien placés pour attirer des investissements étrangers dans le secteur des services.
Les pays des Balkans, et tout particulièrement la Serbie devraient quant à eux attirer des entreprises du secteur manufacturier, prenant en quelque sorte le relais des pays cités précédemment à la faveur de la qualification accrue de ces derniers.
Nouvelle usine Volkswagen : rivalité Turquie/ Balkans
Suite à la décision du groupe Volkswagen - annoncée en octobre 2019 - de suspendre ses investissements en Turquie, les pays des Balkans rivalisent entre eux en vue d’accueillir un nouveau site d’une capacité de 1,3 milliard d’euros (1,4 milliard de dollars).
Alors que la Turquie ne semble plus avoir les faveurs de Volkswagen pour le choix d’implantation de sa nouvelle usine, la Bulgarie, la Roumanie et la Serbie espèrent que VW prenne en compte à sa short list précédente – laquelle incluait les pays des Balkans et l’Afrique du Nord – pour déterminer quel sera l’ »heureux gagnant » .
Il faut dire que l’enjeu est de taille : l’investissement serait l’un des plus importants réalisés par un constructeur dans l’un de ces trois pays. Lesquels luttent depuis longtemps pour tenter d’endiguer la corruption et améliorer leurs infrastructures.
VW reporte sa décision finale sur une implantation en Turquie
VW s’était arrêté sur le choix de la ville de Manisa, située à 40 km au nord-est d’Izmir, sur la côte ouest de la Turquie, pour y implanter une usine dont la production devait débuter en 2022.
Mais, en octobre dernier, le constructeur a reporté la décision finale sur le choix du site de Turquie. Une annonce qui fait suite aux vives critiques internationales contre l’opération militaire turque en Syrie, Volkswagen s’inquiétant notamment d’un mauvais impact sur son image de marque en cas d’une annonce allant dans le sens d’une construction d’un nouveau site en Turquie.
La Bulgarie fait les yeux doux à Volkswagen
Le gouvernement bulgare s’est quant à lui dit prêt à augmenter son offre et à doubler les subventions disponibles pour VW , qui devaient passer de 135 millions d’euros à 260 millions d’euros. Une déclaration faite par Rosen Plevneliev, membre du conseil d’administration du groupe non gouvernemental Bulgarian Automotive Cluster.
« La Bulgarie a préparé une proposition merveilleuse, qui offre tout ce qui est possible en vertu de la législation de l’Union européenne », avait alors déclaré à la radio publique bulgare BNR Plevneliev, par ailleurs ancien président de la République de Bulgarie.
Il a parallèlement ajouté que son pays était prêt à élargir sa coopération avec Volkswagen dans différents domaines, indiquant en parallèle que la Bulgarie devait construire une infrastructure pour les voitures électriques.
« Nous avons également des idées sur la manière de soutenir le constructeur en développant de nouvelles infrastructures et en mettant en place des mesures éducatives », avait indiqué Plevneliev.
La Roumanie a entamé des discussions avec VW
Suite à la mise en suspens de la décision de Volkswagen, la Roumanie a déclaré qu’elle avait entamé de nouvelles discussions en vue de faire pression en faveur de l’investissement.
« Nous avons entamé de nouvelles discussions avec le groupe Volkswagen », avait ainsi déclaré le ministre du Commerce, Stefan Radu Oprea, cité par le quotidien roumain Ziarul Financiar.
Le pays est loin d’être novice dans la matière, puisqu’elle abrite le constructeur Dacia et qu’une usine Ford Motor y est implanté. Autre avantage majeur : traversé par le Danube, la Roumanie détient un accès à la Mer Noire.
La Serbie également candidate pour une usine VW
Un investissement de VW « aiderait à stabiliser toute la région » et serait bénéfique pour VW, car la région dispose toujours d’une main-d’œuvre qualifiée pour l’industrie, avait déclaré quant à lui Marko Cadez, président de la Chambre de commerce de Serbie alors que le pays s’est porté candidat.
La Serbie étant hors de l’UE, contrairement à la Bulgarie et à la Roumanie, ses salariés n’ont pas accès aux emplois des pays membres. Mais leur niveau de rémunérations pourrait être un précieux avantage pour le constructeur. Précisons que le salaire moyen en Serbie est de 378.56 €.
Usine Fiat Serbie : un des sites automobiles les plus modernes
Le groupe Fiat dispose d’une usine dans le pays, à Kragujevac . À l’origine, le site était la propriété du groupe étatique Zastava Automobili, le fleuron de l’industrie automobile dans l’ex- Yougoslavie. À la suite de son acquisition par Fiat en 2010 et après des investissements très importants pour la reconstruction complète des ateliers de production, l’usine de Kragujevac est une des plus modernes actuellement au monde.
Le site est composé de 51 bâtiments couvrant une surface de plus d’un million de mètres carrés, dont 350 000 couverts. L’usine a créé 2 400 emplois directs et 10 000 emplois indirects dont plus de 1.000 auprès des sous-traitants.
Le site est dimensionné pour la production de plusieurs modèles sur des plates-formes différentes. La grande majorité des véhicules fabriqués est destinée à être exportée sur les marchés d’Europe via voie ferrée et d’Amérique à partir du port de Bar au Monténégro.
Une nouvelle usine pour VW Passat et Skoda Superb
La nouvelle usine de VW devrait construire les VW Passat et Skoda Superb de prochaine génération avec une capacité de production annuelle maximale de 300 000 véhicules, précise un document interne au groupe.
Le nouveau site devrait alléger les contraintes de capacité des usines tchèques de Skoda et permettra à l’usine VW d’Emmen, en Allemagne, de passer de la production de Passat aux voitures électriques.
Sources : AFP, Coface, Reuters, Bloomberg, Automotive News