Et si Renault était absorbé par Nissan?
par Joest Jonathan Ouaknine

Et si Renault était absorbé par Nissan?

Arnaud Montebourg veut que Renault produise des Nissan. Du moins, que l'accord aille au-delà des utilitaires et que la firme au losange produise aussi des voitures particulières. Une fausse-bonne idée, qui pourrait signifier à terme la mort de Renault.

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Arnaud Montebourg veut que Renault produise des Nissan. Du moins, que l'accord aille au-delà des utilitaires et que la firme au losange produise aussi des voitures particulières. Une fausse-bonne idée, qui pourrait signifier à terme la mort de Renault.

Les montagnes russes de Nissan

Il faut se souvenir d'où viennent les Japonais. Jusqu'à la fin des années 80, ils ont mauvaise presse, surtout en Europe. On les voit comme produisant des voitures fiables et peu chères, mais avec un retard technologique (notamment sur le passage à la traction pour les berlines) et un réseau pas assez dense. On les snobe dans les comparatifs. Les blocages sont tels qu'on préfère alors acheter des Rover, plutôt que les Honda dont elles dérivent!

La Nissan Micra 2ème génération (1991) est la première japonaise (hors coupé et 4x4) que l'on considère avec sérieux. D'ailleurs, c'est aussi la première japonaise sacrée voiture de l'année (la deuxième sera la Toyota Yaris, en 2000.)

Néanmoins, Nissan n'en profitera pas.

Aux Etats-Unis, son principal marché à l'export, c'est le plongeon. Là où Honda et Toyota triomphent avec leur marque premium (respectivement Acura et Lexus), le constructeur de Yokohama a du mal à lancer Infiniti. Ses modèles (des hauts de gamme Nissan "JDM") ne plaisent pas aux Américains.

Après une décennie d'errances managériales, Nissan s'associe à Renault, en 1999. La firme au losange est l'un des seuls constructeurs européens (avec BMW) régulièrement bénéficiaires. Compte tenu des situations des deux constructeurs et de la forme de l'accord, cela ressemble fortement à un rachat de Nissan par Renault.

Carlos Ghosn est envoyé par Louis Schweitzer pour faire le ménage. Le "cost-killer" n'y va pas par quatre chemins : licenciements secs, introduction de cadres non-japonais et sorties de fournisseurs locaux. De l'inédit sur l'archipel. Côté produits, Nissan met le paquet sur les marchés de niche: le premium aux Etats-Unis et les SUV en Europe. Il met aussi l'accent sur les voitures "images", comme la 350Z, puis la GT-R.

Aujourd'hui, en Europe, son best-seller est le Qashqai. C'est la huitième meilleure vente absolue du marché européen, avec 207 885 unités. Premier prix: 20 190€.

Renault en difficulté

La firme au losange se prend quant à elle  une belle claque en 2012. Avec 816 933 ventes, Renault repasse sous la barre du million d'unités, cède la troisième marche du podium à Opel/Vauxhall et connaît la plus forte régression du top 10 (-22%.) Vaisseau amiral: la nouvelle Clio, dont les prix démarrent à 13 700€.

Renault, c'est avant tout une crise identitaire. Sur les 11 premiers mois de 2012,  la Clio (y compris les Thalia/Symbol et Clio Campus) est sa première vente mondiale avec 398 181 unités. Mais la Logan (y compris les Sandero et Logan MCV) suit juste derrière avec 349 348 unités. En 2013, la Logan devrait passer devant, signant la fin de la domination des Renault "françaises".

Comme on l'a souligné plus haut, en Europe, Nissan écoule des Qashqai à 20 190€ et Renault, des Clio à 13 700€. Plus un véhicule est cher, plus le constructeur réalise de marge dessus. Le différentiel de ventes n'est pas énorme (207 885 contre 244 280.) Ainsi, la marge financière de Nissan est plus importante que celle de son allié.

Les sorties récentes hors des sentiers battus de Renault sont autant d'échecs: Wind, Laguna Coupé, Latitude... En 2008, il essaye même de lancer son propre Qashqai. Le Koleos possède la même plateforme et les mêmes motorisations que son cousin. La firme au losange est censé y ajouter un réseau plus dense et une meilleure image. Mais à l'arrivée, la "V.F." est à la traine. Même en France, il ne s'en vend que 6 476 (malgré un lifting.) Alors que le Qashqai, pourtant vieillissant, s'écoule à 30 846 unités. Le "made in Renault" ne fait plus recette. La situation s'est symétriquement inversée par rapport aux années 80: psychologiquement, à produit égal, on a davantage confiance dans le badge japonais.

Le problème de Renault (et de la plupart des généralistes européens) est d'exister au-delà du segment "B". Bonus/malus mortifère, plafonnement fiscal des indemnités kilométrique, politique commerciale agressive des constructeur asiatiques sur les flottes, etc. Les ventes des segments "C" et "D" sont en chute libre.

Chez Renault, le site de Sandouville va produire des utilitaires. Le plus gros modèle de la gamme, la Talisman, n'est même pas vendue en Europe. Autant de symbole qui démontrent un certain renoncement.

Créer une grande berline ou un grand SUV pour le seul marché européen ne serait pas économiquement viable. Or, ce sont les véhicules de niche qui génèrent de l'image de marque. Pour les rentabiliser, il faut les vendre hors d'Europe. Néanmoins, aux Etats-Unis et en Chine (les deux premiers marchés mondiaux), Nissan barre la route au constructeur français. Au sein de l'Alliance, il prend des décisions pour deux.

Donne moi ta montre, je te donnerai l'heure

Le dernier pré-carré de Renault, ce sont les citadines et les compactes. Depuis les années 90, Nissan laisse ces segments plus ou moins en friche sur le Vieux Continent. La Tiida (ci-dessous, l'ancien modèle) n'est même pas exportée en Europe. Quant à la Micra, elle s'efface de la chaîne de Sunderland, en Grande-Bretagne, pour faire de la place au Juke.

Produire de Nissan chez Renault, c'est introduire le loup dans la bergerie.

Certes, cela donnerait davantage d'activité à des sites comme Douai ou Flins. Pour autant, cela signifie que Nissan profitera de leurs acquis pour construire des voitures en y ajoutant la crédibilité de sa marque (cf. la leçon du Koleos et du Qashqai.)

Le futur du losange?

Le scénario rose, c'est que Renault modifie son image au gré des zones géographiques. Un peu comme Chevrolet et Ford.

En Europe, grâce à la Captur et à la Zoe, il devient le spécialiste des citadines à valeur ajoutée. De quoi faire remonter le ticket moyen. En Corée du sud, en Chine et en Asie du sud-est, il est vu comme un constructeur premium, avec la Fluence, la Latitude et la Talisman. Dans les pays émergents (Inde, Russie, Amérique du sud), il est le roi du low-cost, via les Dacia rebadgées.

Cela signifierait davantage de décentralisation hors d'Europe de l'Ouest.

Le scénario noir est plus probable.

Historiquement, lorsqu'un constructeur produit dans la(es) usine(s) principale(s) d'un autre constructeur, ça se passe rarement bien. Qu'il s'agisse de Peugeot chez Talbot à Poissy, d'Audi chez NSU à Neckarsulm ou de Honda chez Rover à Swindon, ça se termine au mieux par la reprise du site par l'hôte. Au pire, ce sont carrément la marque et le site qui disparaîssent. Renault a lui-même connu cela avec AMC à Kenosha et avec Matra à Romorantin.

A moyen-terme, si les volumes de Renault continuent à décroître, il n'y aurait plus d'intérêt à concevoir des véhicules inédits pour Renault. La firme au losange ne serait plus qu'une excroissance de Nissan pour l'Europe. Et les futurs modèles des japonaises rebadgées à la hâte. C'est déjà le cas en Inde avec la Pulse (Micra) et la Scala (Sunny/Versa)...

Crédits photos: Nissan (photos 1, 3, 6, 7, 13 et 14), MG (photo 2), Infiniti (photos 4 et 12) et Renault (photos 5, 8, 9, 10, 11, 15 et 16)

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