Histoire rocambolesque
La DeLorean DMC-12, fruit d'un projet ambitieux, fut un échec commercial notoire, entraînant après seulement deux années de production, entre 1981 et 1983, la faillite de la marque, précipitée aussi par l'arrestation de son fondateur John DeLorean. Cette voiture au look atypique, dessinée par le maître Giugiaro, portait encore les stigmates du design cunéiforme des années 70. Elle avait souffert d'un manque de moyens sur la conception et la finition ainsi que de performances insuffisantes assurées par le fameux bloc V6 PRV. Néanmoins, avec sa carrosserie en acier inoxydable et ses fameuses portes en élytre, elle n'était pas passée inaperçue. Deux ans plus tard, la DMC-12 devient une inattendue icône populaire, en étant la star incontestée du film Retour vers le futur de Robert Zemeckis. Transformée en voiture à voyager dans le temps, elle fait alors l'objet d'un culte qui ne se dément pas, 35 ans après.
Angel Guerra, designer qui a travaillé pour Rimac, reconnaît que la DeLorean du film a été un tournant dans sa vie, servant de déclencheur à sa passion pour le design automobile. Et le voici qui propose sa vision d'une DeLorean modernisée, remise au goût du jour des canons esthétiques actuels tout en essayant de conserver la "patte" de l'originale. Pas de rétrodesign mais une vraie berline de son temps.
Clins d’œil et élégance
Certains canons sont respectés : la couleur gris métal, les portes en élytre, les jantes "turbine" et les persiennes sur le capot arrière. Le look d'ensemble est bien entendu plus moderne, plus élégant et aussi plus agressif. Le cubisme laisse la place à une silhouette élancée, allongée, mais avec des formes minimalistes. Deux lignes lumineuses font office d'optiques sur la proue et la poupe, prolongées sur les flancs afin de former une ceinture autour du véhicule. Les épaulements larges, les faibles porte-à-faux, la ligne de caisse très haute avec des surfaces vitrées minimales, des flancs creusés et d'énormes diffuseurs arrière lui donnent un caractère très sportif. La poupe prend des faux airs de Porsche. Avec 4,85 mètres de long et plus de 2 mètres de large, elle ferait passer son aïeule pour une ballerine (4,21 mètres de long et 1,85 de large).
Le concept s'annonce évidemment en 100% électrique avec deux moteurs à l'arrière et un niveau de conduite autonome digne des standards actuels. Reste à imaginer une transformation en version "Back to the future", car ce qui est sympa avec la DMC-12 dans le film, c'est le pilotage et l'incertitude d'une machine faite de bric et de broc ! Ce côté bricolé assumé, avec les appendices et les transformations loufoques du "savant fou" Emmett Brown, donnait tout son charme à la voiture. Elle avait aussi été choisie pour son côté "has been", déjà à l'époque, et sa réputation capricieuse, que l'on retrouve dans plusieurs scènes du film. A contrario, la DMC 2020 serait peut-être trop belle et "parfaite" ? L'intérieur se fait discret: on imagine que l'énorme compteur d'affichage et de saisie des dates des voyages temporels, jouissant aujourd'hui d'un indéniable charme désuet, laisserait place à une dalle tactile très épurée façon Tesla. Et quid du convecteur temporel ?
des icônes indépassables ?
Quelques visuels imaginent cette nouvelle version en mode "voyage temporel". On se retrouve donc confronté à cet éternel problème, que les nombreux remakes de films américains démontrent à chaque fois : un objet culte est le fruit d'une époque, d'un contexte, d'une génération, et sa mise au goût du jour prend le risque à la fois de décevoir les fans, en général conservateurs et empreints de nostalgie, et de laisser indifférent les jeunes dont les codes et les goûts sont bien différents. D'autant que ce qui nous semblait futuriste et délirant dans les années 80 devient chaque jour un peu plus familier (bon OK, pas la voiture volante ni le voyage dans l'espace) : on pense à K2000 par exemple, dont la technologie d'IA et de conduite autonome ultra en avance dans les série des années 80 nous paraîtra bientôt presque banale. D'ailleurs, la K2000 "new look" de la série de 2008 avait fait un bide retentissant...
Esthétiquement, la "DeLorean" moderne d'Angel Guerra est plutôt réussie, avec des proportions à la fois élégantes et sportives, mais elle ressemblerait davantage à une James Bond car du futur ou au véhicule de service de Robocop plutôt qu'à une machine d'aventures spatio-temporelles.