Dans le tourbillon du temps
Délaissant les noms d’anciens champions, après Veyron et Chiron, la nouvelle Bugatti se nomme ainsi Tourbillon. Un terme qui peut renvoyer aussi bien à frénésie d’énergie déployée par sa mécanique, mais aussi et surtout aux mécanismes sophistiqués des montres de grand luxe, dont l’instrumentation de bord s’inspire dans son design. La Tourbillon tire son nom de l’invention horlogère d’un génie Suisse qui vivait en France en 1801. Sa création permettait de contrecarrer les effets de la gravité terrestre sur le garde-temps afin de garantir une mesure du temps d’une grande précision. Et 200 ans plus tard, elle est toujours considérée comme le summum de l’horlogerie.
Visuellement, la Tourbillon ne révolutionne pas le style Bugatti mais intègre les dernières tendances vues sur certains modèles spéciaux. La silhouette reste à la fois agressive et épurée. Le profil conserve la fameuse courbe en C qui englobe l’habitacle, et l’avant reste assez proche de la Chiron, avec néanmoins une calandre fer à cheval plus large qui dégage une impression de tension musculaire, de posture prête à bondir.
La poupe futuriste, avec ses optiques en « vague » et son énorme diffuseur, se rapproche de La Voiture Noire et de la Mistral. Elle mesure 4,67 mètres de long, soit 13 centimètres de plus que la Chiron. L’aileron arrière est en position rentrée lors des pointes de vitesse. Destiné à augmenter la force d’appui à basse vitesse, il sert d’aérofrein pour améliorer la stabilité en phase de décélération. Cet équilibre aérodynamique est en grande partie le fruit du nouveau concept de diffuseur, qui entame son ascension juste derrière l’habitacle, soit quasiment à la moitié du véhicule, selon un angle optimal, assurant ainsi la stabilité parfaite de la Tourbillon. Deux portières dièdres sophistiquées à commande électrique permettent non seulement de pénétrer facilement dans le véhicule, mais aussi de marquer l’ouverture de manière spectaculaire. Elles peuvent être ouvertes et fermées de trois manières différentes : à partir de la clé, via le bouton d’ouverture se trouvant juste en dessous de la ligne Bugatti, ou enfin celui sur la console centrale.
Un habitacle d'horloger
La pièce maîtresse de l'intérieur réside dans les instruments de bord conçus et fabriqués avec le savoir-faire des horlogers suisses, histoire de jouer à fond le concept de l’inspiration horlogère ! Composé de plus de 600 pièces, fabriqué en titane et intégrant des pierres précieuses telles que le saphir et le rubis, le tableau de bord est conçu avec une tolérance maximale de 50 microns – la plus petite étant de 5 microns – et ne pèse que 700 grammes. Cet élément demeure le point névralgique de l’expérience de conduite, autour duquel tourne le volant – une configuration connue sous le nom de « volant à moyeu fixe ». Grâce à ce concept ingénieux, le conducteur de la Tourbillon profite d’une vue dégagée sur ses instruments, et ce, quel que soit l’angle de braquage.
Dans un style néo-rétro, avec de faux airs de Pagani et de Spyker, la console centrale mêle verre de cristal et aluminium, révélant le fonctionnement complexe de l’ensemble des boutons et du levier de démarrage du moteur. La mise au point de ce verre a nécessité 13 étapes distinctes, afin de garantir sa parfaite transparence, son extrême résistance et une sécurité optimale en cas d’accident. Les pièces en aluminium sont anodisées et fraisées à partir d’un seul bloc de métal, tandis que les boutons moletés en aluminium trônent au cœur d’un mécanisme complexe visible sous le verre de cristal. L’allumage du V16 atmosphérique et de la motorisation électrique se veut une expérience physique, comme un clin d’œil aux rituels des automobiles historiques pour lesquelles il fallait tirer pour démarrer et pousser afin d’arrêter le moteur.
Un écran numérique haute définition – que le conducteur peut faire apparaître à sa guise - permet cependant d’afficher les données du véhicule et de proposer plusieurs options de connectivité. Cet écran peut rester entièrement caché, sauf si le conducteur souhaite le voir apparaître. Un mécanisme permet de déployer l’écran tactile depuis le haut de la console centrale – en mode portrait pour la caméra de recul en seulement deux secondes et en mode paysage en cinq secondes.
Un V16 qui donne le...tournis
C’est sous l’immense capot que se cache le vrai changement. Propriété de Rimac depuis peu, Bugatti s’avance vers l’électrification, mais conserve tout de même une âme thermique, ce que les fans craignaient de voir disparaître. Le monstrueux W16 gavé par 4 turbos, qui fut la colonne vertébrale de la Veyron puis de la Chiron, laisse place ici à un V16, développé avec le célèbre motoriste Cosworth, accompagné de trois moteurs électriques, deux sur l’avant et un sur l’arrière, à l’instar de la cousine Lamborghini Revuelto. Le bloc thermique atmosphérique à lui seul délivre 1000 CV, grimpe jusqu’à 9000 tours/min et dispose d’une cylindrée de 8.3 litres. Avec l’apport de l’hybride, le groupe délivre au total 1800 chevaux, soit 300 de plus que la Chiron ! Fabriqué à partir de matériaux légers, le moteur ne pèse que 252 kg.
Bugatti annonce évidemment des performances qui donnent le…tourbillon : 0 à 100 km/h en 2,0 secondes, 0 à 200 en moins de 5 secondes, 0 à 300 en moins de 10 secondes ( !!!), 0 à 400 en moins de 25 secondes, 445 km/h en vitesse de pointe (pour un compteur gradué jusqu’à 550).
Les moteurs électriques sont alimentés par une batterie 800V de 25 kWh refroidie par huile qui est logée dans le tunnel central et derrière les passagers. Avec ses quatre roues motrices et son système de vectorisation intégrale du couple, l’hypersportive bénéficie d’une traction et d’une agilité optimales. La motorisation électrique, de technologie Rimac, avec son régime pouvant atteindre 24 000 tr/min et son double onduleur en carbure de silicium, offre une très grande densité de puissance.
Les essieux électriques fournissent plus de 6 kW par kg de masse d’essieu électrique, ce qui inclut les onduleurs, les moteurs électriques et les boîtes de vitesses. Alors que la puissance, la réponse de l’accélérateur et le couple additionnel offerts par la fonction « Torque-Fill » sont des priorités pour la motorisation électrique, la teneur énergétique relativement élevée de 25 kWh permet une autonomie tout électrique de plus de 60 km.
Une conception qui chasse les kilos
Malgré cette motorisation hybride et des grosses batteries de 25 kWh, Bugatti annonce une masse contenue sous les 2 tonnes, de 1 995 kg exactement (comme la Chiron !).
La Tourbillon est conçue autour d’un châssis et d’une structure de carrosserie totalement inédits. La structure est constituée d’un composite de carbone dénommé "T800" (aussi résistant qu'un Terminator donc ?) , qui cherche à optimiser le poids A ce titre, on peut souligner l’intégration de la batterie dans la structure de la monocoque et un diffuseur arrière en composite anti-collision totalement inédit – inspiré du sport automobile de haut niveau. Les conduites d’air en composite qui traversent l’avantfont également partie intégrante de la structure, ce qui permet d’optimiser chaque élément pour plus de rigidité et de légèreté.
À l’avant et à l’arrière, le châssis entièrement repensé intègre des suspensions multibras, forgées en aluminium, qui se substituent à la construction en acier à double triangulation de la Chiron. En optant pour un nouveau bras de suspension et un porte-fusée de direction de conception organique imprimés en 3D en aluminium, les ingénieurs ont réduit le poids des suspensions de 45 %. Pour améliorer la dynamique du véhicule et sa performance aérodynamique, l’arrière a également été doté d’un bras creux à profil aérodynamique imprimé en 3D et développé par l’IA.
Chaussée de Michelin Pilot Sport Cup 2 sur mesure, la Bugatti Tourbillon se limitera à 250 unités au prix de base de 3,8 millions d’euros. Avant de démarrer sa production, Bugatti doit encore terminer celle de la Bolide de circuit et de la Mistral cabriolet.