L'histoire de la DBS commence au moment où Aston Martin demande à la carozzeria Touring, déjà responsable du dessin des DB4, 5 et 6, d'imaginer un modèle capable d'accueillir une nouvelle motorisation, à huit cylindres cette fois. L'officine italienne élabore alors deux prototypes, sur la base d'une Aston Martin DB6. Conservant un style très sixties, tout en rondeurs, mais affublée d'un capot et d'optiques avant plus inclinés que la DB6, le dessin du prototype déçoit lors de sa présentation au public aux salons de Londres et de Paris en 1966.
Alors qu'Aston Martin abandonne l'idée de commercialiser en quantité limitée la DBS réalisée par Touring, c'est finalement William Towns, le designer interne de la marque anglaise initialement chargé du design intérieur, qui signera les traits du modèle définitif. Lequel est présenté le 25 septembre 1967 au palais de Blenheim, dans la région de l'Oxfordshire en Angleterre. Les deux prototypes élaborés par Touring sont quant à eux rebaptisés DBSC à la sortie de la DBS de série pour éviter toute confusion, alors que l'officine italienne a pour sa part mis la clé sous la porte fin 1966.
Pour des questions d'habitabilité, le point alors le plus critiqué sur les anciennes créations de la marque, la carrosserie toujours à deux portes et quatre places se veut maintenant plus massive, se rapprochant en cela de certaines productions américaines (marché cible de David Brown pour ce nouveau modèle), comme au hasard la Ford Mustang Fastback. La calandre Aston Martin, dite en 'chapeau de gendarme', intègre désormais les quatre feux avant, et les traits de la DBS sont désormais plus acérés, aux antipodes des rondeurs de ses aïeules de la série 'DB'. Pourtant, subsistent encore quelques éléments rappelant l'ADN d'Aston Martin, comme le dessin des custodes ou l'arrondi des ailes arrières.
S'agissant de la partie mécanique, si c'est tout d'abord le six cylindres maison qui est reconduit sur la DBS, ce n'est en réalité que pour laisser à terme la place à un V8, plus en adéquation avec les aspirations américaines d'Aston Martin. Charge à l'ingénieur polonais Tadek Marek, à l'oeuvre sur les moteurs de la marque depuis 1954, de concevoir et mettre au point ce nouveau bloc motopropulseur.
En fait de réelle nouveauté, ce nouveau moteur est construit à partir de deux six cylindres qui se voient chacun amputés de deux de leurs unités, puis accolés avec un angle d'inclinaison de 90 degrés. Le V8 4,8 litres ainsi obtenu s'avère toutefois décevant, car peu fiable et plus long à mettre au point que prévu. Aussi, et considérant que le reste des éléments de la DBS sont déjà prêts, est prise la décision de faire rempiler le six cylindres, d'une part pour ne pas retarder la commercialisation du nouveau modèle (la DB6, vieillissante, est en perte de vitesse), et d'autre part pour laisser le temps au nouveau moteur d'être parfaitement au point.
Une fois achevé, le V8 équipant sur la DBS voit sa cylindrée atteindre 5,3 litres. Développant 320 chevaux, il grève le poids de la caisse de près de 200 kilogrammes et impose l'adoption de nouvelles jantes en alliage léger, en lieu et place des traditionnelles jantes à rayons. Les jantes spécifiques constituent d'ailleurs l'un des seuls signes extérieurs permettant de distinguer cette version de celle à six cylindres avec les monogrammes apposés sur les grilles d'aération latérales.
Du point de vue des chiffres, la déclinaison V8 abat le 0 à 100 en 6 secondes tout rond, et peut atteindre 245 km/h en vitesse de pointe, contre respectivement 7,1 secondes et 225 km/h pour son homologue à six cylindres. A noter que cette dernière pouvait, en option, bénéficier du kit Vantage, lequel permettait d'augmenter la puissance du 4.0 litres de 286 à 325 chevaux, grâce notamment à l'adoption de trois carburateurs Weber à double corps.
Pour la partie châssis, les équipes d'Aston Martin reprennent certaines des solutions techniques de la DB6 avec les suspensions avant à triangles superposés. En revanche, le train arrière est de conception nouvelle et doté d'un pont arrière De Dion rigide.
Mais c'est bien sûr au travers de deux apparitions, cinématographique d'abord et télévisuelle ensuite, que l'Aston Martin DBS passe à la postérité : en 1969, dans le sixième film de la saga James Bond, 'au service secret de sa Majesté', où un modèle à six cylindres permet à l'agent le moins secret au monde (alors ephémèrement incarné par Georges Lazenby) de rattraper la Mercury Cougar décapotable de Tracy Draco (Diana Rigg) et de la sauver de la noyade. A noter également pour les fans de 007 que dans l'opus suivant, 'les diamants sont éternels', que l'on aperçoit furtivement deux DBS partiellement démontées au fond de l'atelier de Q. Sans doute pour recevoir les habituels gadgets dont le Major Boothroyd a le secret ?
Et en 1971, dans la série 'amicalement vôtre', le sang bleu Lord Brett Sincair (incarné par le regretté Roger Moore) rivalise avec Danny Wilde (Tony Curtis), le self made man américain. Et pour les montures, Dino 246 GT pour le rescapé des bas-fonds et Aston Martin DBS V8 pour l'aristocrate... V8 qui n'en est en réalité pas une, puisque l'exemplaire ayant servi pour le tournage de la série culte est en réalité une version six cylindres sur laquelle ont été installées les jantes alliages spécifiques de sa grande soeur...
Produite à 787 exemplaires en version six cylindres, 70 en Vantage et 402 exemplaires en V8, la DBS laissera en 1973 la place à l'Aston Martin V8, qui se veut en réalité plus un restylage qu'un réel nouveau modèle, la principale évolution esthétique résidant dans ses feux avant, à nouveau dissociés de la célèbre calandre Aston Martin. Et il faudra patienter plus de trente ans pour à nouveau revoir les célèbres initiales de Sir David Brown désigner une production de la marque anglaise, avec la DB7 sortie en 1993.
Prochain modèle : Matra 530
Modèle précédent : Mazda Cosmo Sport
Illustrations : Aston Martin