1914-1918 : des pilotes de course dans la Grande Guerre
par Nicolas Anderbegani

1914-1918 : des pilotes de course dans la Grande Guerre

A l'heure des commémorations de l'armistice de 1918, revenons sur quelques exemples de pilotes connus- ou en devenir- qui ont vécu l'expérience de la Grande guerre.

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Louis Chiron, chauffeur spécial

Né à Monaco en 1899, le mythique pilote Bugatti, quintuple vainqueur du grand prix de France et vainqueur du grand prix de Monaco 1931, est pris sous son aile par une aristocrate russe, dont le chauffeur personnel lui apprend les rudiments de la conduite. Le franco-monégasque s’engage dans l’armée française au moment de la Grande Guerre et sert l’artillerie. Mobilisé jusqu’en 1921, il obtient à la fin des hostilités un poste de chauffeur au sein de l’état-major et ne conduit pas n’importe qui : les maréchaux Foch et Pétain.

Tazio Nuvolari, celui qui n'a pas écouté (heureusement) son supérieur

Né en 1892, ce génie du pilotage, que l’on surnommait le « mantouan volant » et « il campionissimo », est embauché comme mécanicien avant la guerre et s’intéresse d’abord à la moto. Enrôlé sous les drapeaux à 23 ans juste avant l’entrée en guerre de l’Italie aux côtés de l’Entente, il est incorporé dans la compagnie de train de l'artillerie (qui au départ est majoritairement de la cavalerie) puis dans le 6e bataillon automobiliste basé à Mantoue. Il est affecté comme chauffeur au service des véhicules de l’armée, conduisant aussi bien des ambulances de la Croix-Rouge, des camions militaires de transport logistique que des véhicules d’officiers. Un jour, alors qu’il conduit un officier, Nuvolari sort de la route. Excédé, l’officier tance son chauffeur et lui lance : « Ecoutes-moi, oublies la conduite. Tu n’es pas fait pour ce travail ».

Enzo Ferrari, du mulet au cheval

Alfredo Ferrari est à la tête d’un atelier de fabrication de poutres métalliques et tout en s’intéressant à l’automobile, son fils Enzo entame des études techniques à Modène. La guerre bouleverse tout cela, avec la mort coup sur coup de son père et de son frère aînés, emportés par une épidémie de grippe en 1916. Enzo Ferrari doit arrêter ses études et trouver du travail, mais il est mobilisé peu après en étant incorporé dans le 3e régiment d’infanterie de montagne. Il s’occupe entre autres du ferrage des mulets (sic) mais tombe gravement malade et doit être démobilisé. A la fin de la guerre, il devient manutentionnaire-livreur dans une entreprise qui « recycle » de vieux camions militaires puis décroche un poste de pilote d’essai chez le petit constructeur turinois C.N.M, ce qui lui ouvre les portes de la compétition.

Le destin d’Enzo Ferrari est en partie lié à celui de Francesco Baracca, qui fut le plus célèbre as de l’aviation de guerre italienne et remporta de nombreuses victoires avant d’être abattu en 1918. Baracca arborait sur son avion un emblème représentant un cheval cabré sur fond blanc, rappelant le 2e régiment de cavalerie « Piemonte Reale » basé à…Modène. 5 ans plus tard, sur le circuit de Savio, Enzo Ferrari triomphe comme pilote sur son Alfa Romeo. Dans les tribunes se trouve le comte Enrico Baracca, qui vient saluer le vainqueur. Quelques temps plus tard, Ferrari rencontre la comtesse Paolina, la mère de Francesco Baracca, qui lui remit en cadeau une photographie dédicacée avec le « Cavallino Rampante » pour honorer la mémoire du fils disparu : « Ferrari, mettez le cheval cabré de mon fils sur vos voitures, il vous portera chance ». Ferrari retravailla l’emblème en dressant davantage le cheval et en insérant un fond jaune rappelant les couleurs de Modène : l’emblème mythique de Ferrari était né.

Georges Boillot, un élan brisé

Débutant dans la compétition cycliste amateur, Boillot entreprend une formation d’ingénieur et de mécanicien. Recruté comme pilote de course par Peugeot, il contribue à la création de la L76, un modèle révolutionnaire pour l’époque qui fut le premier à utiliser un double arbre à cames en tête et 4 soupapes par cylindre. Grâce à cette voiture, Boillot connaît alors une ascension fulgurante avec 2 victoires consécutives au grand prix de France en 1912-1913 et trois victoires de suite à la course de côte du Ventoux. En 1914, il dispute les 500 miles d’Indianapolis et réalise la pole position. Boillot fait partie des favoris mais doit abandonner après une crevaison. La guerre stoppe sa carrière. Il devient le chauffeur de Joffre puis intègre à sa demande l’armée de l’air comme sous-lieutenant. En mars 1916, il remporte un combat aérien dans la région de Verdun qui lui vaut d’être décoré de la légion d’honneur le 15 mai. 4 jours plus tard, il se retrouve seul face à 5 avions allemands : il réussit à en éliminer un mais son avion est abattu par l’escadrille ennemie et il décède peu après à l’hôpital. Le jour même, la presse annonçait sa décoration…

Robert Benoist, héros des deux guerres mondiales

Il sert dans le 131e régiment d’infanterie puis passe dans l’aéronautique militaire. Pilote de reconnaissance mais aussi pilote de combat, il réussit à abattre un avion allemand mais se fait abattre à son tour, son avion tombant derrière les lignes ennemies. Instructeur de vol après la guerre, il finit par s’engager en compétition automobile et devient un des pilotes français les plus doués de l’entre-deux-guerres, remportant notamment le grand prix de France en 1925 et les 24 heures du Mans en 1937 sur Bugatti. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il s’engage dans la Résistance et fonde un réseau soutenu par le SOE (Special Operations Executive, organisme britannique appuyant les mouvements de Résistance en Europe) avec ses pairs Jean-Pierre Wimille et William Grover-Williams (le 1er vainqueur du grand prix de Monaco). Arrêté, il est déporté à Buchenwald et exécuté en 1944.

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