Le championnat du monde 1994 est une lutte entre Carlos Sainz et Didier Auriol. Le premier est au volant de la nouvelle Subaru Impreza. Le second a entre les mains la toujours rapide Toyota Celica. Le Sanremo est l’avant-dernière manche du Championnat du Monde et constitue une étape fondamentale pour l’attribution du titre Pilotes.
Le Rallye de Sanremo est alors l’un des rares rallyes à proposer encore des spéciales sur revêtement mixte. Après une longue route jusqu’à Arezzo, à l’est, et une étape de nuit dans cette ville, des spéciales sur asphalte n’ont été disputées que le dernier jour, lorsque le rallye a fait une boucle à travers les montagnes immédiatement au nord de Sanremo, où se déroulait dans son intégralité l’ancien Rallye des Fleurs.
Il semblait que tous les fans de rallye italiens étaient sur la route. On évoqua 500.000 personnes sur l’ensemble de l’épreuve ! En effet, de nombreux problèmes ont été causés par les embouteillages et certains concurrents ont même perdu du temps de route à cause des retards dus aux routes bloquées par les voitures des spectateurs. Une spéciale a même été annulée pour cette raison.
Au départ du rallye, Toyota, qui a déjà remporté le championnat des constructeurs en Finlande, aligne Kankkunen, Auriol et Aghini. Le Finlandais est le seul à disposer de la nouvelle GT Four qui fera ses débuts dans cette course. La présence de Ford est également massive avec les trois officiels, Delecour, Biasion et Thiry, rejoints par Cunico et Wilson du Jolly Club, l’Anglais étant prêté pour cette course à l’équipe italienne. Subaru aligne les « deux attaquants » habituels : Sainz et le funambule Colin McRae.
Sainz en mode « Matador »
Au départ de l’épreuve italienne, Sainz vole sur la Subaru. Dès la première spéciale, il prend le dessus , profitant de sa dixième place sur la route et de l’absence de graviers sur sa trajectoire. Auriol, en revanche, est en grande difficulté avec ses suspensions. Il a fait un tête-à-queue et termine en 13e position, avec déjà 38 secondes concédées ! Au cours de cette première étape disputée sur terre, l’Espagnol s’est déchaîné. « El Matador » a remporté les huit spéciales de la première étape et a creusé un écart conséquent derrière lui.
Le premier des poursuivants à plus d’une minute est Malcom Wilson, puis Bruno Thiry. A deux minutes, Auriol, Delecour, très pénalisé par sa position d’ouvreur, et Biasion suivent. Le pilote Ford tempête contre son statut d’ouvreur, alors qu’il n’est ni en tête du championnat ni vainqueur sortant du San Remo. Delecour n’y va pas par quatre chemins, estimant que la « mafia italienne » a encore frappé et qu’il y a eu magouilles pour certains pilotes ! (Impensable une sortie comme celle-là aujourd’hui haha) Makinen abandonne avec une suspension cassée, tandis que Kankkunen écope d’une pénalité de deux minutes et a du mal avec les réglages de la nouvelle voiture
Au départ de la deuxième étape, toujours sur terre, Sainz souffre désormais de devoir partir le premier : cette fois, c’est lui qui « dégagera » les routes. Le plus sauvage est cependant Kankkunen. Le Finlandais remporte 6 spéciales sur la nouvelle Celica réparée dans la nuit. Les autres sont l’apanage de McRae, Biasion et Schwarz. Auriol n’a remporté aucune des spéciales, mais grâce à une course régulière et offensive, il a récupéré de précieuses secondes sur Sainz et s’est hissé à la deuxième place du classement général, à un peu plus d’une minute de retard. L’Espagnol de son côté, sous pression, a dû attaquer et a été victime d’un tout-droit qui lui a fait perdre de précieuses secondes. Tout est possible ! En effet, pour le succès final, il ne reste plus que trois en lice : Sainz, Auriol à 1’13 et Biasion à 1’22.
Il lui a mis la fièvre, pendant des heures
La troisième étape se déroule sur asphalte. La nuit est bien remplie pour les mécaniciens qui doivent basculer les voitures en configuration tarmac ! le favori pourrait bien être le Français qui se réveille cependant avec une mauvaise surprise : il est malade avec une grippe et une forte fièvre !
Auriol, malgré la forte fièvre, commence à rouler comme lui seul peut le faire. Dès la première spéciale, il reprend 13 secondes à Sainz : c’est donc jouable ! L’espagnol souffre en plus de problèmes électriques avec sa Subaru. Après les quatre premières spéciales de la journée, le pilote Toyota réduit son retard à seulement 21 secondes, le tout sans même remporter une spéciale pendant toute la course.
Auriol est épuisé, déshydraté, mais il ne lâche rien. Il remporte finalement sa première étape du rallye (la San Bartolomeo, numéro 24), se plaçant à seulement dix secondes de Sainz qui n’a pas su contenir le Français déchaîné. Il prend définitivement la tête de la course dans la spéciale suivante et finalement, remportant également la dernière étape du rallye, s’impose sur le Sanremo avec 21 secondes d’avance sur un Sainz incrédule et résigné.
La fièvre le mettait à rude épreuve, à tel point que Didier s’effondrait souvent par terre pour se reposer pendant qu’on l’assistait ou entre une épreuve et une autre. Mais une fois au volant, la bête s’est déchaînée, comme cela s’est déjà produit dans le passé et précisément dans le Monte-Carlo de 90 ou celui de 93 : si dans la dernière étape il y a la possibilité de gagner, l’ancien ambulancier sera toujours prêt à attaquer ses adversaires.
Le championnat restait serré, même si Auriol devançait Sainz de 11 points. Le pilote français n’aurait besoin que d’une quatrième place ou plus au prochain RAC Rally pour remporter le titre, même si Sainz remporte l’épreuve. Le RAC dévoilera aussi son lot de surprises.
Rallye de Sanremo – 9-12 octobre 1994
1. Auriol Didier – Occelli Bernard (Toyota Celica Turbo 4WD)
2. Sainz Carlos – Moya Luis (Subaru Impreza 555) +21
3. Biasion Miki – Siviero Tiziano (Ford Escort RS Cosworth) +47
4. Thiry Bruno – Prévot Stéphane (Ford Escort RS Cosworth) +1:17
5. McRae Colin – Ringer Derek (Subaru Impreza 555) +1:36
6. Cunico Gianfranco – Evangelisti Stefano (Ford Escort RS Cosworth) +1:51