L’Alfa Romeo Junior est attendu au tournant, par le constructeur qui compte s’appuyer sur lui pour rebooster ses ventes, mais aussi par la communauté alfiste, qui doit accepter l’entrée de sa marque fétiche dans une nouvelle ère. L’Alfa Romeo Junior est enfin là, après sa présentation officielle à Milan en avril dernier. Dire que ce véhicule est important pour le Biscione relève de l’euphémisme, car sa carrière commerciale sera décisive pour l’avenir de la marque. Le binôme Giulia / Stelvio actuel, qui arrive en fin de vie après 8 et 7 ans de carrière, n’assure désormais que des ventes anecdotiques (surtout en France où le malus fracasse les blocs essence) en attente d’un remplacement respectivement prévu en 2025 pour le SUV et 2026 pour la berline. Le Tonale, arrivé salutairement en 2022, est un demi-succès et ses ventes se tassent un peu, en attente d’une mise à jour (révélée au prochain Mondial).
Le Junior a donc pour mission de doper les ventes par « la base », en permettant un retour de la marque sur le segment B, afin de capter à la fois une nouvelle clientèle, plus jeune et féminine, tout en essayant de récupérer la clientèle Mito-Giulietta qui est parfois partie voir ailleurs, faute de renouvellement des deux berlines par FCA. Dans sa communication, Alfa Romeo ne parle d’ailleurs jamais vraiment de crossover et encore moins de SUV, jouant plutôt sur la notion d’une compacte, qui serait au croisement du segment B et du segment C. C’est aussi un véhicule-jalon dans l’histoire du Biscione, puisqu’il s‘agit de son premier produit « Stellantis », de son premier crossover (pardon, c’est une compacte 😊) et de son premier modèle à version 100% électrique. Le Junior est également disponible dans une version Ibrida, laquelle disposera début 2025 d’une version Q4 qui titille notre curiosité.
Pour l’instant, nous avons pris le volant des deux versions 100% électriques : l’Elettrica 156CV et la sportive, le Veloce 280CV. Pour la première citée, c’est entre Gemenos et le massif de la Sainte-Baume, à quelques encablures de Marseille, que le roulage s’est effectué, tandis que pour le Veloce, c’est sur la piste du « Driving Center », attenante au circuit Paul Ricard, que nous avons pu tester les qualités dynamiques du crossover italien. Nous y reviendrons dans un autre article.
Un design entre rupture et continuité
Quand on parle d’une Alfa Romeo, la question du style s’invite immédiatement. En ce sens, le Junior a clivé la communauté Alfiste, dans la pure tradition de la querelle des « anciens » et des « modernes ». La volonté « disruptive » est assumée par Alejandro Mesonero, le directeur du style, à la fois pour marquer une « nouvelle ère » et cibler un nouveau public, tout en ayant à la fois un cahier de charges « contraint » par la plate-forme e-CMP et la synergie Stellantis, avec la nécessité, malgré tout, de s’inscrire dans l’histoire de la marque. Il est vrai que la gamme Alfa Romeo, dans le domaine du style, témoigne des bouleversements du groupe FCA sur ces dernières années, puisque la ligne directrice a été très différente à chaque fois pour le binôme Giulia/Stelvio de l’ère FCA, le Tonale de « transition » FCA/Stellantis et donc ce Junior né de Stellantis. Difficile en effet de trouver un « air de famille » dans la gamme qui propose désormais une identité stylistique hétéroclite.
Il faut d’abord tordre le coup à une réflexion lue et relue : malgré son « cousinage » avec le Peugeot 2008, le Jeep Avenger, la Fiat 600 et autres DS3, non, le Junior n’est pas une simple copie de groupe rebadgée mais il s’est doté d’une personnalité propre, avec une silhouette à la fois élancée et musclée, donnant l’impression d’un véhicule bien campé sur ses roues avec des porte-à-faux contenus et des ailes marquées. Avec 4,17 mètres de long, 1.78 de large et 1.50 de hauteur (en Veloce) – ce qui en fait le SUV de segment B le plus bas – le véhicule est à la fois compact et râblé, une sensation renforcée sur la finition Veloce qui propose des jantes 20 pouces ! Le Junior Elettrica fait en effet 3 centimètres de moins en hauteur et 13 centimètres de moins en longueur que le e2008.
L’avant a fait couler de l’encre au sein de la communauté Alfiste, certains déplorant un style trop « asiatique » assez chargé ou lorgnant du côté d’un Captur avec ces optiques LED effilés et le retour en « C » des blocs optiques. Le fameux Scudetto a été réinterprété, en étant recouvert sur la calandre « Progresso » par un grand cache en plastique noir qui reprend en grand format le fameux logo avec la Vouivre, mais il y a fort à parier que beaucoup préfèreront la calandre « Leggenda » avec le nom Alfa Romeo écrit en style classique. La marque a confirmé qu’à partir de 2025, on pourra choisir à sa convenance le type de calandre quel que soit le modèle, alors que l’Elettrica est d’office affublée de la Progresso à ce jour. Le petit logo circulaire, désormais en noir et blanc (ah cette mode !), n’est plus incrusté dans la partie supérieure du Scudetto mais posé sur l’avant du capot (le Junior récupère du Peugeot son capot très horizontal), tandis qu’il disparaît à l’arrière, remplacé par l’inscription Alfa Romeo en noir…ce qui pose un petit souci sur les modèles en teinte noire, puisqu’on ne voit rien…un détail à changer rapidement sans doute.
Pour l’instant, le nom « Junior » n’est apposé nulle part sur la voiture, ni à l’arrière, ni sur les ailes, mais cela pourrait vite changer. Si nous reprenons notre étude, le profil du Junior est sans doute l’angle le plus appréciable, où l’on peut constater le travail fait pour donner à la carrosserie une silhouette dynamique. La ligne de caisse qui remonte sur l’aile arrière est plus galbée que chez ses cousins, afin de créer un bel épaulement, accompagné par un montant C orné du blason en léger relief. La poupe est marquée par une ligne de coupe façon « Codatronca », qui est censée rappeler les Tubolare SZ et autres 8C…ce qui ne sera pas l’avis de tous. Il faut dire que le bandeau à Leds transversal est devenu une norme stylistique…
Au final, le Junior se distingue nettement de ses cousins, avec une véritable personnalité. Il sera difficile de séduire les puristes, qui préfèrent les galbes du charme latin aux arêtes futuristes et aux « gimmicks » de la mode actuelle, mais un autre public, moins attaché aux traditions et plus réceptif au design moderne, peut être séduit, ce que nous avons eu l’occasion de constater.
En action
Les caractéristiques techniques du Junior Elettrica 115Kw (soit 156 CV) ne nous aventurent pas en terre inconnue. On retrouve ainsi le bloc e-Motor maison de Stellantis, associé à batterie CATL de 54 kWh (48,1 en valeur nette) que l’on trouve sur le e2008. En attendant une éventuelle version encore plus accessible, le Junior propose en hors d’oeuvre 156CV et 260Nm de couple. Avec 9 secondes pour réaliser le 0 à 100 Km/h, le Junior se montre un peu plus rapide que son cousin du lion ou que la Mégane E-Tech, celle-ci étant néanmoins plus lourde. Là encore, Alfa Romeo joue la carte de l’efficience grâce à la maîtrise du poids pour garantir de meilleures qualités dynamiques. Avec 1540 kilos à vide dans cette configuration, le Junior s’affirme comme le segment B le plus léger, battant la Mégane EV60 130 (1624 kilos).
Dans un laps de temps assez court, nous avons pu effectuer (entre deux photos !) une cinquantaine de kilomètres. Très peu d’urbain, mais de la départementale sinueuse (l’arrière-pays de Marseille aux confins du Var) et surtout un col, ce qui forcément sollicite bien davantage la batterie. On sent de suite qu’Alfa Romeo a retravaillé les trains roulants de la plate-forme, donnant à cette CMP « biscionisée » plus de réactivité et de dynamisme que ses cousins. La direction est assez légère mais elle offre de bons retours et une bonne précision, toutefois un peu plus de fermeté ne serait pas malvenue. L’inscription dans les virages et les sorties de courbe montrent une belle assurance, en dépit des limites de la CMP et de ce type de véhicule. Les suspensions sont plus fermes que chez ses cousins, mais le confort n’en reste pas moins tout à fait convenable.
Du côté des consommations, nous avons roulé à un bon rythme avec quelques phases soutenues, quelques belles accélérations et des enchainements de lacets en dynamique, ce qui n’était pas forcément le plan requis pour jouer l’efficience absolue… Nous sommes partis avec une autonomie annoncée à 395 kilomètres et une batterie chargée à 95%. A la fin du périple de moins de 50 kilomètres, il restait 310 kilomètres d’autonomie estimés et une batterie à 79%, avec une consommation moyenne à 19.4 kWh. Sur le papier, c’est plus que ce qui est annoncé aux environs de 15 KWh, mais comme dit plus haut, nous n’avons pas vraiment traîné et le parcours avait du relief (le col de l’Espigoulier pour les connaisseurs). Au niveau de la recharge, les données fournies par Alfa Romeo en mode rapide sont, comme pour la e2008, annoncées à 27’ pour passer de 20 à 80%, la puissance étant plafonnée à 100 kW. En borne AC 11 kW, les valeurs tournent autour de 8h15 en charge complète. Nous n’avons pas eu l’occasion de tester cela. A noter que la Junior reçoit le service EV Routing, qui aide à la planification des trajets en étant connecté à un réseau de 600.000 bornes de recharge.
A bord
En observant la présentation intérieure, évidemment le cousinage Stellantis se remarque dans le réemploi d’un certain nombre de pièces. Le commutateur « DNA » qui permet de basculer de « Advanced Efficiency » vers le mode « natural » puis « dynamic », reprend celui du e2008, de même que le bouton de régénération forcée (B), le tout se trouvant dans la console centrale à portée de main. Peut-être pas le plus ergonomique (vous me direz, le commutateur DNA de la Giulietta nétait pas forcément super bien placé au pied de la console centrale du tableau de bord), car on aurait apprécié des palettes au volant plus intuitives. Néanmoins, on prend rapidement le coup et les commandes, du frein parking au sélecteur de vitesses, sont bien alignées dans un bloc.
Néanmoins, le Junior a sa pesonnalité et quelques éléments permettent de s’immerger dans l’univers Alfa Romeo, dont le cockpit d’instrumentation qui reprend la forme circulaire « Cannochiale », même si l’écran d’affichage est rectangulaire. Le détail peut-être le plus charmant réside dans les buses de ventilation circulaire en forme de Quadrifoglio, avec le logo du Biscione apposé en leur centre. La console centrale est orientée en direction du conducteur, dans la pure tradition Alfa Romeo, et tout tombe sous la main aisément. Le Junior bénéficie aussi de la technologie du e2008 avec la dalle de 10.25 pouces qui propose notamment un affichage GPS pleine largeur, mais la navigation dans les menus est parfois un peu fastidieuse. L’écran est positionné plus bas que le e2008, en dessous de le ventilation (ce qui est l’inverse chez la lionne) mais reste accessible et lisible sans gêne. Mention spéciale également au volant, qui reprend la structure typique à trois branches, dont celle inférieure en finition argentée.
Le matériel n’a pas disparu, merci. Sous l’écran central de 10,25 pouces se trouve ainsi une série de touches pour les divers réglages de climatisation, ainsi qu’une molette pour le son. Au-dessus de l’écran, deux boutons de raccourcis comme sur la Fiat 600e permettent d’accéder directement aux aides à la conduite et au menu principal.
La version de lancement Speciale propose de base une belle sellerie baptisée « Spiga » (qui sera ensuite disponible à partir du niveau de finition Premium) associant du « soft touch » noir et des inserts rouges. La position de conduite est excellente, et des gabarits corrects réussiront à prendre place à l’arrière sans souci, y compris dans la place centrale. Le coffre de 400 litres (415 pour l’Ibrida) est plutôt bien positionné dans la catégorie, étant donné la compacité (4.17) donnée par la poupe Codatronca et les porte-à-faux courts, mais la modularité est basique. Si l’on doit chipoter, on peut regretter des plastiques assez durs sur la partie supérieure du tableau de bord et des rangements un peu chiches (c’était déjà le cas sur la Giulietta), mais les assemblages et la présentation intérieure sont globalement bons.
La gamme
La gamme Junior se structure autour 5 finitions, à partir de 29 500€ pour Junior Ibrida et 38 500€ pour Junior Elettrica, chaque palier supplémentaire représentant 2500 euros. L’écart hybride/électrique se fixe donc à 9000 euros. La marque parle plutôt de « packs », puisque, hormis Veloce, l’organisation de la gamme n’est plus basée sur les finitions emblématiques Sprint, Super ou encore Ti… Alfa a fait le choix de proposer d’entrée un équipement assez complet, puisque le Junior de base propose des feux Full LED, le régulateur adaptatif, la dalle multimedia ou encore les jantes alliage 17’’, ce que seul l’Audi Q2 propose d’office sur ce segment.
La Techno (32000 euros Ibrida et 41000 en Elettrica) rajoute les full-led Matrix, la caméra 360°, le hayon mains libres, le chargeur à induction, l’ouverture sans clé, le détecteur d’angle mort ou encore l’assistance de conduite semi-autonome.
Avec le Premium (34500 Ibrida, 43500 Elettrica), on obtient le choix de la sellerie Spiga, les sièges réglables électriquement et chauffants (avec massage conducteur), le plancher de coffre ajustable, les vitres arrière surteintées, le bodykit noir brillant, le volant en cuir multifonctions, les seuils de porte alu ou encore l’éclairage ambiance sur la Cannonchiale et les aérateurs.
Avec Sport (37000 Ibrida, 46000 Elettrica) s’ajoutent essentiellement des inserts alcantara et les superbes sièges Sport Sabelt, alors que le bodykit devient mat avec des inserts rouges.
Au niveau des teintes, le choix se fait entre le Blanc Sempione, le Noir Tortona, le Bleu Navigli, le Gris Arese, l’Ivoire Scala et le Rouge Brera, chacune pouvant être prise avec le toit noir pour avoir une carrosserie bi-ton, exception faite évidemment du Noir Tortona.
La finition de lancement Speciale est évidemment suréquipée et très bien placée, puisque pour 31500 euros en Ibrida et 40500 en Elettrica, on trouve une dotation qui se situe entre Techno et Premium, proposant pas mal d’éléments de confort et le bodykit qui normalement ne commence qu’avec Sport. La Spéciale propose en effet l’éclairage d’ambiance, les sièges chauffants et électriques, la caméra de recul, le hayon mains libres, la navigation GPS ou encore le système sans clé, un niveau de dotation que ne proposent pas à ce point les équivalents 2008 ou T-ROC. La Speciale permet aussi de prendre l’option Sellerie Sport avec les sièges Sabelt. Autre point important, elle est dotée du câble 11Kw, alors que les autres finitions (hors Veloce) n’ont que le câble de base 7kw. En termes de services, la Speciale reçoit de série la Wallbox et la E-Card. Elle est proposée en LOA à partir de 250 euros par mois, en ibrida comme en elettrica, avec un apport de 3750 euros.
Conclusion
Alors, que vaut ce Junior ? Le petit crossover d’Alfa Romeo a d’indéniables atouts, avec une ligne plus racée que la plupart des segments B, même si l’on peut regretter que le design ne soit pas plus latin et sensuel. Le comportement routier est sain et a été revu pour lui donner un dynamique plus « typée » Alfa Romeo, tandis que la gamme propose un rapport prix/équipement plutôt bien positionné. C’est plus sur les performances de recharge, la modularité et certains aspects de finition que le Junior peut avoir du mal à boxer avec des rivaux plus premium. Il n’a pas le « brin de folie » ou la « meccanica dell’emozioni » que beaucoup d’alfistes attendent, mais sa mission première n’est pas celle-ci et l’on peut prendre un certain plaisir à le conduire. Il va sans dire que l’Ibrida devrait capter une grande partie des commandes, sachant qu’elle recevra en début d’année 2025 une variante Q4, tandis que le marché VE est encore en berne.