La bande dessinée et l’automobile : Partie 1, Tintin.

Jeudi débutera le célèbre festival de la Bande Dessinée à Angoulême. Loccasion pour le Blog Auto de publier tout au long de cette semaine une série de posts sur lautomobile et la B.D.. Commençons aujourdhui par une des séries B.D. les plus connues au monde, Tintin.

Si luvre dHergé est célèbre, elle nest pas la première à laquelle on pense si on sintéresse à lautomobile. Pourtant, les véhicules en tous genres, voitures en particulier y jouent bien souvent un rôle déterminant, dépassant largement le cadre du simple élément de décor. Considérons dabord lensemble des albums de la série. Dans son ouvrage Dossier Tintin, Frédéric Soumois sépare la série en deux cycles. Le premier, le cycle, dit daventures, comporte les premiers albums, depuis Tintin au Pays des Soviets jusquà On a Marché sur la Lune. Dans ces récits, Tintin part volontairement à laventure. Cest lors de ces aventures quil y rencontre les personnages qui deviendront les plus importants par la suite : Les Dupondt dans Les Cigares du pharaon, le général Alcazar dans LOreille Cassée, la Castafiore dans le Sceptre dOttokar, le capitaine Haddock dans le Crabe aux pinces dor et Tournesol dans Le Secret de la Licorne. Au sein de ce premier cycle, on peut distinguer trois albums qui sont les tout débuts de Tintin : Tintin au Pays des Soviets, Tintin au Congo et Tintin en Amérique. Tintin est alors purement voué à sa tâche de reporter et part à laventure pour visiter un pays inconnu. La vision dHergé est souvent caricaturale, parfois décriée. Le deuxième cycle, le cycle domestique, comporte tous les albums à partir de lAffaire Tournesol. Le début de laventure se déroule toujours à Moulinsart, où les héros ne demandent quà rester. En conséquence apparaît la fameuse Boucherie Sanzot ! Cest un événement les touchant personnellement qui les oblige à sortir de leur confort. Bien entendu, le rôle des automobiles évolue au fil des albums.

Dans son livre Tintin, Hergé et les autos, Charles Henri de Choiseul Praslin remarque que lauto donne naissance à Tintin. Dans Tintin au Pays des Soviets, le démarrage rapide au volant de la Mercedes SK quil dérobe à la police allemande redresse sa houpe, quil gardera tout au long de sa vie et sera son principal signe physique particulier. Par la suite, lautomobile aura une fonction principalement narrative.

Soit simple accessoire de décor ou de transport (la Ford T de Tintin au Congo) soit à lorigine dun gag (la Triumph qui tire sa lourde caravane dans lIle Noire)

soit facteur dun rebondissement dans le récit (lorsque Tintin se fait renverser par la Packard Royale de Muskar IV, permettant leur rencontre, dans Le Sceptre dOttokar).

Cest véritablement à partir de Les 7 Boules de cristal que lautomobile acquiert une dimension plus « intéressante ». En effet, elle devient alors un véritable reflet de la société. Linitiateur de ce nouveau rôle ? Le capitaine Haddock ! La découverte du trésor dans Le Trésor de Rackham le Rouge a rendu le capitaine richissime. Le nouveau châtelain (Moulinsart lui a été offert par Tournesol) se pique alors de mener une vie à la hauteur de son habitation : costumes, monocle langage châtié et bien sûr voiture de luxe, en la personne dune Lincoln Zephyr (avec laquelle il aura loccasion dexpérimenter les joies de la capote en toile).

Une vie quil nhésite pas à abandonner dès quil faut partir à laventure sur la trace de son ami Tournesol. La fin du cycle daventures se termine par une sorte dode à la Jeep, voiture simple, daventurier, par excellence. On la retrouve pilotée en plein désert par les Dupondt dans Tintin au Pays de lor noir.

Cette scène est une suite de gags : mirages, perte de leur chemin, vent de sable, endormissent au volant Les deux policiers néchapperont à rien lors de leur traversée. Quand à la Jeep dObjectif Lune, si son parcours est bien plus court, il nen est pas plus tranquille, menée par un Tryphon Tournesol furieux de sêtre fait traiter de zouave par le capitaine.

Dans le cycle domestique, les voitures sont moins présentes mais leur rôle de reflet de la société nen est que plus important. Dans ces albums, Hergé semble plus désabusé, dénonçant la vanité des conflits politiques et de la cupidité humaine. On est bien loin de la caricature de Tintin au Pays des Soviets ! Pourtant, la caricature du despotisme est bien présente, mais se veut plus fine. La Bordurie est une farce inspirée du III° Reich, dont la partie visible est un culte du chef poussé à labsurde : statue géante du dictateur Amaih Plekszy-Gladz sur la place centrale de Szohôd, la capitale, on se salue en disant Amaih

Mais le plus flagrant est bien lomniprésence de la forme stylisée des moustaches de Plekszy-Gladz, présente sur toutes les voitures circulant dans les rues de Szohôd ! Cet album signe également le début dune nouvelle ère dans le traitement des gags automobile : la caricature du conducteur. Lexemple parfait en est la fameuse poursuite dArturo Benedetto Giovanni Giuseppe Pietro Archangelo Alfredo Cartoffoli dé Milano au volant de sa Lancia.

Conduisant comme un fou et amateur de mécanique, celui-ci représente assez bien lidée que se fait le conducteur français de son homologue italien. Si caricature du conducteur français (ou belge) il y a, elle est à rechercher du côté des Dupondt ou de Séraphin Lampion. Dupond et Dupont sont lexemple type du conducteur maladroit, ratant à tous les coups leur freinage devant Moulinsart (LAffaire Tournesol, Les Bijoux de la Castafiore)

La 2CV leur confère un aspect populaire. Enfin, si Séraphin Lampion nest jamais vu au volant, il intervient souvent en tant quautomobiliste. Cest ainsi quil apparaît pour la première fois, dans lAffaire Tournesol, lorsque toutes les glaces de sa voiture ont été brisées par la diabolique machine du professeur Tournesol. Il représente toute la dimension perturbatrice que peut avoir lautomobile. Emmerdeur-né, il va jusquà organiser le départ dun rallye chez le capitaine Haddock qui ne demande quà être tranquille.

En plus du rôle important des voitures chez Tintin, Hergé fait preuve dune véritable science dans leur dessin. Ainsi, quand le déroulement de laction le permet, les voitures de bons sont toujours dessinées dans le sens de la lecture (nez vers la droite) alors que celle des méchants, ou si un événement sopposant à laction se produit, sont dessinées dans un sens contraire à la lecture, afin de briser le cours de celle-ci. Sont-ce ces éléments inconscients qui nous en rendent la lecture si agréable ?

La suite demain, avec Michel Vaillant.

Lire également :

La bande dessinée et l’automobile : Partie 2, Michel Vaillant.

La bande dessinée et l’automobile : Partie 3, l’automobile témoin du passé et vision de l’avenir.

La bande dessinée et l’automobile : Partie 4, les héros et leurs voitures.

La bande dessinée et l’automobile : Partie 5, Quand l’automobile s’inspire de la B.D… et inversement.

La bande dessinée et l’automobile : Partie 6, Mangas et Comics.

La bande dessinée et l’automobile : Partie 7, à découvrir...

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