Tracta? Vous voulez dire Tatra? Non, la Tracta n’a rien à voir avec l’Europe de l’est ou même le machinisme agricole. C’est une voiture bien de chez nous, qui possédait une innovation: les roues avant motrices, dés 1926. Et si aujourd’hui, la plupart des voitures sont des tractions, elles le doivent à son concepteur, Jean-Albert Grégoire.
La première voiture à traction avant? Il y a un doute sur la Lohner-Porsche électrique (1900): deux ou quatre roues motrices? Ce qui est sur, c’est que dés 1924, Miller a conçu une voiture de course à traction avant (photo.) Harry Miller a lancé une mode et les bureaux d’études furent ensuite en ébullition. Problème: lorsque les roues d’une traction tournent, le véhicule avance par à-coups.
Le salut viendra de Jean-Albert Grégoire (1898-1992.) Un peu oublié aujourd’hui, ce X faisait parti de ces ingénieurs indépendants capables de concevoir un véhicule de A à Z. Il crée le joint homocinétique: plus d’à-coups. Il dépose un brevet et fonde avec son ami Pierre Fenaille la Gephy, qui devient Tracta en 1927 et commercialise un coupé sportif à traction avant.
Aux 24 heures du Mans 1929, Tracta débarque avec deux voitures, dont une pour Grégoire. Sur la route, la veille du départ, l’ingénieur se blesse griévement. Il ne veut pas renoncer, s’échappe de l’hopital et remporte sa catégorie (7e au général)! Tracta reviendra en 1930, avec un tir groupé: 8e et 9e au général.
Type A, Type B, Type C, Type D, Type E et enfin Type F (photo, avec monsieur et madame Grégoire.) Grégoire ne cesse de perfectionner la Tracta, mais le public ne suit pas: trop cher et trop original. En 1934, il jette l’éponge après environ 200 véhicules et devient consultant.
Grégoire surveille de loin la Traction Avant et vend le fameux joint à Bendix. En 1936, Amilcar (alors détenu par Hotchkiss) produit sa Compound Moderne (traction avant, carrosserie en aluminium…), elle est trop bourgeoise pour les puristes. Après 600 exemplaires, la guerre interrompt la production.
Pendant l’occupation, il s’intéresse aux voitures électriques. Chez Hotchkiss, il fait construire la CGE Tudor, proche de la Compound. En septembre 1942, il tente un record d’autonomie via un Paris-Blois… Et fera 29km supplémentaires (total: 254km!) Trop chère, seule le triste gouvernement de Vichy en voudra.
Dés 1935, Grégoire s’est rapproché de l’Aluminium Français (auj. Alcan) pour concevoir un petit véhicule, en aluminium. En 1942, un prototype est conçu. Après-guerre, il le propose à différents constructeurs. Le gouvernement force alors Panhard à fabriquer de petites voitures. Ce sera donc la Dyna-Panhard… Et la Harnett australienne.
En 1947, Hotchkiss est déjà sonné. Mais Grégoire conçoit une tueuse de Citroën 11cv, alors berline de référence! La Grégoire 2 litres sort en 1950, mais coûte plus du double de sa rivale. KO, Hotchkiss fusionne avec Delhaye-Delage en 1955. La Grégoire-Sport de 1956 sera un baroud d’honneur.
En 1952, il conçoit un coupé (fabriqué par Hotchkiss) équipé d’une turbine d’hélicoptère SOCEMA (auj. Turbomeca.) Toute ressemblance entre la SOCEMA-Grégoire et la Turbotraction (1954)… Mais Peugeot (actionnaire d’Hotchkiss) ne veut pas de « l’étranger » Grégoire et laisse mourir la marque.