Essai Mitsubishi i : Smart Evo

i. On peut difficilement faire plus court, mais ça ne veut pas dire que la Mitsubishi ovoïde peut se résumer en une voyelle. Un design particulier, une architecture inhabituelle, ça valait la peine de passer quelques heures en sa compagnie pour voir de quoi il retourne. Autant commencer par la mauvaise nouvelle: même s’il sera possible de croiser une i en plaques british sur les routes européennes à partir de cet été puisqu’elle sera importée en Grande Bretagne en petit nombre, il est assuré que la i ne verra pas les concessions de l’Europe continentale, pour des raisons de coût de la conversion en conduite à gauche pas prévue au départ. La version dont Le blog auto a pu disposer dans les rues de Tokyo et Yokohama est quasiment identique à la future anglaise.

Postulat de départ: i répond à la réglementation japonaise Kei, qui, en contrepartie d’avantages fiscaux et de la très importante dispense de preuve de disposer d’un emplacement de parking, condition sine qua non pour immatriculer tout autre type de voiture au pays du Soleil Levant, impose des limites pour les dimensions, 3440 mm x 1480 mm, la cylindrée, 660 cm3, et la puissance, 64 ch. Ajoutez un gros marché, très concurrentiel, et on se retrouve avec des bataillons d’ingénieurs qui se creusent les méninges pour faire mieux que les copains dans un cadre réglementaire restrictif et emporter le morceau. Un peu comme en F1, quoi.

Mitsubishi n’est pas nouveau venu sur ce segment, mais i représente une nouvelle approche, née d’un changement de point de vue suite aux échanges avec les Allemands de Smart, un temps collègues des Japonais lorsque Mitsubishi était lié au groupe Daimler Chrysler. Depuis chacun est reparti de son côté mais il reste quelques souvenirs de ce flirt poussé: la nouvelle Smart est propulsé par le même moteur Mitsubishi que i. Dans cette dernière, comme sur la puce allemande, le petit trois cylindres 660 cm3 turbo MIVEC de 64 ch est placé en position centrale arrière sur un châssis en aluminium.

A l’étage au dessus, par contre, ce sont quatre vraies places qui sont disponibles, avec un coffre, résultat obtenu en rejetant les roues loin à l’avant et à l’arrière de la carrosserie dont elles forment les quatre extrémités. L’empattement de 2550 mm est largement supérieur à celui, par exemple, d’une Toyocitrogeot 107 (2340mm) mais aussi à celui d’une 207, la i étant moins longue que les deux citées, 3395 mm, pour respecter la règle du jeu Kei.

Ces proportions inhabituelles, c’est ce qui frappe lorsqu’on approche de l’auto: si de 3/4 avant i fait immanquablement penser à une Smart, plus on se déplace pour la voir de profil et plus elle semble lonnnngue. Et lorsqu’on la regarde par l’arrière, on prend conscience de sa hauteur (1600 mm) en rapport à sa largeur très limitée, 1475mm, des proportions parfaitement adaptées aux labyrinthes des petites rues japonaises mais pas forcément harmonieuses.

Un drôle d’insecte, en fait, dont on se demande vu de l’extérieur si les prétentions à loger quatre adultes sont vraiment réalistes. Par manque de personnel disponible (personne ne veut jouer avec moi) on se contentera d’une approximation : siège conducteur reculé au maximum, on ouvre la portière arrière en grand grâce à un angle d’ouverture particulièrement généreux et on s’installe. Et on doit se rendre à l’évidence: il est entièrement possible de caser un adulte de taille raisonnable, 1,78 m dans mon cas, devant, et le même derrière, et il reste un coffre suffisant pour les courses (du soir, hein, pas de l’expédition du mois à l’hyper), qu’on peut agrandir via la banquette arrière rabattable 50/50. Evidemment, on n’est pas dans une Maybach 62, mais la démonstration est faite. A fortiori, i avalera goulûment des ch’tits nenfants si elle est capable d’accommoder le grand qui vient de faire le test.

Puisqu’on est maintenant à l’intérieur, restons-y. Du tableau de bord aux boutons de la clim et aux contreportes, tout est très dessiné. A vrai dire, l’impression générale rappelle autant l’électronique grand public que l’automobile: un mélange de gris et de rouge orangé, des plastiques durs d’apparence solide, un assemblage précis. Avec des vis cruciformes, apparemment, dont j’ai repéré un exemplaire qui retient la visière du tableau de bord. Les hackers qui aiment trifouiller l’intérieur de leur PC auront le tournevis Philips qui démange.

Une mention spéciale pour le court sélecteur de la boîte automatique, très agréable à manier et d’un dessin original, comme le lettrage original qui indique les rapports. En résumé, i joue le grand jeu du design pour tenter faire oublier que tout ça manque de matières nobles. Rien de choquant cependant pour une voiture de ce tarif, 1.386.000 (8.800 euros), d’autant qu’elle est fort bien équipée: climatisation auto, quatre vitres électriques, roues alliage, lecteur CD, clé électronique… comme d’autres kei de haut de gamme, d’ailleurs. A noter que le chouette volant cuir et le GPS visibles ici sont des options.

Le démarrage se fait clé dans la poche, mais pas de bouton à pousser, un bon vieux Neiman à trois positions équipé d’une molette en plastique fait le pont entre l’ancien et le moderne. Le siège est raisonnablement confortable, réglable en hauteur, et la visibilité est bonne grâce à des montants de pare-brise évidés, rendus nécessaires par la forme particulière de la voiture. Sélecteur de la boîte automatique à quatre rapports sur D, et c’est parti. La vitesse apparaît sous forme de gros chiffres sur l’écran à cristaux liquides tout rond au centre du tableau de bord, avec la jauge de carburant et le kilométrage dans de plus petits cercles placés en oreilles de souris de Marne-la-Vallée. Le compte-tours est par contre analogique, une aiguille courant tout autour du rond central, jusqu’à une zone rouge qui démarre à plus de 7000 tours.

Une invitation à enfoncer la pédale de droite, aussitôt dit aussitôt fait. Bonne initiative. La boîte automatique envoie un kick down rapide qui change agréablement des CVT languissantes de la plupart des autres kei, et les trois pistons se mettent à bourdonner furieusement derrière la nuque en 78 tours, on se croirait dans la Mini Porsche de Mini Me.

C’est amusant et efficace puisque la petite voiture bondit aussitôt, prête à plonger dans la moindre ouverture du dense trafic matinal de Tokyo et griller les légions de Takuma Sato (go go Super Aguri !) au championnat des feux rouges. Elle est clairement dans son élément. Sur de longues distances à allure soutenue, on se lasserait rapidement du vol du bourdon joué en boucle par petit moteur à haut régime, mais d’un autre côté i n’a jamais prétendu être un croiseur d’Autobahn. Pas qu’elle soit incapable de s’attaquer aux grands espaces en cas de besoin : la tenue de route, pour ce que j’ai pu en saisir dans mon périple de la jungle urbaine, est largement au niveau. Pas de roulis, vive dans les changements de direction, bien aidée par une direction assistée précise et une suspension ferme qui en contrepartie se rappelle parfois, lorsque la route n’est pas un billard, au bon souvenir des postérieurs des occupants. L’absence de plomberie à l’avant permet aussi à i un rayon de braquage de vélo (4,5 m), bien pratique quand on se fourvoie dans une voie sans issue faute d’avoir su lire les caractères à l’entrée de la rue, avanie qu’essuient certains plus fréquemment que la moyenne (hum hum). Côté consommation, la petite cylindrée et le poids de 900 kg permettent de garder des chiffres raisonnables (4,3l/100km) tout comme les émissions de CO2 (120g/km).

Pas mal d’atouts, donc, pour une petite voiture qui pourrait sans aucun doute trouver sa place en Europe dans un éco-système des petites voitures moins encombré que dans son pays d’origine. Pour l’instant, elle restera une curiosité réservée aux Britanniques amateurs de nouveauté et pas trop regardants sur les 8999 livres sterling demandées, 13.300 euros environ…

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