Par rapport au vénérable V8 Buick de feu la Rover 3500 Vitesse EFI, la bonne grosse gamelle de la ZT 260 avait tout de même sacrifié à la modernité d’arbres à came en tête. L’ensemble n’en respirait pas pour autant la rigueur aseptisée d’une Audi. Hélas ou tant mieux, le fouillis quelque peu désinvolte d’un compartiment moteur, davantage digne d’une préparation artisanale que d’un propret show-car, exhalait le parfum désuet d’une authentique muscle car ricaine. L’enveloppe allouée au projet n’avait semble-t-il pas permis aux designers de s’attarder plus longtemps sous le capot ni d’effacer le petit mustang du collecteur d’admission, un détail charmant soit dit en passant.
Au diable ces futilités de fines bouches ! Irrationnelle et caractérielle à souhait, la ZT 260 s’opposait à l’hypocrisie convenue des sportives trop policées. Dénué d’assistance électronique, son comportement de propulsion à l’ancienne la rendait parfois surprenante à conduire, perfide comme Albion sur sol gras, mais jubilatoire à piloter pour qui pratiquait à l’envi les petits jeux des grands gamins. Alors, qu’importe le déficit de puissance et les chronos relativement quelconques eu égard des standards allemands tant que le bourdonnement sourd d’un bon gros V8 non bridé suffisait à nous procurer l’un des meilleurs rapports prix/plaisir de ces dernières années. Seule véritable grief, la commande de boîte manuelle, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’était pas une spécialité américaine, exigeait un maniement en force à désespérer un fondamentaliste de la Béhême. Rien de grave cependant, tant cette sulfureuse ZT donnait l’envie qu’on la prenne, si j’ose m’exprimer à la hussarde.
Pour MG Rover, la récréation ne dura guère. Par le truchement des changements de badge, le constructeur bicéphale eut le temps de présenter une Rover 75 V8 à Genève, en mars 2004. Tardive descendante de cette « Rolls du pauvre » que fut la P5B, elle m’évoquait sous certains angles la Bentley Arnage, voire la Jaguar S-type avec son orgie de cuir crémeux et de chromes baroques. L’on fit pourtant quelques concessions malheureuses à l’air du temps, comme ce plagiat de calandre single frame façon Audi, au demeurant pas plus ridicule que celle d’une A6, mais assurément moins grotesque que les énormes boudins pneumatiques à la taille ultra basse, au raz du bitume.
Ultime sursaut d’une firme aux abois, les photos d’un sculptural coupé Rover 75 rouge sang inondèrent les rédactions à l’extrême fin de 2004. Un bien triste hallali juste avant le tomber de rideau. L’aventure s’arrêta en avril 2005. Si dans les mois suivants, propriétés intellectuelles et outillages industriels des MG ZT et Rover 75 échurent aux Chinois de Nanjing et SAIC, nous ne verrons probablement jamais de V8 sous leur capot. Des copies conformes du KV6 Rover animeront les roues avant des MG7 et Roewe 750E, mais cela est une autre histoire.
A l’issue d’une éphémère carrière d’à peine dix-huit mois qui légitime d’ores et déjà son statut de collector, il ne fait pas mystère que la MG ZT 260 n’aura inquiété aucun état-major de quelque concurrent que ce soit pas plus qu’elle ne comptera parmi les sportives du siècle. Tout au plus a-t-elle assuré l’animation des stands MG Rover l’espace de quelques salons en attendant de dénouement fatal. Il y a pourtant une chose que les dernières bombes funèbres à la mode pourront longtemps lui envier. Un élément majeur qui peut à lui seul motiver l’acte d’achat en dépit des sentences d’essayeurs trop rationnels.
Son panache.