Nous nous sommes tant haïs : Austin/MG/Rover Metro (I)

C’est avec ce genre de formule fracassante que British Leyland annonce la remplaçante de l’emblématique Mini, en 1980. Le « General Motors britannique » n’a beau n’être qu’un colosse aux pieds d’argile, on ne s’y sent plus les chevilles enfler. Déjà en 1975, à la sortie de la Jaguar XJS, BL avait promis « un jour noir pour Modène, Stuttgart et Turin« . Malgré ces terrifiantes mises en garde, les intéressés ont eu semble-t-il quelque mal à mettre la clé sous la porte. Ce sens parfaitement foireux de la prophétie n’empêche pas la nouvelle petite Austin de mériter les fanfaronnades d’usage. Ses concepteurs auraient même pu se montrer visionnaires s’ils n’avaient accusé un Metro de retard sur la concurrence…

Mémoires d’une bombe qui a failli ébranler le monde.

A l’issue d’une décennie 70 désastreuse pour ce qu’il est convenu d’appeler un canard boiteux de l’industrie automobile britannique, les observateurs attendent la future Austin Metro comme le Messie. Et pour cause, entre 1970 et 1980, la part de marché de BL à domicile a chuté de 38 à moins de 20%. Incapable de gérer un capharnaüm de marques concurrentes (Austin/Morris) parfois rivales (MG/Triumph) voire même antagonistes (Rover/Jaguar), impuissant face aux grèves à répétition et inaptes à juguler la dégradation lamentable de la qualité, l’état-major malmène plus qu’il ne mène sa barque. En 1975, le bateau ivre n’a dû d’échapper au naufrage qu’à sa nationalisation par le gouvernement travailliste d’Harold Wilson.

Quelques réussites, comme la Mini, sauvent pourtant l’honneur de l’ingénierie britannique. Championne du rapport habitabilité/encombrement avec son moteur transversal et ses roulettes en coin (le coffre ? quel coffre ?) la fille prodigue d’Alec Issigonis a préfiguré dès 1959 l’archétype de l’auto populaire moderne. Une formule gagnante copiée par à peu près tout le monde depuis mais qui, par une cruelle ironie, n’a rapporté que peu d’argent à ses initiateurs du fait d’une conception relativement coûteuse pour une voiture bon marché. Conscient du problème, BL a bien tenté de gagner quelques livres Sterling supplémentaires en commercialisant dès 1969 des Mini embourgeoisées, les pathétiques Clubman et 1275 GT, dont le nez hideusement rallongé devait légitimer statut et tarif en hausse.

Las ! Les marges bénéficiaires augmentant proportionnellement au niveau de gamme, les (anti-)stratèges de BL iront se couvrir de ridicule au coeur même du marché, là où les Hillman Avenger, Ford Escort, Vauxhall Viva et autres mièvreries familiales font consensus mou entre Mister et Mrs Smith. Ils misèrent d’abord en 1971 sur l’innommable Morris Marina, invraisemblable fadaise qui finit par ne plaire à personne à force de ne pas déplaire au plus grand monde. Puis en 1973 sortit l’Austin Allegro, sorte de citrouille d’Halloween géante partageant avec ce légume d’indéniables vertus biodégradables. Le principal legs de ces chef-d’oeuvres à la postérité fut d’installer durablement Ford à la tête du marché britannique, place qu’occupe toujours l’ovale bleu, en 2007.

Surtout, le désintérêt de BL pour les segments les moins rémunérateurs permit aux Renault 5, Fiat 127, Ford Fiesta, Honda Civic et VW Polo de défricher à l’envi le nouveau marché en pleine expansion des petites citadines polyvalentes. Aussi à l’aise à la ville qu’à la route, ces « superminis » popularisent la formule 2 portes + hayon, alors inconnue des petits modèles britanniques. La contre-offensive de BL, codée « LC8 » en interne, se concrétise enfin au salon de Paris d’octobre 1980 lors de la présentation officielle de l’Austin Metro. De quoi remettre les pendules à l’heure sans pour autant accoucher d’une nouvelle voiture du siècle ! Comme le sous-entend le badge « miniMETRO » apposé sur le volet arrière durant les deux premiers millésimes, la clientèle devra se contenter d’une simple évolution de la célèbre ancêtre.

A un modèle suivi succède un modèle suiveur. Seule véritable nouveauté, la silhouette disons « nette et sans nostalgie » de la Metro recèle, ô miracle, un COFFRE, accessible par une large troisième porte et modulaire par la grâce d’une banquette arrière fractionnable. Alléluia ! La trouvaille, certes sensationnelle pour les téméraires ayant vainement cherché la soute à bagage de leur Mini, ne décoiffe pas pour autant Queen Mum. D’autant que la Metro réussit l’incroyable prouesse de réunir à peu près toutes les tares de son aînée sans en posséder le charme.

Et il faut n’avoir connu que la Mini pour vouloir se balader au raz des pâquerettes à bord de cet aquarium à roulettes, les jambes écartées et le buste replié sur le volant de camionnette ! Comme si cette posture n’était pas encore assez ridicule, le conducteur doit encore subir les trépidations grotesques de la suspension (?) Hydragas, dont les redoutables coups de raquette ont dû entretenir avec une rare efficacité la fermeté postérieure de ces dames. Au moins pareille rudesse ne fait guère regretter l’anémie du vieux moulin dissimulé quelque part sous le minuscule capot.

Issu d’une lointaine Antiquité que l’archéologie situe aux débuts de la Morris Minor, en 1948, le sempiternel bloc tout en fonte A-series continue de sévir en deux versions légèrement dépoussiérées – 998 et 1275 cm3 – immanquablement alimentées par l’inamovible carburateur SU. En 1980, des raffinements tels que l’arbre à came en tête ne font pas partie du lieu commun, loin de là, et la mode est plutôt aux taux de compression élevés et aux ponts exagérément longs, hystérie antigaspi oblige. La transmission, dont les gémissements lancinants m’affligent encore, devra par contre se passer d’un cinquième rapport ou plutôt, d’une « vitesse économique » comme l’on dit alors. Encore une fois, la Metro pâtit de la petite enveloppe allouée à son étude. Ce manque de moyen aura de lourdes conséquences sur sa (trop) longue carrière.

Mais si, à BL, on n’a pas d’argent, l’on a tout de même quelques idées. Et un stock de stickers MG à écouler…

(A suivre…)

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