Brève rencontre: Rolls-Royce Springfield

Quoi de plus Anglais qu’une Rolls-Royce? Elle est inscrite au patrimoine national au même titre que la reine, Big Ben, les bus à deux étages, les pubs, le five o’clock tea ou les fish & chips.

Alors, imaginez une Rolls-Royce produite aux Etats-Unis… Blasphème? Et pourtant, c’est arrivé.

Lorsque le 23 décembre 1904, l’Honorable Charles Stewart Royce, fils de Lord Llangattock et Henry Royce, ingénieur autodidacte, s’associèrent, c’était pour construire « la meilleure voiture au monde », « aussi célèbre que les pianos Steinway ». Le premier, vendeur de voitures étrangères de luxe, cherchait une voiture Britannique capable de rivaliser avec celles du continent. Le second a conçu à Manchester une 10hp 4 cylindres très bien finie. La première Rolls-Royce fut donc la 10hp.

Dés 1906, Charles Rolls disputa (et remporta) une épreuve à New-York avec une 25hp. Son sentiment était que le marché U.S. offrait un potentiel illimité pour Rolls-Royce. Claude Johnson, son bras droit, fut plus pragmatique. Une agence officielle fut fondée et des voitures importées au compte-goutte. Le problème est connu: les voitures importées sont surtaxés à 33% de leurs valeurs TTC. Il faut donc produire sur place pour contourner la surtaxe. 

En 1914, Rolls-Royce chercha à vendre des moteurs d’avions aux Etats-Unis, mais la guerre saborda le projet. Il y eu ensuite, l’idée d’une fusion avec Pierce-Arrow (pendant de Rolls-Royce aux USA) et finallement, le 18 octobre 1919, Rolls Royce of America fut créé.

Des locaux sont trouvés à Springfield, Massachussets (afin de s’éloigner de la roturière Detroit.) Rolls-Royce y envoit des cadres britanniques. En 1921, la première 40/50 (plus connue sous le nom de Silver Ghost) « Springfield » sort de chaîne. Problème, à 14 500$ le châssis nu, elle est trop chère: pour 370$ on peut s’offrir une Ford T de base neuve et carrossée; une Packard coûte 6 800$ et même la très luxueuse Pierce-Arrow est à 8 550$. L’explication est que Rolls-Royce fait importer toutes les pièces de Grande-Bretagne. Un démarreur Lucas coûte 216$ contre 40$ pour un Bijur américains.

Les voitures commencèrent à s’américaniser avec l’utilisation de pièces « indigènes », ce qui permit de descendre le tarif à 15 000$ la voiture complète. Autres modifications: une batterie 6V (et non 12V), un carter d’huile plus petit (aux Etats-Unis, il y a des stations services à tous les coins de rue) et sacrilège, la conduite passe à gauche (Charles Royce, premier mort de l’aviation anglaise, en 1910, doit alors se retourner dans sa tombe.) Autre adaptation aux goûts des Américains, Rolls-Royce commence également à proposer des voitures carrossées (il faudra attendre l’après-guerre pour bénéficier de cela en Europe.) De quoi aider à dépasser l’objectif annuel de 350 voitures en 1923 et 1925 (avec respectivement 365 et 359 unités.)

Début 1926, comme l’atelier de carrosserie est saturé, Rolls Royce of America rachète Brewster, un carrosier New-yorkais réputé (et éphémère constructeur.) En 1927, la New Phantom (future Phantom I) débarque sur les chaînes et remplace la 40/50. A noter qu’en parallèle, de riches clients achètent directement en Grande-Bretagne leurs voitures, à des prix astronomiques. En 1927, le nombre de voitures produites à Springfield chute à 340 unités, puis c’est la dégringolade, avant même le krach de Wall street: 275 voitures en 1928 et 251 en 1929. Les Américains veulent du neuf, du cliquant et non une vieille dame Anglaise qui offre un soucis extrême du détail.

Entre 1930 et 1932, à peine 100 voitures sont produites annuelement. Du coup, la Phantom II ne traverse pas l’Atlantique et Rolls-Royce de laisser mourir son usine. En 1934, après un peu moins de 3 000 voitures, Rolls-Royce of America est revendue.

Les nouveaux propriétaire décident alors de commercialiser des Rolls-Royce « dégriffées », sous le nom de Springfield et motorisée par des V8 Ford. Heureusement, Pierce-Arrow rachète l’usine dés 1935 et met fin à cette horreur.

A noter que curieusement, dans les Simpsons (qui se passent à Springfield, un nom de ville très commun aux Etats-Unis), il n’y eu jamais de Rolls-Royce Springfield.

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