Ceinture et bouche bouclées, vitres électriques descendues pour claustrophobes transpirants, contact et la moulinette nippone s’ébroue dans un bourdonnement plus proche du robot ménager que du Flat 6 teuton. Mais franchement, à ce moment précis on s’en fout totalement ! La vérité est ailleurs aurait dit le renard du FBI. Embrayage, première, et c’est parti…
Jusqu’à 8 km/h, la verticalité vous est assurée par le cerveau du Carver. Entre nous, cela ne laisse que très peu de temps avant de basculer (le terme est choisi) dans une dimension, non pas parallèle, mais bien oblique.
Petite précision pour les amateurs de sensations fortes, la marche arrière s’effectue en mode vertical intégral. Pour les frayeurs de ce genre, tentez Disneyland et le grand 8 assis à l’envers. Ici, on reste sérieux.
Les premiers mètres sont hésitants. On est dans la période d’observation et il faut se faire à la personnalité du Carver. Autant les premières courbes sont assez faciles, autant la remise en ligne est plus….mouvementée. Etonnant, non? Essayer de tenir le Carver droit, c’est être crispé sur le volant. Si en 4 roues, cette attitude très « auto-école » ne génère que quelques écarts minimes, en Carver vous dodelinez du cockpit de façon ridicule. En fait, l’essayeur du jour, comme le puceau juvénile, est un peu gauche car intimidé et habitué à d’autres pratiques bien moins « impliquantes », comme la conduite d’une auto basique par exemple.
C’est exactement ça, le Carver demande de l’implication et de la libération d’esprit. Il réclame la fusion, la symbiose, la compréhension puis une fois tout ceci acquis (1/4 d’heure tout au plus), il vous ouvre les portes d’un monde fabuleux.
Une fois relâché, vous ne tentez plus de tenir le Carver en force au volant mais vous le laissez agir naturellement, sans brusquerie et vous parvenez alors à une fluidité de conduite tout simplement magique. Dès lors, tous vos sens entrent en éveil.
Très vite, si vous avez eu la chance d’être un jour motard, vous vous rendez compte du cousinage presque incestueux des sensations de conduite. La route ne se subit pas, elle s’anticipe pour mieux se vivre. C’est en ce sens que le Carver est « impliquant ». Le regard doit porter loin pour lire la route qui s’annonce car l’entrée en courbe se prépare largement en amont. Comme en moto.
Ici, pas question de se coller les doigts dans le nez, encore moins de mater les panneaux 4×3 vantant les nano-morceaux d’étoffes recouvrant les délices charnels d’une naïade dénudée, il est inimaginable de téléphoner en conduisant ou même de triturer son autoradio (en option je le répète…) ou sa boîte de CDs sans prendre le risque d’être surpris par un virage. Le Carver One remet au goût du jour la responsabilisation du conducteur et rétablit la liaison intérieur/extérieur en ressuscitant le toucher de route.
Et c’est d’autant plus évident que le maniement de l’engin reste assez original. Ainsi, le diamètre de braquage à vitesse lente n’est pas fantastique car la direction devient très lourde si l’on n’est pas en mouvement, d’où un besoin de concentration quasi permanent sur tout ce qui se passe devant vous. Le mieux est d’ailleurs de négocier la courbe d’un seul coup de volant, sûr et précis, pour éviter des louvoiements du cockpit pas très esthétiques. Là, on se rapproche du pilotage de monoplace.
Ce mode de conduite est d’ailleurs le système anti-endormissement par excellence. Que ces messieurs de la sécurité routière se penchent sérieusement sur le sujet et ils s’apercevront que cruiser à 90 km/h en berline ultra-sécurisée et insonorisée est source d’ennui ou de distraction et donc de danger. Allez, Carver One pour tout le monde !
Retour au volant. Le serré se négocie en trajectoire. Arrivée bien à l’extérieur, freinage, inscription, corde tangentée dans une inclinaison proprement érectile, débraquage et réaccélération vers l’extérieur. De la même façon qu’en moto, les transferts de charge sont immédiatement perceptibles. Pour obtenir un pouvoir directionnel fort, le pied droit est relevé et le Carver s’engage. Dès que l’on réaccélère, la trajectoire s’élargit. Le train arrière indécrochable, vissé au sol par ses gommards en 195/45/15 fait partie de ce caractère totalement focalisé sur la roue avant.
C’est simple, sain et cela permet réellement de faire corps avec sa machine mais aussi avec la route et le paysage sans atteindre des vitesses à vous rendre incarcérable. Le pilote n’est plus isolé du monde extérieur tout en étant à l’abri des intempéries (!). Il n’est plus détaché des vérités de la physique aujourd’hui masquées par des autos de plus en plus perfectionnées.
Le Carver réussit par ses penchants à éradiquer totalement la notion de roulis propre aux 4 roues. On n’est définitivement plus dans une auto. Ni dans une moto tant le confort de conduite est plus important qu’en 2 roues. Faire de la moto sans jouer les moustiquaires humaines, ni prendre la première rinçée sur le paletot, tout le monde vous dira que c’est fantasmatique.
Le Carver est donc fantasmatique.
Revenons sur Terre. Il faut bien se repencher (c’est d’actualité) un peu sur les lois de la physique régissant le transport automobile et élargir l’analyse. La seule roue avant a beau chausser du 140/70 par 17″ (moto), il n’en reste pas moins vrai que c’est un peu juste pour offrir les mêmes performances qu’une auto classique.
Ainsi, mais cela vaut pour la moto également, la moindre manoeuvre d’évitement, le freinage simple ou d’urgence seront moins efficaces qu’en 4 roues. Là, où 2 gros boudins de 20 cm de large participent à la capacité de ralentissement et de direction, ici, vous n’aurez qu’un contact avec le sol de 2 à 3 cm tout ou plus.
Du coup, les blocages apparaissent plus rapidement, ce qui amène à se demander si la présence d’un ABS ne serait pas réellement un plus. Je pense sincèrement que oui.
Pour l’instant, seul un nouveau système de freinage avant plus performant est prévu.
En attendant, l’attention complètement dirigée vers la route et son déroulé sinueux, vous prenez un pied total. La moulinette Daihatsu de 68 ch prend gaillardement 8000 tr/mn et si elle ne vous colle pas le dos au baquet, elle vous hérisse le poil à loisir. Pour rajouter une couche de « thrill », le pédalier accepte le talon-pointe et vous vous enhardissez à mesure que les minutes passent. Mais au final, le Carver vous fera comprendre que le plaisir n’est pas dans la vitesse, mais bien dans la sensation.
Et dans ce domaine, il en donne mille fois plus que n’importe quelle engin motorisé disponible pour 35.850 euros ! Et pour ce prix, je n’ai pas vomi. Ni à l’avant, ni à l’arrière !
à suivre et à finir.
désolé si j’ai été un peu long…. 🙂
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