Le PPE veut rediscuter de la fin des véhicules thermiques

En 2024, les « Verts/ALE » (verts et alliance libre européenne) ont décroché 53 sièges sur les 720 du parlement européen. En 2019, ils étaient 71 et pesaient donc plus lourd dans la balance. Le PPE (Parti Populaire Européen, alias les Démocrates-Chrétiens) sont, quant à eux, passés de 178 à 188, renforçant leur position de premier groupe du parlement.

Fort de ces élections, le PPE n’a pas tardé à rédiger une note d’intention pour la nouvelle législature. Dans cette note, au chapitre mobilité et environnement, le PPE entend bien remettre sur le métier la loi de 2023 concernant la fin des ventes de véhicules thermiques neufs en 2035 au sein de l’Union Européenne.

Que veut le PPE exactement ? Que soit autorisé l’utilisation de carburants alternatifs essence ou gazole, au-delà de 2035. En clair, que les carburants de synthèse soient clairement autorisés. En soit, ce n’est pas totalement nouveau. En effet, l’Allemagne avait arraché, contre sa signature lors de la négociation finale, une clause de revoyure pour justement étudier le cas des carburants « neutres en carbone ».

Sauf que cette fois, ce serait de manière très officielle que le Parlement autoriserait les carburants synthétiques, au lieu d’une hypothétique possibilité lors d’une clause de revoyure. Une grande partie du Parlement Européen a, semble-t-il, entendu à la fois les peuples, mais aussi l’industrie qui ne croit pas au tout électrique.

Comme souvent au Parlement, ce sera d’âpres discussions qui vont s’entamer et des négociations type « donnant-donnant ». Le PPE est un poids lourd dans cette assemblée et peut faire tomber les têtes ou couronner les reines et les rois. Ursula von der Leyen qui brigue un deuxième mandat à la tête de la Commission Européenne, a, par exemple, besoin du soutien du PPE pour cela. Elle pourrait donc mettre à l’agenda rapidement cette modification des règles de baisse des émissions de CO2 pour prendre en compte les carburants « zéro émission ».

C’est quoi ces carburants de synthèse neutres en carbone ?

Classiquement, pour créer du carburant, on utilise du pétrole, du gaz de pétrole ou du gaz naturel d’origine fossile. L’utilisation de ces ressources fossiles libère dans l’atmosphère du CO2 (dioxyde de carbone) qui a été piégé sous terre durant des milliers/millions d’années. Pour éviter de rejeter ce CO2 fossile dans l’atmosphère et participer au dérèglement global du climat, on peut utiliser des carburants de synthèse.

Les e-fuels, comme on les appelle également, sont produits à partir d’électricité renouvelable. D’où le nom d’électro-carburant que l’on va aussi trouver pour les différencier des agro-carburants (anciens « bio-carburants ») issus de plantes et de la biomasse.

Le principe de base de tout carburant de synthèse va d’abord être d’obtenir de l’hydrogène. Ce H2 (dihydrogène) dit vert est obtenu principalement par électrolyse de l’eau à partir d’électrons « renouvelables ». Ce H2 est ensuite combiné avec du CO2 pour donner plusieurs e-fuels : méthane (CH4), méthanol (CH3OH), et la famille des carburants paraffiniques, dont l’essence, le gazole et le kérosène. En ajoutant le diazote dans l’équation (N2), on peut aussi obtenir de l’ammoniac (NH3).

C’est un pan entier de la pétrochimie qui bascule dans cette nouvelle chimie renouvelable. A condition d’avoir de l’électricité « propre » et en abondance. D’où la nécessité de construire de nombreuses centrales nucléaires, le seul moyen pour le moment d’obtenir ces électrons surnuméraires et décarbonés.

Quels e-fuels pour quels usages ?

Il n’y a pas que l’essence et le gasoil dans la vie. En effet, le méthane de synthèse (ou e-méthane) peut être incorporé tout ou partie au gaz naturel. C’est exactement la même molécule et cela permet de réutiliser les infrastructures existantes de distribution de gaz. Il peut même être utilisé pour le transport routier ou maritime sous forme de GNV.

Le e-méthanol de son côté a un énorme avantage : il est liquide à température et pression ambiantes ! Complément de l’éthanol, celui que l’on appelle aussi « alcool de bois » peut être utilisé mélangé à de l’essence classique que ce soit dans les véhicules terrestres (voitures, etc.) mais là aussi maritimes. Sa toxicité pose toute fois problème et c’est surtout l’industrie qui est intéressée par ce produit pour décarboner certaines productions, tout comme le e-ammoniac.

Enfin, il y a les paraffiniques dont les propriétés sont équivalentes aux carburant fossiles. Ces carburants de synthèse sont déjà utilisés en compétition auto et moto et l’industrie pétrolière sait qu’elle doit pousser dans ce sens pour sa survie. En revanche, le carburant de synthèse coûte cher pour le moment. Seuls moyens de faire baisser considérablement les prix : avoir une électricité très abondante et pas chère, tout en limitant les taxes sur ces carburants « bons pour la planète ».

Alors le parlement européen va-t-il tourner casaque et arrêter la folie du tout électrique ?

(23 commentaires)

  1. Qu’on passe au tout électrique ou aux e-carburants, on aura besoin de nouvelle centrale nucléaire en gros 🙂
    on a des constructions en cours et doivent êtres reliée au réseau électrique européen d’ici 2035?

    1. il y a la construction de Penly qui va démarrer. la construction sera (devrait être?) finalisé d’ici 2035.
      l’EPR de Flamandville sera à plein régime cet hiver
      les surfaces de photovoltaique augmentent tous les ans
      les projet d’éoliennes en mer devrait aussi se multiplier malgré les réticences locales .
      le gvt actuel (jusqu’à dimanche?) a programmé 8 nouveaux réacteurs d’ici 2050.
      la recharge de nuit en hiver est déjà possible grace au surplus de nucléaire. en été la faible conso + PV font qu’il n’y aurait pas de pb à avoir 10x+ de VE.
      on est plutôt bien concernant les VEB.

      si par contre on va vers les Efuels, il faudra en effet construire nettement plus de centrales car le rendement est d’environ 20% par rapport à un VEB

      1. Effectivement, on semble plutôt bien loti en France pour le moment, mais ma question concernait surtout l’Europe. On revend beaucoup de notre électricité nucléaire à nos voisins européens, mais on ne pourra pas recharger tous les VEB européens dans 10 ans, même avec 2 réacteurs supplémentaires.
        Par exemple, l’Allemagne promeut les e-fuels, pourquoi pas après tout, mais j’imagine qu’ils pensent à le produire sur place plutôt que de l’importer de l’autre bout du monde comme pour le pétrole. J’espère également qu’ils ne comptent pas sur nos centrales nucléaires pour cette production, et ce ne serait pas cohérent de le produire avec leurs centrales à charbons. Je me demande si ils ont des projets de centrales nucléaires sur leur territoire par exemple. 2035 c’est demain et ça prend plusieurs années à construire une centrale.

    2. En fait on « surproduit » (pour la France) et on met en veille certains moyens de production.

      Dès lors, la création de e-carburant peut être un moyen de tamponner la production.

      Mais philosophiquement, cela reste un gâchis d’énergie.
      En effet, pour 1 kWh produit, on récupère 0,6 kWh de H2 (en gros). On suppose ici qu’on l’utilise directement sans le compresser pour éviter les pertes supplémentaires.
      Ce 0,6 kWh de H2 va être recombiné moyennant de l’énergie, puis utilisé dans un moteur thermique avec un rendement de 30% en moyenne (même si on arrive à des pics de 46% en diesel). Donc en gros du 1 kWh d’électricité du début on récupère comme pour une PàC 0,15 à 0,2 kWh max d’énergie utile.

      Mais le « Power to gas » n’est pas utile que pour faire broum broum tut tut…il est utile dans l’industrie, le transport mondial, etc.

      La nuit, on surproduit (on n’arrête pas une centrale comme cela même si on peut programmer une baisse de puissance). Et on a un facteur de charge de nos centrales d’un peu moins de 70%. En gros, en moyenne, il nous reste 30% du parc installé qui ne fout rien.

      C’est pratique pour prolonger la vie des centrales, mais c’est aussi une réserve à exploiter potentiellement.

      Ah si on n’avait pas stupidement fermé Fessenheim pour donner des gages aux zélés zécolos en bois allemands inféodés au gaz russe…et à nos zécolos à nous tout aussi inféodés au gaz.

      Bref, on exporte aussi. L’an dernier 50 TWh net, avant on était plus sur 70 Twh nets.

      Largement de quoi produire du carburant made in France par exemple 🙂

    1. Car ils sont plus que balbutiant.
      L’utilisation de microalgues pour capter du CO2 n’est qu’à l’état de proto.
      Surtout, cela demande des surfaces énormes et poussera forcément à l’utilisation de phyto ou autre pour maximiser les rendements.
      Le e-fuel utilise de l’eau qui est reconstituée à la fin du cycle à l’échappement (tout comme le CO et CO2 entrant se retrouve à la sortie).

      La surface utilisée est celle…d’une raffinerie pour produire des hl de carburant.

    2. Ça devait être des tubes fermé avec les fameuses algue verte qui ont croissance exponentiel donc j’ai du mal à voir l’utilisation de produits phyto ?

      1. Les pseudo colonnes Morris (photo bioréacteurs) c’est surtout pour la com’ 😉

        Le principe de l’agro carburant de 3e génération c’est de cultiver des algues et micro-organismes dans d’immenses bassins genre des stations d’épuration pour maximiser la surface éclairée pour la photosynthèse.

        https://www.mer-ocean.com/wp-content/uploads/2021/09/bioalgue-plant-1024×591.jpeg

        https://www.usinenouvelle.com/mediatheque/0/5/5/000761550_896x598_c.png

        Pour maximiser le rendement, il faudra des produits phytos (cela ne veut pas dire chimiques de synthèses hein 😉 ) pour accélérer la croissance, neutraliser les parasites, les plantes non utiles, etc.
        Et il y a de forts risques qu’on éclaire ces bassins ou tubes en permanence comme…les tomates (vous habitez près de serres de plantes industrielles ? C’est……..magnifique la nuit…enfin le jour car il fait jour tout autour sur des kilomètres.)

        Ensuite, sur le papier, il faut laisser déshydrater les algues à l’air libre……….dans la pratique, ce sera comme les pellets de bois, on les sèchera avec du gaz ou autre….c’est plus rapide et il faudra répondre à la demande…..

        Les agrocarburant gen 1 et gen 2 avaient les mêmes promesses….utiliser des surfaces non cultivées, ou des déchets de culture…au final on a planté spécifiquement pour créer de l’agro-méthane, créer des déchets de toute pièce.

        Là, on sera obligé de favoriser certaines algues au dépend d’autre. Même cercle vicieux.

        1. Ok merci pour avoir prit le temps et les explications.

          Au final on détourne les utilisations plus vertueuse et au final on lretrouvera cette problématique quelque soit la solution (elec etc)

  2. L’article évite totalement la partie agriculture intensive sur laquelle reposera cette industrie et les problématiques qu’elle engendre (Destruction de la biodiversité, explosion des cas de cancer, bactéries et virus hyper résistants, sources d’eau potables polluées, mort des sols, etc.).

    1. Tu ne confondrais pas les e-carburants avec les agro-carburants? Parce que je ne vois pas le rapport entre la production de carburant avec de l’électricité et l’agriculture intensive

      1. Bonjour seb,
        oui je raconte n’importe quoi, désolé d’avoir pollué le fil de discussion avec cette remarque.

    2. @Guig : l’article évite totalement car ce n’est PAS du tout le sujet (lisez bien on parle des e-fuels à l’opposé des agrocarburants qui utilisent la biomasse.

      Je vous remets la phrase pour que vous ne vous fatiguiez pas à lire l’article : « D’où le nom d’électro-carburant que l’on va aussi trouver pour les différencier des agro-carburants (anciens « bio-carburants ») issus de plantes et de la biomasse. »

      voilà voilà voilà…..il y a aussi le passage où on vous explique que l’on prend du H2 à partir de l’électrolyse de l’eau, et du CO2 capté (sortie de cheminée d’usine, air, etc.) pour faire les molécules.

      Vous la voyez où l’agriculture intensive ?

      Sinon au cas où il y a bientôt 8 milliards d’êtres humains sur la terre et l’agriculture intensive sera la seule façon de les nourrir….voilà voilà voilà.

      Allez, je vous enclin à lire l’article attentivement svp.

        1. No problemo 🙂
          Il faut dire que certains confondent (à dessein ?) agrocarburant, biocarburant (l’ancien nom), e-carburant, etc.
          Et si en plus on introduit les générations de ces différents carburants on s’y perd.

  3. OK… Pour remporter ça aux calendes grecques… Mais alors sans carburants fossiles qui nous lient aux dictatures et qui polluent actuellement et depuis 200 ans énormément.
    … Paradoxalement, on a tendance à se focaliser sur la pollution des batteries et recyclage…Qui polluent eux aussi certes, mais 2 à 3 fois moins quand c’est bien fait pour le même service.
    Sans compter les perspectives d’améliorations qui sont nettement plus grandes pour les 20 prochaines années.

  4. Je crois que l’on produit environ 350-400 TWH de nucléaire en France.
    Pour une production d’énergie primaire d’environ 1600 TWH d’énergie primaire voire 2600 TWH en prenant en compte la consommation des produits importés qui souvent chinois.
    Bref, si l’on passe au tout électrique, pour tout, et en produisant nos produits… Il faudrait donc des centaines d’EPR2 avec plein d’ENR.
    Dans tous les cas, le sevrage du pétrole sera extrêmement difficile (voire impossible à 100 %)… alors autant commencer tres tôt, et il est déjà, tard !

  5. dimanche est une bonne occasion de niquer cette caste de kmers verts en votant pour ce qui les fait le plus chier mdr

  6. Les carburants alternatifs, c’est comme pour l’hydrogène…une pompe tous les 10 km …et comme d’habitude la charrue avant les boeufs …le PPE va raser gratis bonnes gens !!!

  7. Une STEP a un rendement de 75 à 80% (électricité utilisée sur électricité restituée).

    En gros c’est rendement de la pompe x rendement de la turbine x coefficient de perte de charge hydraulique. Les deux premiers c’est un peu plus que 90%, le total pour les plus modernes des STEP 80%.

    https://www.edf.fr/sites/default/files/Lot%203/CHERCHEURS/Publications/utdstepweb.pdf

    Gros souci des STEP, on est à la limite « acceptable » par le public.

    On pourrait ajouter des barrages supplémentaires mais cela demanderait de noyer des villes. Déjà qu’il y a pas mal de traumas qui restent vivaces, dans les Alpes mais aussi avec les réserves en plaine…j’imagine mal une capacité de STEP augmentée, hélas.

  8. Pour ajouter sur les rendements, si on prend un électrolyseur cogénérateur, on peut monter à 90% de rendement au lieu de 50/55%.

    La cogénération c’est utiliser deux produits de la réaction. Ici, la production de H2 dégage de la chaleur (exothermique) qui peut être réutilisée dans un système de chauffage (l’hiver) ou une piscine, un terrarium, etc. On utilise par exemple l’eau chaude qui refroidit la centrale de Civaux pour différents chauffage dont la planètes des crocodiles (qui s’appelle Terre de dragons désormais) et d’autres bâtiments.

    Bref, donc pour du H2 on peut récupérer 90% de l’énergie électrique du départ.

    Mais 50 à 55% pour le H2….que l’on peut utiliser directement dans l’industrie si on ne le compresse pas (pertes) ou qu’on ne le transporte pas (pertes).

    L’industrie utilise énormément de H2. Le H2 c’est 75 millions de tonnes par an utilisées à 45% pour la désulfurisation du carburant, 40% pour produire de l’ammoniac, des engrais, etc. 10% pour l’alimentaire, et le reste en divers usages (dont 1% pour les fusées…).

    Bref, pourquoi pas produire du H2 pour l’industrie, s’il est produit sur place…pour le moment le H2 fossile est toujours moins onéreux que celui « renouvelable ».

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