F1 – Andretti : la FIA retourne sa veste !

Depuis deux ans, le dossier Andretti fait couler beaucoup d’encre et beaucoup de salive, tant il a cristallisé les désaccords et les rivalités d’influence entre la FIA d’un côté et Liberty Media, la FOM et les écuries déjà existantes de l’autre.

La FIA a toujours soutenu la candidature d’Andretti pour devenir la 11e écurie du plateau, le dossier ayant été validé l’an passé par l’institution, alors que les autres écuries et Liberty Media n’ont jamais caché leur opposition à l’arrivée Andretti comme 11e entité (même Alpine, ayant un temps soutenu Andretti dans la perspective de fourniture du bloc français, s’est mis au diapason des autres).

Andretti éconduit comme un malpropre

Si plusieurs arguments tarabiscotés ont été avancés (jusqu’au manque de place dans la pitlane !), tout le monde sait très bien pourquoi les écuries étaient vent debout l’arrivée d’une 11e équipe : cela entraînerait une réduction pour chacun de sa part dans le « juteux gâteau » de bénéfices que dégage désormais la F1. Alors que la FIA avait validé le dossier Andretti en octobre dernier, le coup de massue est arrivé en Janvier, quand Liberty Media a clairement rejeté l’entrée d’Andretti pour 2026, laissant une porte ouverte pour 2028 sous certaines conditions. Un rejet qui a été très mal vécu par Andretti, un camouflet teinté de cynisme et plutôt méprisant pour un nom si prestigieux du sport automobile, en comparaison des yeux doux faits à Audi, Liberty Media ayant argué que Andretti « n’apportait pas de valeur ajoutée » à la F1.  L’argument reste le même pour la FOM et les écuries : si Andretti veut être en F1, qu’ils rachètent une structure déjà existante !

Christian Horner a réaffirmé la position des écuries à Monaco, dans un ton plus diplomatique

Je pense qu’Andretti a un grand héritage en matière de course automobile. Mario est une légende du sport. Et bien sûr, Cadillac, un énorme constructeur automobile américain », a commencé Horner. Je pense que la Formule 1 a dit que si elle arrivait avec son propre moteur en 2028, elle reverrait la décision. Mais à côté de ça, je pense que si Andretti voulait venir, il vaudrait mieux le faire comme Audi qui a racheté Sauber. Je pense que pour protéger la franchise actuelle et la stabilité que nous avons dans le sport, la meilleure voie pour atteindre leur objectif est de reprendre l’une des équipes existantes »,

Depuis, Andretti n’a pas relâché la pression, poursuivant ses investissements pour démontrer à qui douterait encore de leurs capacités, via l’inauguration des installations en Angleterre et le recrutement de l’expérimenté Pat Symonds. L’affaire a pris aussi une tournure politique, puisque le Sénat américain a commencé à se pencher sérieusement sur ce « barrage », considéré comme une entrave à la libre concurrence:  la commission judiciaire de la Chambre a ouvert une enquête et un groupe de sénateurs influents réclame lancer une enquête antitrust sur ce que les législateurs considèrent comme des pratiques illégales et anticoncurrentielles de la F1 pour protéger les équipes majoritairement européennes de la concurrence américaine.

la FIA se rallie à la meute

Andretti continue d’avaler des couleuvres. Après que Mario Andretti ait rapporté à des médias américains un échange très dur avec Greg Maffei, le pdg de Liberty Media, qui lui aurait assuré faire « tout ce qui est en soi pouvoir pour que Mickael (Andretti, son fils ndlr) n’entre jamais en F1 » – ce qui laisse entendre que le bras de fer est aussi affaire de profondes inimitiés personnelles – leur  principal soutien, la FIA, en la personne de son président Mohamed Bin Sulayem, a retourné sa veste !

Déjà, le communiqué du 15 mai dernier publié par la FIA annonçait ce revirement, puisque la FIA et la Formule 1 s’engagaient « à offrir les meilleurs résultats pour l’ensemble du sport. Et à développer « un nouveau plan stratégique qui (nous) permettra de saisir les opportunités et d’améliorer encore le potentiel de la F1 dans les années à venir. » Des propos qui signifiaient le réchauffement des relations entre Ben Sulayem et Stefano Domenicali, le PDG du championnat.

« Je ne doute pas que la FOM et Liberty [Media] aimeraient voir d’autres équipes tant qu’il s’agit de constructeurs automobiles. Je conseillerais [à Andretti Cadillac] d’acheter une autre équipe, et non pas de venir en tant que 11e écurie »,

« Je pense que certaines équipes ont besoin d’être régénérées. Qu’est-ce qui est mieux : avoir 11 équipes pour faire le nombre ou 10 et qu’elles soient solides ? Je continue de penser que nous devrions avoir plus d’équipes, mais pas n’importe lesquelles. Les bonnes équipes. Ce n’est pas une question de nombre, c’est une question de qualité. »

Mohamed Ben Sulayem se range finalement à l’avis de la FOM et des écuries : Andretti doit racheter une équipe existante, et nous sommes plus riches forts à 10 plutôt qu’à 11. Ne pas « Faire le nombre », voilà qui devrait flatter Andretti Racing, ses centaines de millions déjà investis, ainsi que son partenaire Cadillac.

Telle une arme de dissuasion, les négociations autour des Accords Concorde pour 2026 et au-delà prévoient aussi un rehaussement conséquent du fonds anti-dilution (la compensation financière à verser aux écuries déjà existantes) de 200 à environ 600 millions de dollars (voire 700 à compter de 2028) en sus d’une interdiction pour tout nouvel entrant de prétendre à des primes lors de sa première saison en F1. Autant de dispositions qui devraient en refroidir plus d’un !

« Nous devons trouver un équilibre », a expliqué Ben Sulayem à ce sujet. « Le seuil de 200 millions de dollars est-il trop bas ? Je pense que 600 millions de dollars est un montant qui convient au marché actuel. »

Evidemment, tout cela est à analyser à l’aune des relations complexes entre la FIA et la FOM/F1. Mohamed Ben Sulayem a été au cœur de nombreuses polémiques et il demeure un président controversé et critiqué. Ses nombreuses initiatives et déclarations -sur Andretti, sur la vente de la F1 aux Saoudiens, sur les sanctions, les enquêtes diligentées contre certaines personnalités – ont été très mal prises par Liberty Media et la FOM,  au point que des rumeurs de schisme ont germé l’an passé. Sa position fragilisée l’a-t-elle incité à enterrer la hache de guerre et à sa ranger à la cause adverse ?

Qui serait à vendre ?

« Sans citer de noms, il y a des équipes qui sont en difficulté… en difficulté au niveau des performances, en difficulté même au niveau de la gestion. Il s’agit d’avoir la bonne équipe, de ne pas perdre une opportunité ou une chance lorsque quelqu’un comme GM, avec une unité de puissance, arrive en Formule 1. »

Alpine revient régulièrement dans les élucubrations du paddock. Le manque de résultats et de progression de la 4e équipe constructeur, les crises internes à répétition, les départs en cascade depuis l’an passé, alimentent l’idée d’une vente par Renault d’Alpine F1 Team, quitte à rester simple motoriste, même si, pour l’instant, le losange dément toute idée de vente. L’autre cas, c’est Haas. L’écurie américaine vivote depuis son arrivée en 2016, et beaucoup se questionnent sur l’avenir à long terme de ce projet porté par Gene Haas. D’aucuns voient dans Haas la proie la plus facile à prendre pour Andretti. Les rumeurs de départ d’Ocon de chez Alpine, potentiellement vers Haas, sont-elles à comprendre dans cette perspective ?

(4 commentaires)

  1. Le problème c’est que Haas, malgré ses piètres résultats, gagne quand même de l’argent : Gêné n’a aucune raison de vendre. Et Alpine veut rester au moins en tant que motoriste….

  2. Ça pourrait se finir devant la justice, leurs conneries.
    Je vois tout ça comme un bel hommage rendu à l’histoire de la F1 : on se croirait revenu aux temps de la FISA et de Balestre ! ^^

  3. Les rumeurs sur Alpine sont quand même assez bizarre (je ne dis pas que c’est faux, juste que c’est bizarre).
    Si j’ai bien compris, l’écurie Alpine F1 est une des pièces fondamentales du plan Renaulution qui prévoit, notamment, l’entrée sur le marché nord-américain de la gamme Alpine.
    Donc pour Renault, c’est un moyen de faire connaître Alpine sur ce nouveau marché (économiquement indispensable pour le groupe français), de lui donner une image de marque et une crédibilité en tant que constructeur de véhicules sportifs.

    Vendre Alpine F1 serait un nonsens total pour Renault, cela signifierait l’échec de son plan de relance (avant même qu’il ait commencé pour la marque Alpine).
    Ce serait tirer un trait sur le marché américain (pourtant vital pour l’avenir du groupe Renault), donc adieu l’internationalisation, les nouvelles parts de marché et retour à la case départ pour Renault, en tant que petit constructeur régional qui n’aura plus qu’a attendre de se faire avaler entièrement par Geely.

    Personnellement, ça ne m’étonnerait pas que toutes ces rumeurs sur la vente d’Alpine F1 soient lancées par Renault, c’est juste de la com pour faire parler d’Alpine aux USA (histoire de préparer le terrain et de familiariser, petit à petit, les américains avec cette nouvelle marque « frenchy »).
    Avec les rumeurs de rachat par Andretti/Cadillac, le public américain va forcément chercher à en savoir plus sur Alpine (l’écurie F1 et le constructeur).

    Actuellement et à destination des USA, le plan marketing de Renault/Alpine c’est un peu : « Alpine : parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en ! ».

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