Insolite, salir la route peut vous envoyer en prison

Plusieurs fois dans l’année nos agriculteurs sortent des champs avec leurs tracteurs et leurs engins, laissant souvent de la terre, des betteraves, ou du raisin sur la chaussée. Cela arrive aussi lors d’un chantier de construction, de démolition, etc. La route est souvent maculée de terre ou de diverses choses. Pourtant, ne pas nettoyer la chaussée après son passage peut aller jusqu’à de la prison ferme et coûter bien plus qu’une heure à nettoyer. Et c’est valable pour les particuliers aussi.

Ici, c’est le code de la voirie routière qu’il faut regarder. L’article R*116-2 de ce code indique clairement :

Article R*116-2 4° – « Seront punis d’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe ceux qui (…) auront laissé écouler ou auront répandu ou jeté sur les voies publiques des substances susceptibles de nuire à la salubrité et à la sécurité publiques ou d’incommoder le public. »

De 1500 à 3000 € d’amende

Le panel est donc large et comprend sans distinction du lisier ou du fumier, de la boue/terre, ou d’autres substances nuisibles à la salubrité des gens. Or, une amende de 5e classe, c’est une sanction pécuniaire pouvant atteindre les 1 500 €, et même 3 000 € en cas de récidive.

Mais cela peut vite s’aggraver si l’état de la chaussée provoque un accident matériel. Le responsable sera la personne derrière le volant et qui a laissé la chaussée dans cet état. A minima, il faut mettre une signalisation adéquate renseignant du côté glissant de la chaussée. Ceux qui se baladent dans les vignes au moment des vendanges, ou dans le nord de la France à la saison de récolte de la betterave, voient fleurir ces panneaux qui sont le minimum minimorum.

Car poser des panneaux ne dispense pas de nettoyer régulièrement la chaussée le temps du chantier ou des travaux agricoles. Mais aussi en fin de ces travaux. Surtout, les panneaux doivent être ceux prévus par le code de la route (pas des panneaux maison), et être placés à 150 m en amont du problème.

S’il y a un décès, c’est potentiellement la prison

Mais si l’accident n’est pas que matériel, cela tourne au délit. Si une personne est blessée et qu’elle reçoit une incapacité totale de travail (ITT) de moins de 3 mois, le responsable de la chaussée souillée risque jusqu’à un an de prison et 15 000 € d’amende. Et c’est vite arrivé avec un deux-roues motorisé à l’équilibre plus précaire que celui d’une voiture.

S’il y a plus de 3 mois d’ITT ou pire, un décès, alors c’est l’article 221-6 du code pénal qui s’applique :

Article 221-6 – Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

Et ce texte est aussi valable pour les bouses de vache (d’où l’illustration) ou autres animaux. L’agriculteur à qui appartient le troupeau peut être poursuivi pour les mêmes causes. La municipalité et le Maire de la commune sur laquelle se déroule les faits aussi. En effet, si la boue ou la bouse est fraîche, le Maire est légitimement considéré comme « pas encore au courant » du problème. En revanche, si les faits ont plusieurs heures/jours et qu’il n’a rien fait pour faire cesser l’infraction (pouvoir de police du Maire), sa responsabilité pourrait alors être engagée.

Visiblement, tout le monde n’est pas au courant de ces textes quand on voit le nombre de sorties de chantiers, de champs, ou autres qui ne sont pas nettoyées. Maintenant, vous savez.

(5 commentaires)

  1. Depuis quelques années, sur la région parisienne, il y a à la sortie des chantiers un préposé au tuyau d’arrosage qui nettoie les roues des camions qui sortent du chantier.

  2. Ah, le plaisir de la surprise de la sortie de champ (ou chantier/carrière etc…) maculée de terre à moto au sortir d’un virage sous la pluie! Éloigner ces sorties des zones à visibilité réduites serait AMHA une meilleure option qu’espérer voir un tracteur se décrotter les roues sur un paillasson!

    Si déjà les RP proches de grosses stations services/casses/déchetteries (bennes et carcasses fuyantes)… et, les pires en fréquence de dégazage, de dépôts de bus étaient régulièrement fliqués! Pour ces derniers, en 30mn à la prise de service du matin il y aurait de quoi multiplier les prunes à 1500€ comme Jésus les petits pains. Voir cumuler avec une autre amende, au rayon pollution cette fois.

    Et là contrairement aux récoltes/chantiers, c’est toute l’année, moins visible (si le vent est dans le bon sens, par condition humides, le nez tiltera bien avant les yeux) et plus glissant. Donc in fine plus traître.

  3. Du coup on a le droit de déverser des litres d’huiles et d’essence sur la chaussée mais pas du caca de vache?

    Alors oui les agriculteurs et les camions de chantier sont tenus de le signaler au gestionnaire de la chaussée car généralement ce sont les communes et les départements qui nettoient.

  4. Permettez de sortir des (rares) bouses de vaches et revenons aux mégots de cigarettes qui entrent dans ce cadre : « jeté sur les voies publiques des substances susceptibles de nuire à la salubrité et à la sécurité publiques ». Contraventions : je serais curieux de connaître leur nombre annuel en France.
    Cas extrêmes, et pas si rares que ça : les incendies de forêts (souvent près des autoroutes du sud) qui tuent des pompiers : « imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire ». Prisons pour les jeteurs de mégots (certains étant de fait non-éteints) : combien vont en prison chaque année en France ?
    Enfin, petit (terrible) rappel : l’incendie du tunnel du Mont Blanc : 39 morts le 24 mars 1999. Rapide recherche, second résultat (après wiki) : https://www.nouvelobs.com/societe/20010323.OBS2759/l-incendie-du-mont-blanc-est-bien-du-a-un-megot.html
    Alors évidemment, y’a pas que ça car SI la réaction du tunnel avait été aussi rapide qu’elle aurait dû l’être, SI les politicards avaient fait leur taf d’appliquer leurs responsabilités (exercices récurrents..) de cet axe international, etc… il n’y aurait pas eu autant de victimes,
    il n’en demeure pas moins que la responsabilité première était ici la personne qui a jeté ce mégot. Mais a-t-elle fait un seul jour de prison ? Sait-on seulement qui c’est ???
    Article intéressant mais il est dommage qu’il n’ait pas exploité toute la gravité du sujet.

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