1973, Zandvoort, Pays-Bas. Jackie Stewart (Tyrrell-Ford) et Emerson Fittipaldi (Lotus-Ford) se disputent le titre mondial, avec en embuscade le jeune français François Cevert, équipier de Stewart et qui attend son heure. La piste hollandaise a été modernisée, avec une piste resurfacée, de nouvelles barrières de sécurité et une nouvelle chicane. En effet, avec la multiplication des décès tragiques depuis la fin des années 60 (Jo Schlesser, Jochen Rindt, Piers Courage, Jo Siffert, Ignazio Giunti, etc), le combat au nom des impératifs sécuritaires ne fait que commencer. Les consciences s’éveillent, portées par le champion du monde Jackie Stewart, mais un long chemin est encore à faire.
Un jeune espoir débutant
Le véloce suédois Ronnie Peterson, sur Lotus, a signé la pole devant les Tyrrell de Stewart et Cevert. Bien plus loin, en 18e position, se trouve le jeune Roger Williamson, 25 ans. Révélé par deux belles saisons de Formule 3 avec l’équipe de Tom Wheatcroft, ce jeune espoir a été lancé dans le bain de la F1 lors du grand prix précédent en Angleterre, à Silverstone, mais son expérience a été écourtée par le carambolage du départ. Ce grand prix des Pays-Bas sur une March n’est donc que le second de sa carrière, mais il doit lui permettre de s’aguerrir pour 1974, où un volant à plein temps lui est promis.
Une énième voiture qui s’enflamme
Au 8e tour, suite à une crevaison, la March de Williamson est expédiée contre le rail, renvoyée en piste, elle se retourne, glisse sur plusieurs centaines de mètres et s’embrase en s’arrêtant sur le bas-côté opposé au lieu du choc. Purley, qui suivait Williamson, s’arrête immédiatement sur le bas côté et court au secours de son collègue. Williamson est alors conscient mais prisonnier de sa voiture retournée et en flammes, incapable de sortir par ses propres moyens. Purley s’emploie à retourner la March. Des commissaires de course sont présents mais ne l’aident pas…Peu ou pas entraînés, ils n’ont pas de vêtements ignifugés. A cette époque, beaucoup de monoplaces ont des châssis en magnésium, un matériau qui permet de construire de coques légères, mais qui est très inflammable. Purley réclame un extincteur, il traverse la piste, au péril de sa vie, pour en arracher un des mains d’un pompier. Il l’actionne autour du brasier, mais ce dernier ne cesse de s’amplifier. Pendant ce temps-là, la course continue, les autres pilotes décélérant à peine et passant à fond près du brasier.
David Purley livré à lui-même
Purley vide son extincteur, sans succès. Il tente à nouveau, seul, de soulever la voiture, mais il ne peut rien faire, alors que les commissaires restent passifs. Il s’épuise, il implore, mais plus rien ne peut sauver son ami. L’incendie se propage et une fumée noire envahit les airs. Depuis les stands, une voiture de pompiers se met enfin en route mais elle doit traverser la moitié du circuit à vitesse réduite pour arriver sur les lieux. Furieux, Purley est écarté de la zone du crash, agite les bras, interpelle les pilotes qui passent sans s’arrêter, car ils pensent que la voiture en flammes est la sienne. La situation est dangereuse car la visibilité est rendue nulle par l’épaisse fumée.
Le malheureux Williamson meurt asphyxié et brûlé vif devant les caméras de télévision qui diffusent de plus en plus régulièrement en direct les courses. Au 11e tour, suite à un autre accident de Reutemann, les drapeaux jaunes sont agités et les pilotes lèvent le pied. Quelques pompiers vont tenter d’éteindre les incendies, qui ne sont maîtrisés qu’au bout de plusieurs tours. Plus tard, David Purley déclarera qu’il pouvait entendre les cris de son ami Williamson coincé dans le brasier.
Un accident qui choque
A l’arrivée de la course, Ken Tyrrell apprend le décès de Williamson à Jackie Stewart, lui même qui a frôlé la mort en 1966 à Spa et qui, depuis, est parti en croisade pour la sécurité. L’ambiance est très lourde sur le podium, mais ce décès, survenu au même endroit que celui de Piers Courage deux ans plus tôt, suscite une vive polémique. Le choc est d’autant plus grand dans l’opinion publique que ce drame a été vu en direct à la télévision, les spectateurs étant confrontés à l’indifférence de certains pilotes mais surtout à la passivité et à l’amateurisme complet des secours et des commissaires des piste, attentistes et sous-équipés. Ce drame créé un véritable scandale, tandis que la direction de course est pointée du doigt pour avoir laissé la course se poursuivre comme si de rien n’était.
Aussi inconcevable que cela puisse paraître, la mort abominable de Williamson n’entraîne aucune réaction particulière des instances, même si des combinaisons ignifugées seront rapidement rendues obligatoires sur les grands prix. Les temps ne sont pas les mêmes et la fatalité face à la mort dans ce sport était encore bien ancrée dans les mentalités. Mais cette fois-ci, la mort s’est déroulée en direct, et elle n’a plus le côté chevaleresque et asbtrait des récits de presse d’antant. Cette fois-ci, cette mort a été atroce, brutale, déchirante.
Dans le cas de la mort de Williamson, l’insuffisance notoire des équipes de secours et la haute inflammabilité des châssis sont en cause. Malgré la prise de conscience publique et la mobilisation des pilotes, les drames se poursuivront, en raison de la hausse des performances des voitures alors que les carences étaient encore considérables à la fois dans la sécurité active et passive des voitures ou des infrastructures des circuits. Carlos Pace, Niki Lauda, François Cevert, Clay Regazzoni, Helmut Koinigg, Peter Revson, Ronnie Peterson, Tom Pryce et bien d’autres vont encore dans les années 70 et au début des années 80 laisser leur vie ou garder des séquelles irreversibles d’accidents face auxquels l’inertie des instances dirigeantes fut longtemps impardonnable.
Purley, un survivant ratrrapé lui aussi par la mort
Les images de David Purley, deséspéré en tentant de sauver son ami des flammes, feront le tour du monde. Purley a ensuite reçu la médaille George pour la bravoure dont il a fait preuve en tentant de sauver Williamson. Une série de photos de l’incident, montrant un Purley abattu, a remporté le World Press Photo de cette année-là.
Purley continue tant bien que mal sa carrière. En 1977, il survit à un crash monstrueux lors des préqualifications du grand prix d’Angleterre, avec une décélération de 179,8 g en passant de 173 km/h à 0 km/h sur seulement 70 cm ! Cet accident lui cause de multiples fractures aux jambes, à la ceinture pelvienne et un grave traumatisme crânien. Il retourne brièvement à la compétition en 1979 sur Porsche, puis en championnat Aurora FX (championnat britannique de Formule 1) avant de mettre un terme définitif à sa carrière de pilote automobile. Il se reconvertit dans les compétitions d’acrobaties aériennes mais meurt en 1985 dans un accident dans la Manche.
Ce fut le pire Grand Prix auquel j’ai assisté en direct à la TV. Le commentateur fut à ce point bouleversé qu’il s’est perdu dans la classement et a déclaré un vainqueur qui ne l’était pas. Vu ce qui s’était passé, ce n’était pas le plus important !
Quand au châssis de la March, il était simplement en aluminium. Le magnésium était trop couteux et compliqué à travailler pour un « garagiste ». Par contre la Honda dans laquelle Jo Schleser est décédé quelques années avant était elle en alliage de magnésium. J’ai souvenir qu’après l’accident de Jo Schleser, le magnésium a été interdit en F1.
Je ne suis pas assez vieux, je n’ai jamais entendu parler de cet accident mortel.
Par contre, je savais que Zandvoort avait disparu du championnat du monde de F1 parce que trop dangereux. Est-ce que c’est en rapport direct avec le décès de Williamson ?