Sophia Flörsch (ou Floersch) avait déjà créé cet exploit en terminant à la 9e place en Autriche de la course principale après une folle remontée depuis la 20e place. Hélas, la PHM Racing n°29 était disqualifiée pour une infraction technique (une histoire de hauteur minimum de plaques à l’extrémité de l’aileron arrière).
Flörsch n’aura pas attendu longtemps pour réitérer cette fin dans les points puisque ce weekend à Spa Francorchamps en Belgique, elle a terminé 7e après avoir démarré 24e sur la grille. La stratégie des pneus pluie assez tôt a été la bonne. Avec cette arrivée dans les points, la pilote marque ses premiers points depuis 2018 (alors en Formule 3 Europe NDLA) et les premiers points de la saison pour PHM Racing.
Protégée de la filière Alpine, Flörsch devient donc la première pilote à scorer en F3. Mais, pilote touche à tout, elle ne fait pas que de la monoplace. Elle fait également de l’endurance, que ce soit en European Le Mans Series (ELMS) ou en WEC (championnat du monde d’endurance). Elle a déjà participé 3 fois aux 24 heures du Mans en LMP2 avec une 13e place au général comme meilleur résultat.
A bientôt 23 ans, Flörsch est (hélas) plus connue du grand public pour son accident spectaculaire à Macao en 2018 que ses résultats en F3 ou ELMS. Dans « l’enfer du jeu », sa voiture a décollé sur les vibreurs puis sur une autre monoplace pour atterrir contre une cabane de photographes et contre les grillages de sécurité.
« Officiellement nos premiers points maintenant. Je suis évidemment super content. Être les premiers points pour PHM, parce que nous n’avions pas de points du tout cette année et puis l’année dernière, Charouz n’avait pas de points, donc pour les mécanos, ils sont tous super super contents aussi.
Nous avons une pause maintenant. Il ne reste plus qu’une course, mais j’adore Monza et nous allons juste essayer de voir où nous en sommes et ce que nous pouvons y faire. Ça va être super serré et un pari glissant. Alors on verra ».
L’arbre qui cache la forêt
Flörsch sait que ses chances de passer en F2 et de bien y figurer, ou même de passer un jour en F1 sont minces, ou nulles (pour la F1). S’il y avait toujours des essais privés en F1, on pourrait la voir sur une séance dans une Alpine, comme on voyait à l’époque Suzie Wolff chez Williams, Maria de Vilotta chez Lotus ou Tatiana Calderon chez Sauber. Mais, Flörsch ne demande pas de traitement de faveur. Au contraire, c’est une des pilotes femmes qui considèrent que la « W Series » (la formule 100% femmes) est un recul de la cause des femmes dans le sport auto.
La Formule 1 a lancé la « F1 Academy », une F4 réservée aux femmes pilotes. Le but officiel est de préparer les pilotes féminines au haut niveau. Mais, si c’est une chance pour celles qui y sont engagées, cela pourrait rapidement tourner au jus de boudin façon W Series qui n’a connu que 3 saisons ! De grands noms du sport auto y sont tout de même en tant qu’écurie avec Art, MP, Carlin, Campos, ou Prema. Le championnat est mené largement par l’Espagnole Marta García (23 ans).
La Française Lola Lovinfosse (18 ans) est 10e au général. Lovinfosse, Normande comme Gasly ou Ocon, estime, au contraire de Floersch, que ce championnat non mixte est bon pour la cause des pilotes femmes. En effet, les différences entre écuries sont faibles et c’est donc le pilotage qui va faire la majeure partie des différences. Dans un championnat mixte, les différences entre écuries sont énormes et le budget joue énormément.
Mais, ce championnat ne révèlera pas, sauf miracle, une pilote capable d’aller en F1. Ce n’est que de la F4 et même Léna Bühler, 2de du classement, a 26 ans et n’a jamais brillé par le passé. Si une ou deux pilotes de la F1 Academy sortent en F3 et marquent des points, l’objectif sera-t-il considéré comme atteint ? Si la monoplace semble tout de même très fermée pour les femmes, en revanche, l’endurance est bien plus ouverte. Si on regarde la W Series, elle n’a couronné qu’une seule et même pilote : Jamie Chadwick. Chadwick qui n’a pas trouvé de volant en F3 par exemple malgré ses 3 titres…
Manque d’ambition ?
On a la chance en France d’avoir deux bonnes pilotes avec Doriane Pin et Lilou Wadoux. Wadoux a remporté les 6h de Spa 2023 en GTE avec la Ferrari 488 GTE après une 2e place à Portimao au Portugal. Dorian Pin (alias pocket rocket) a déjà montré sa belle pointe de vitesse en LMP2 et fait équipe chez Prema avec Daniil Kvyat (l’ancien pilote de F1) et Bortolotti. Après un début de saison prometteur et une 3e place en catégorie à Sebring, l’équipe recule.
En Formule 1, les femmes pilotes sont rares. Elles se comptent sur les doigts d’une main pour celles qui se sont inscrites à un Grand Prix, et même ne sont que 2 à avoir participé à un départ de GP. Si Maria Teresa De Filippis na jamais marqué de points, elle a piloté des monstres comme la Maserati 250F en 1958 et 1959. Lella Lombardi de son côté est la seule femme à avoir marqué des points en F1. 0,5 point exactement a GP d’Espagne 1975 (il n’avait pas été à son terme donc seule la moitié des points était attribuée).
Lombardi aurait pu en marquer plus car elle termine par exemple 7e du GP d’Allemagne 1975 sur la terrible boucle nord du Nürburgring. Mais à l’époque, seuls les 6 premiers marquaient des points. Et depuis trois femmes ont tenté en vain de participer à un GP de F1. Alors pourquoi n’y a-t-il pas de femme en F2 ou en F1 ? Ce n’est à priori pas une question de chances ou de carrières débutées trop tardivement par rapport aux hommes. En karting chez les jeunes, il y a encore « pas mal » de filles/femmes face aux garçons/hommes. C’est après que cela se dépeuple. Moins de sponsors pour décrocher une bonne voiture/équipe ? Peut-être, en tout cas certaines le disent tout en soulignant pourvoir trouver des soutiens. Mais le nombre de femmes qui atteignent la F3 se réduit trop drastiquement pour espérer voir une femme performer.
En tout cas, bravo à Sophia Flörsch pour ses points à Spa et espérons pour elle qu’elle renouvelle l’expérience à Monza pour la dernière étape du calendrier de la F3.
Le sport auto est un des rares sports mixtes avec l’équitation, la voile ou…la pétanque par exemple.
Marquer ses premiers points en F3 à 23 ans, même si c’était un homme, il y aurait peu de chance de la voir un jour en F1. Par contre, elle montre qu’une femme est tout aussi capable qu’un homme à arriver dans les points en F3, même face aux hommes. C’est une pionnière dans la catégorie, il faut espérer qu’elle donne des idées à d’autres pilotes et d’autres sponsors.
Prochaine étape, le podium.
Bravo à elle.
Le problème de la monoplace, c’est qu’on a 40 pilotes de F3 qui cherche à accéder au 30 places en F2, en espérant parvenir à faire partie des 20 pilotes de F1. Cette F1 qui a en plus une catégorie vétéran (coucou Fernand !), ce qui ne facilite pas son accès.
On comprend le succès du GT et de l’Endurance, nettement plus accessible à tous points de vue.
Sofia Flörsch a raison de persévérer, même si je pense qu’elle sait déjà que la F1 restera un rêve.
Surtout qu’en devenant pilote Alpine, le WEC devient une option.
Quand on parle de Doriane et Lilou, on a affaire à 2 spécimens rares, qui font partie des pilotes qui ont un don naturel, ce qui explique leur ascension fulgurante. On devrait les retrouver en F1, mais malheureusement, c’est impossible. C’est là qu’on voit que la monoplace est devenue sclérosée par l’argent et la politique.