Marques disparues, épisode 35 : Clément-Bayard

Un jeune entrepreneur audacieux

Adolphe Clément est un pur autodidacte. Ayant vécu une enfance difficile avec des parents disparus assez tôt et de nombreux petits travaux pour survivre, il se prend de passion pour la ferronnerie, devient apprenti maréchal-ferrant et entame un tour de France au début des années 1870. A Paris, il fait connaissance avec le fabricant de cycles Truffaut. Il se lance dans les courses cyclistes et commence aussi à construire ses premiers cycles vers 1877, à Lyon puis Paris. Sa société prend de l’ampleur et il entreprend de nouveaux investissements, comme une fonderie à Tulle en Corrèze. N’ayant pas les moyens colossaux de ses rivaux, Clément réussit néanmoins à dominer le marché des cycles devant Peugeot, grâce à un certain sens de l’entreprenariat et un recours novateur à l’époque pour la publicité.

Le tournant a lieu en 1890 quand il acquiert la licence de fabrication du pneu Dunlop. En devenant le représentant exclusif en France des pneus Dunlop pour cycles — et plus tard, pour automobiles —, il gagne son pari industriel et commercial qui lui rapporte une fortune. Toujours prompt à réinvestir, il achète des terrains et y implante des usines, forges et fonderies, à Mézières dans les Ardennes, puis à Levallois-Perret. Il est nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1894. La même année, il embauche un coureur cycliste, Henri Desgrange, comme directeur sportif, le futur instigateur du Tour de France.

De Gladiator à Bayard

En 1894, Clément s’associe à la marque Gladiator, représentée en France par Alexandre Darracq et commence à produire des tricycles à moteur. Une nouvelle usine sort de terre à Charleville-Mézières, qui prendra le nom de La Macérienne. En janvier 1897, deux voiturettes Clément sont construites, l’une monoplace l’autre biplace avec un moteur à 2-cyl horizontaux. Presque à la même époque, apparaît un tricycle sous la marque Clément-Bayard, tandis que Clément-Gladiator, au Pré- Saint-Gervais, prépare une série de voiturettes, équipées de moteurs monocylindriques Aster refroidis par air et avec boîte à deux vitesses. En 1900, les deux sites de Charleville et Levallois sortent 500 voiturettes. Clément est un industriel désormais important, prenant des participations dans d’autres sociétés comme Panhard-Levassor, siégeant aux côtés d’André Michelin au conseil d’administration du journal Auto-Vélo et étant promu officier de la légion d’honneur en 1904.

Mais tout n’est pas si rose. Si ses investissements en Angleterre avec Talbot débouchent sur la production de Clément-Talbot, la même opération tentée en Italie est un échec. Pis, en 1903, le partenariat avec Gladiator est rompu et Clément perd le droit d’utiliser son patronyme pour ses voitures. Il trouve vite une nouvelle inspiration, qui colle bien à son esprit d’entreprise : face à son usine de Mézières trône une statue du chevalier Bayard. Et banco : ses voitures seront désormais commercialisées sous le nom Bayard-Clément. La statue du chevalier Bayard, reproduite en figurine, devient l’emblème de sa nouvelle société. En 1909, il reçoit même le droit d’ajouter le suffixe Bayard à son patronyme. Que de chemin parcouru depuis le petit gars qui gagnait quelques sous en effectuant quelques besognes familiales !

En 1907, la gamme des automobiles Clément-Bayard va de la petite 2-cyl de 8/10 ch à la grosse 4-cyl de 60 ch. L’usine de Levallois produit 1 800 voitures au cours de l’année 1907 et le nombre des machines-outils passe de 500 à 900. En 1910, les automobiles Clément-Bayard comprennent un nouveau modèle d’avant-garde, une petite auto biplace carrossée en torpédo vendue à bas prix, mue par un beau 4-cyl de 10/12 ch avec radiateur sur le tablier, un modèle qui se veut populaire et qui va rester au catalogue du constructeur jusqu’en 1914.

La compétition, puis l’aviation

Les voitures se distinguent aussi dans des courses, avec en point d’orgue la victoire au Tour de France automobile en 1908. Mais le sport est aussi signe de tragédie, puisque Adolphe Clément perd son fils Albert en 1907 au cours du Grand Prix de France. Très affecté par ce deuil, il finira par quitter la direction de la société en 1914 qu’il confiera à son second fils Maurice. Adolphe Clément se lance aussi à cette époque dans la production d’avions monoplans et de dirigeables. Le 16 octobre 1910, le dirigeable français souple Clément-Bayard-II (78,50 m de long) est le premier à traverser la Manche, en parcourant en 6 heures le trajet de Breuil-le-Sec (Oise) à Londres (390 km), à la vitesse moyenne de 65 km/h. L’entreprise fournit ensuite l’armée française, cet engin devenant essentiel pour l’observation et le repérage des positions ennemies pendant la guerre de position.

Bayard ne se remet pas de la guerre

En juin 1914, il est arrêté dans l’Empire allemand, accusé d’espionnage et son usine de Mézières est saisie. Les temps sont durs après la guerre. La production automobile est relancée, mais les modèles de luxe et coûteux ne trouvent pas preneur. De plus, la loi d’avril 1920 sur l’impôt de guerre ruine la plupart des grandes sociétés françaises impliquées dans la haute technologie et les productions de guerre, ce qui concerne tout le secteur de l’aviation. En 1921, les comptes de la société sont au plus bas et le patron doit licencier ses ouvriers.

Adolphe Clément-Bayard cède finalement ses usines à André Citroën. En décembre 1921, Citroën qui a racheté au passage les machines-outils de Clerget-Blin et utilise abondamment les services des forges et fonderies de Gnome &Rhône (châssis) met sur le marché son type A qui connaît un grand succès. La relève est assurée. Adolphe Clément-Bayard décède en 1928 dans Paris, au volant de sa voiture.

 

Un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *