Rétro 30 ans déjà : triplé Peugeot au Mans

L’Endurance en berne

En 1993, le championnat du monde d’Endurance n’est plus, faute de concurrents, de public et de sponsors. L’idée – soutenue à dessein par le malin Ecclestone – de faire passer en 1991 le championnat du monde d’Endurance vers des courses sprint, avec des prototypes équipés de moteurs issus de la F1, a fait bondir les coûts mais fut un échec total. Jaguar, Nissan et Mazda ne sont plus là, tandis que Mercedes s’est tourné vers la F1 avec Sauber. Pour parer au plus pressé, l’ACO a édicté une nouvelle classification avec la classe C1 pour les prototypes type FIA 1991-1992, où seuls restent encore en lice Peugeot et Toyota, une classe C2 pour les voitures Groupe C de type IMSA (championnat américain) avec des brides moteurs, classe C3 pour les nouveaux prototypes ouverts de la classe WSC établie en IMSA à partir de 1993, et enfin C4 pour les GT qui font leur retour au Mans avec une armée de Porsche 911 Carrera mais aussi pas mal de Venturi 500LM.

Peugeot surmonte tous les ennuis

Après les débuts frustrants de 1991, handicapés par une pluie d’ennuis techniques, Peugeot avait triomphé en 1992. En 1993, le Lion réalise un triplé, mais la partie ne fut pas si facile que cela face à Toyota qui, à cette époque, courait encore après une victoire au Mans et avait développé une superbe TS010 qui était redoutable en vitesse de pointe et en passage en courbe.

1993 fut plutôt une course de survie, où la victoire a souri, non pas aux plus rapides, mais à ceux qui évitèrent les pépins. Le début de la course vit un duel serré entre la Peugeot n°2 de Philipe Alliot, qui avait signé la pole, et la Toyota n°36 pilotée par Irvine. Vers 19h, la 905 d’Alliot, Baldi et Jabouille a dû rentrer aux stands pour une fuite d’huile et va perdre 8 tours pour réparation.

Dans la nuit, une autre Toyota TS010, pilotée par un certain Juan Manuel Fangio II, se rapprochait de la tête, avant d’être percutée par une GT et de plonger au classement. C’est ensuite la Peugeot n°1 de Boutsen, Dalmas et Fabi qui rentrait aux stands vers 2h30 pour réparer un souci de câblage, laissant la tête à l’autre Peugeot. La Toyota d’Irvine, la plus véloce et la plus dangereuse pour les Lionnes, était à son tour retardée par des soucis électriques.

Au matin, Hélary eut son aileron arrière endommagé par des débris, perdant la tête, avant de la retrouver vers 9h quand Boutsen à son tour fut victime d’un échappement fracturé.  Irvine, quant à lui, conduisait à une vitesse fulgurante, battant le record du tour avec sa Toyota, mais des problèmes de batterie et d’embrayage entravèrent sa remontée.

Le dimanche, Jean Todt, le directeur de Peugeot Sport, décide de geler les positions. Après 24 heures d’effort, Geoff Brabham, Eric Helary et Christophe Bouchut (les deux derniers nommés disputaient leurs premières 24 Heures du Mans) allaient s’imposer devant Teo Fabi, Yannick Dalmas et Thierry Boutsen et enfin le trio Philippe Alliot, Mauro Baldi et Jean-Pierre Jabouille. Un triplé historique qui marquait la fin d’une aventure pour Peugeot, mais aussi pour Jean Todt.

Un projet F1 incertain

Peugeot concluait son cycle d’Endurance mais, en ce mois de Juin, le département compétition est dans l’expectative. Un défi sportif d’envergure est en suspens, avec une arrivée possible en Formule 1 pour 1994, mais pas sous la forme qui avait été imaginée au départ. En 1992, quand le projet F1 émergea, sous l’égide là encore de Jean Todt et de Jean-Pierre Jabouille, l’idée était d’arriver avec une voiture et un moteur, pour un projet 100% constructeur Peugeot. C’est pour cela qu’à cette époque, Todt avait opposé un veto catégorique à l’éventualité de fournir des V10 Peugeot à McLaren. Ron Dennis était intéressé, car Honda allait partir et le V10 Renault lui semblait inaccessible, le patron anglais ayant même tout tenté pour racheter Ligier et mettre la main sur le moteur de Viry-Châtillon.

Des sponsors de poids avaient été attirés par l’idée d’une écurie Peugeot, sauf que Todt se heurta aux réticences du directoire Peugeot, surtout du grand patron Jacques Calvet, peu friand de Formule 1 et jugeant les dépenses nécessaires bien trop élevées. Finalement, en avril 1993, alors que le projet 100% Peugeot était enterré, Jean Todt officialisait son départ de Peugeot Sport, avec qui il a triomphé en rallye, en rallye-raid et en Endurance, pour rejoindre la Scuderia Ferrari.

Jean Todt en rouge

Quelques jours seulement après le triomphe du Mans, Luca di Montezemolo, le grand patron de FIAT, le nomme directeur de la Scuderia Ferrari. A charge pour lui de relever le cheval cabré qui enchaîne les déboires depuis trois saisons et de remettre de l’ordre dans l’organigramme.

L’arrivée de Todt suscite quelques réactions tièdes en Italie, où une certaine presse transalpine chauvine regrette de voir Ferrari tomber sous la coupe des étrangers. John Barnard, qui est revenu en 1993 après un premier passage à la fin des années 80, a la haute main sur le département technique et dessine la future monoplace dans ses ateliers anglais à travers le bureau Ferrari Design and Development. Le jeudi 1er juillet, à Magny-Cours, Todt officie pour la première fois en tant que nouveau directeur de la Scuderia et  affronte sa première conférence de presse. Tout en veillant à établir un fonctionnement clair au sein de la Scuderia, qui a toujours la propension à se diviser en factions et en clans, il vise aussi à s’attirer les faveurs des journalistes italiens, dont il connaît le poids et la pression, en leur répondant en italien après avoir assimilé la langue en quelques mois. Les journalistes transalpins qui lui ont déjà trouvé un surnom en référence à son autorité et à sa petite taille : le petit Napoléon.

Du côté de Peugeot, Jacques Calvet donnera finalement son feu vert à l’arrivée de Peugeot en F1, comme motoriste. Le partenariat sera conclu avec McLaren en octobre pour la saison 1994. Si l’aventure du Lion en F1 tourna rapidement à la déconfiture, Jean Todt, en arrivant chez Ferrari posait la première pierre de la future dream team qui allait dominer la F1 au début des années 2000.

(2 commentaires)

  1. La 905 était une F1 carénée. Les vitesses de passage en courbe était impressionnantes. Elle a marqué cette époque incertaine où l’ACO a dû se battre pour que les 24h et l’Endurance survivent.

  2. Beaux souvenirs d’avoir vu sur le banc d’essai PSA de Velizy villacoublay dans le cadre de mon métier de dessinateur (début de Carriere) de salle blanche pour voir les essais du moteur.
    Cela nous changeait des milieux nucléaires industriels habituels.
    Mais surtout pour avoir assisté à leurs courses sur le toit des stands de la piste Alain Prost et la nuit au virage d’Arnage … Ambiance surréaliste où débouchait la 905 de la forêt … Comme un dragon fantastique !
    Époque merveilleuse !

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