Bis repetita ?
En 1991, François Delecour, alias « freine tard », avait survolé les débats sur sa Ford Sierra, avant de connaître un terrible coup du sort dans la dernière spéciale qui était entrée dans l’histoire : la Ford arrivait avec la roue avant gauche sur la jante, au ralenti. Une rotule de suspension avait lâché, des minutes entières s’étaient envolées et Delecour, relégué en 3e position, à la fois incrédule et hors de lui, avait hurlé au point stop « j’ai pas tapé », « j’ai perdu une roue ! Mais putain mais c’est pas vrai… » Une défaite peut être belle parfois, mais toujours cruelle.
Deux ans plus tard, beaucoup de choses ont changé. Didier Auriol et Juha Kankkunen sont passés chez Toyota, Carlos Sainz fait le chemin inverse et rejoint l’italien Aghini au volant d’une Lancia Delta en fin de carrière tandis que l’allemand Armin Schwarz devient pilote Mitsubishi aux côtés d’Eriksson. François Delecour et Miki Biasion, quant à eux, restent fidèles à Ford où l’Escort remplace la Sierra. Très vite, le match du Monte-Carlo 1993 oppose encore une fois Delecour et Auriol, Miki Biasion étant le seul à pouvoir se mêler à leur lutte. Le rallye est bien plus sec que d’habitude et marqué par une affluence énorme des spectateurs sur les routes, qui donne au Monte-Carlo des airs de rallye d’Argentine de la grande époque.
Delecour vole…
Le Turini ouvre les hostilités, avec un premier rebondissement qui voit la Celica d’Auriol rallier le premier point stop de l’année avec une roue arrachée et 1min12 de perdue. Le revêtement glissant des Clues de Saint-Auban voit Delecour atomiser la concurrence alors que Auriol de Toyota lâche encore 37sec sur crevaison… Le rallye est-il déjà plié ? A l’issue de la 2ème étape, François Delecour possède désormais 1min30 d’avance sur les deux italiens Aghini et Biasion, plus de 2min sur le pilote Toyota, même si les Ford ont donné des signes de fatigue au niveau du moteur. Le leader reste cependant confiant, estimant que à la régulière, Auriol aura bien du mal à aller le chercher.
Puis Auriol survole !
Auriol est à l’attaque et Delecour assure, concedant néanmoins des petits paquets de secondes ça et là. Après le passage du col de Bleine, le pilote Ford compte encore 1’11 sur le pilote Toyota. Le final nocturne commence bien pour Delecour, qui signe le scratch dans le 2ème passage du Turini et porte son avance à 1.09 sur Biasion et 1.16 su Auriol puis, une nouvelle fois, tout s’emballe. Au Col de la Couillole, il perd 25″ sur Auriol puis encore 31″ à Entrevaux, alors que le pilote Toyota est déchaîné. Delecour n’a plus que 20 secondes de marge. Les lacets du Bleine se transforment alors en tournant historique de cette 61ème édition. Auriol y pulvérise son propre record de 31sec (!) Delecour est relégué à 22 secondes, Sainz à 34s, son équipier Kankkunen à 1.08 ! …Revenu de nulle part, Auriol et sa Toyota occupent désormais la tête du rallye, pour 2 secondes.
Un final qui prêta à polémique
Des rumeurs circulent déjà, on parle d’un carburant illégal pour la Celica. Pourtant, d’autres voitures se montrent en forme, comme Sainz sur la vieillissante Lancia Delta. Alors, qu’arrive-t-il à Delecour ? Impuissant, il termine finalement à 15 secondes d’Auriol au général. Dépité, il suppute une faille mécanique sur sa suspension mais se voit coller aussi l’étiquette de « looser » ou de « Poulidor » du rallye. La polémique s’enflamme quand il déclare à la presse « j’ai été battu plus par une voiture que par un pilote » puis persiste et signe en mettant clairement en doute le gain de performance soudain de la Toyota sur la dernière étape. Il n’y aura pas de réclamation, mais quand Toyota sera exclue en 1995 après l’affaire des turbos truqués, certains rappelèrent l’épisode du Monte-Carlo 93. Delecour fera taire ses détracteurs en réalisant une superbe saison 93, ponctuée de 3 victoires (Portugal, Corse, Catalogne) et d’un titre de vice-champion du monde, qui se serait sans doute transformé en titre de champion sans sa sortie au San Remo alors qu’il était largement en tête.
Une vidéo qui sent bon la nostalgie :