Imola, c’est d’abord un circuit qui porte le nom d’Enzo et de Dino Ferrari, un circuit situé en Emilie-Romagne, non loin diu fief de Modène, un circuit où, plus encore qu’à Monza, la marée rouge des tifosis lui procure une ambiance unique au monde.
1980 : Monza cède sa place
Le temple de la vitesse ayant dû engager d’importants travaux de sécurisation après le drame de 1978 et la mort de Ronnie Peterson, le circuit d’Imola, jusque là hôte d’une course de F2 mais aussi d’un GP de F1 hors championnat en 1979, accueille le grand prix d’Italie. Evoluant dans un sens anti-horaire, le tracé est salué pour son compromis entre vitesse et courbes techniques, à l’exception de la chicane d’Acque Minerali, dessinée par Gilles Villeneuve et Jean-Piette Jabouille, qui ne remporte pas l’adhésion. Nelson Piquet gagne cette épreuve décisive dans l’obtention de son premier titre.
1982 : la course de la discorde
Monza ayant récupéré le grand prix d’Italie, Imola est désormais le théâtre du Grand prix de San Marin, la petite République près de Rimini servant seulement de prête nom pour des questions de droits et à des fins commerciales.L’édition 1982 survient dans un contexte politico-sportif tendu et sera le théâtre de la passe d’armes entre Gilles Villeneuve et Didier Pironi pour la victoire, dans des circonstances polémiques. La suite de la saison sera bien tragique pour la Scuderia. On en a parlé ici.
1983 : Patrick Tambay venge Gilles.
Un an après la mort de Gilles Villeneuve, le grand prix 1983 se déroule dans une atmosphère chargée d’émotion. Recruté par Enzo Ferrarien 1982 après la mort du canadien dont il était un ami proche, Patrick Tambay est performant avec Ferrari. Il avait déjà gagné le grand prix d’Allemagne 82 marqué par l’accident de Didier Pironi. A Imola, la pression des tifosis est forte et Tambay peut lire des banderoles où on l’exhorte à « venger Gilles ». Bien placé, il profite de l’abandon de Patrèse en fin de course pour l’emporter. Tombant en panne d’essance dans le tour d’honneur, Tambay est submergé par une horde de tifosis en extase qui l’acclament comme le Messie. Face à l’enthousiasme débordant et même irrationnel des fans, il faut l’intervention de la sécurité pour éviter aussi qu’il ne se fasse dépouiller de ses équipements !
1989 : Berger le miraculé, la guerre Senna-Prost éclate
L’ancien tracé d’Imola était réputé pour sa dangerosité, notamment au niveau de la fameuse courbe de Tamburello qui se prenait à fond, avec comme seule sécurité une petite zone de dégagement et un mur en béton. En 1989, Gerhard Berger, probablement victime d’une casse d’aileron sur sa Ferrari, tire tout droit et s’écrase à plus de 280 Km/h dans le virage. Berger perd connaissance et la voiture, pulvérisée, s’embrase mais, heureusement, les secours interviennent très vite. Cet accident fera d’ailleurs évoluer la sécurité passive des monoplaces, notamment par rapport au positionnement des réservoirs d’essence. La course, effectuée en deux manches, est également marquée par la polémique du départ entre Ayrton Senna et Alain Prost, qui fait éclater ouvertement les hostilités entre les deux pilotes. On en avait parlé ici.
Tamburello est à l’époque le théâtre de très gros accidents, comme ceux de Piquet en 1987 et celui de Michele Alboreto en 1992 (qui ressemble étrangement à celui de Senna en plus impressionant encore), mais, à cause d’une rivière passant juste derrière le mur en béton, le virage n’est pas modifié. Jusqu’en 1994…
1991 : l’humiliation de Ferrari
Après une saison 1990 prometteuse, la Scuderia est attendue au tournant pour jouer le titre en 1991 mais la monoplace est ratée. L’ambiance au sein de la Scuderia devient délétère, Prost étant en conflit ouvert avec le directeur sportif Cesare Fiorio mais aussi avec la presse italienne qui l’a pris en grippe. A Imola, le tour de formation du grand prix se déroule sur une piste détrempée. Prost part en aquaplaning à l’approche de Rivazza, part en toupie dans l’herbe et doit abandonner, avant même le départ ! Ferrari ne compte plus que sur sa jeune recrue Jean Alesi mais le jeune avignonnais, encore impétueux, rate une manoeuvre de dépassement à Tosa sur Stefano Modena au 3e tour et termine dans les protections de pneus…
1994 : le pire cauchemar de l’Histoire.
Imola restera à jamais gravé dans les mémoires pour le funeste weekend du 1er mai 1994. Nous en avions longuement parlé ici . Deux morts, dont l’icone de toute une nation, trois autres graves accidents, des images sordides en direct, la polémique du show à tout prix…La F1 connut la pire crise de son histoire et ne fut jamais la même, engageant après cette tragédie une profonde mutation sécuritaire.
2003 : Schumacher dans la douleur
Après un début de saison difficile, Ferrari reprend sa marche victorieuse. Michael Schumacher signe la pole le samedi, devant son frère Ralf. Mais les deux hommes vivent en privé un moment tragique. Victime d’une chute la semaine précédente, leur mère est dans le coma et souffre d’une grave hémorragie interne. La veille de la course, Michael et Ralf pse rendent à son chevet devant une situation de plus en plus désespérée. Quelques heures après leur départ, elle s’éteint.
Avec un brassard noir à leur bras, les deux frères prennent le départ dans une ambiance forcément lourde. Ralf mène la course jusqu’aux premiers arrêts aux stands puis Michael Schumacher prend l’ascendant et s’impose. Schumacher, sur le podium, les yeux emplis de larmes lors des hymnes, reçoit son trophée dans une ambiance triste et respectueuse. Le champagne ne coulera pas et l’Allemand, comme son frère, sera excusé des obligations d’après-course.
2005 : un duel d’anthologie
Cette année-là, Ferrari a perdu de sa superbe à cause en grande partie de la nouvelle règlementation du pneu unique en course qui a pénalisé son manufacturier Bridgestone. Au contraire, c’est l’éclosion du tandem Alonso-Renault, qui devient le nouveau favori pour le titre. A Imola, les circonstances de course mettent directement en affrontement l’espagnol et l’Allemand. Alonso se retrouve en tête après l’abandon de Raikkonen mais il doit composer avec un moteur Renault en bout de vie, tandis que Schumacher, disposant d’un bloc tout neuf, peut attaquer à outrance.
A 13 tours du but, le Kaiser a fondu sur Alonso et décide de l’attaquer immédiatement. Mais jusqu’au drapeau à damier, Alonso, telle une forteresse assiégée, va resister à tous les assauts. Schumacher le harcèle dans quasiment chaque virage, varie les angles d’attaques et les trajectoires, mettant une pression énorme sur le pilote Renault qui, ce jour là, entre vraiment dans l’Histoire de la F1. A malin, malin et demi. Les pneus d’Alonso souffrent, mais il use de tous les stratagèmes, freinant un peu plus tôt dans certaines courbes pour bénéficier d’une meilleure traction en sortie, ou ralentissant dans les virages lents, pour contenir les assauts du Kaiser. Un duel de toute beauté, que le DRS aurait sans doute gaché s’il avait existé. A bon entendeur…
Images : Ferrari, Renault