J’ai mal à mon Alfa
Au début des années 90, on ne peut pas dire que les Alfistes soient très enthousiastes. En proie à des difficultés financières chroniques depuis les années 70, aggravées par le manque d’investissement de l’état italien et le crash industriel du projet Arna, Alfa Romeo n’est plus que l’ombre d’elle-même, bien que certains modèles comme la GTV6 et la 75 aient continué de cultiver le « mythe » et d’entretenir la flamme. Toutefois, Alfa n’a pas les moyens d’innover, et a recours à des solutions techniques viellissantes qui ont fait passé le constructeur milanais maître dans l’art de faire du neuf avec du vieux. La mode « cubiste » du constructeur a décontenancé les amoureux des galbes à l’ancienne, tandis que la fiabilité s’est détériorée, avec des finitions spartiates et des problèmes de corrosion des carrosseries restés fameux, générant une mauvaise réputation dont Alfa Romeo aura bien du mal à se détacher.
Pis, en 1987, Alfa Romeo est rachetée par FIAT et les Alfistes semblent n’avoir plus que leurs yeux pour pleurer, voyant leur bijou sacrifié sur l’autel de la rentabilité : Alfa Romeo et Lancia fusionnent dans une même entité, tandis que la 164, qui partage beaucoup d’organes, dont le châssis, avec la Fiat Croma, la Lancia Thema et la Saab 9000, abandonne la propulsion et pêche par un comportement pataud. Remplaçante de la 75, la 155 présentée en 1992 refroidit également les Alfistes. Dotée d’une ligne anguleuse certes sportive mais très clivante, elle abandonne l’architecture typique Transaxle (moteur longitudinal et propulsion, boite de vitesse à l’arrière, essieu rigide) au profit de la traction avant et reprend, sacrilège, le châssis de la Fiat Tipo. Malgré sa réussite fulgurante en compétition, notamment dans le DTM, la sauce de la 155 ne prend pas et confirme le désamour entre les tifosis et leur marque fétiche, dont la philosophie et le charme qui avaient fait sa gloire semblent s’être évanouis face aux impératifs modernes de la rentabilité.
Coup de maître
La 156 sonne le gong du renouveau d’Alfa Romeo, ravivant le désir afin de se rabibocher avec des alfistes malmenés. Quand elle est présentée au salon de Francfort 1997, l’enthousiasme est total. Après plus de 15 ans marqués par un design anguleux et trop rationalisé, la 156 renoue avec le charme raffiné des sixties. Le mérite en revient au designer Walter de Silva, qui est arrivé au sein du Centro Stile Alfa Romeo en 1986 et qui a supervisé le projet 156. Celui qui plus tard fera le bonheur de Seat et d’Audi au début du XXIème siècle propose ici une ligne d’une grande fluidité, à la fois douce et élancée, sportive et élégante. Les biseaux taillés à la serpe de la 155 laissent place à des lignes tendues et des courbes qui mélangent avec harmonie la classe et le dynamisme. Chef d’oeuvre !
On retrouve des galbes agréables à l’oeil, quelques détails néo-retros comme les poignées de portes en aluminium, un calandre expressive qui revient à la forme « trilobo » articulée autour du Scudetto en triangle repoussant la plaque d’immatriculation sur le côté, mais aussi quelques astuces de design à la fois aérodynamiques et esthétiques, comme les poignées de porte arrière qui se dissimulent dans le montant de la portière. Une astuce qui ajoute à la fluidité de l’ensemble et que l’on retrouvera par exemple sur la Giulietta de 2009. Le dessin fait aussi des clins d’oeil au passé, comme les minces fentes près du blason qui évoquent la glorieuse 8C Monza des années trente.
A l’intérieur aussi, la patte De Silva se voit avec le retour des rondeurs – des compteurs et des cadrans de console centrale circulaires du plus bel effet – et une instrumentation tournée vers le conducteur, même si la finition n’est pas au niveau des standards germaniques et que l’espace de rangement et l’ergonomie ne sont pas non plus son fort, comme souvent sur les Alfa Romeo d’ailleurs.
Diesel innovant et apothéose du V6
La plate-forme est une évolution en profondeur de celle de la Tipo, que la 156 partage avec la Lancia Lybra ainsi que la Fiat Bravo. Sans rien révolutionner, la maniabilité est développée avec une philosophie plutôt sportive et offre un comportement efficace, grâce à un schéma de suspension permettant une grande stabilité. La direction est très directe et réduit le sous-virage. Si l’adhérence et la stabilité en bénéficient, il n’en est pas de même du diamètre de braquage minimum, qui est décidément grand et donc inconfortable à manœuvrer, surtout en ville.
Côté motorisations, la 156 fut d’abord proposée avec un moteur 1.6 Twin Spark de 110 et 120 ch, un 1.8 TS de 144 ch, un 2.0 TS de 155 ch (avec une boite Selespeed en option dès 1999) et le fameux V6 Arese (du nom de l’usine près de Milan, aujourd’hui disparue) ou « Busso » placé en position transversale de 2.5 (190 chevaux). Côté diesel, l’Alfa Romeo 156 marque son époque en étant la première voiture de série au monde équipée d’un diesel à injection directe à rampe commune (technologie dite du Common rail), qui améliore les peformances, réduit la consommation et les émissions en rapprochant son agrément des blocs essence. Le brevet est dû à Fiat-Elasis et Magneti-Marelli mais, pour des questions financières, il est ensuite vendu à Bosch qui en fera bénéficier bien d’autres constructeurs.
En 2000, la 156 est déclinée dans une version break SW à la ligne très réussie (pourquoi la Giulia n’en a pas eu !!!) et surtout, en 2002, le Biscione nous gratifie de la résurrection du blason GTA avec une 156 très musclée dotée de la version ultime du légendaire V6 litres « Busso » de 250 chevaux. Sa cylindrée est passée à 3.2 litres grâce à une augmentation de la course, et ses vocalises entrent définitivement au panthéon de la mécanique automobile. Un baroud d’honneur à cette époque, alors que le dowsizing puis l’électrification à marche forcée n’ont pas encore condamné à la disparition ce plaisir mécanique.
Pour les puristes, la 75 était la dernière « vraie Alfa », mais cette 156 GTA, malgré sa traction avant, tient aussi une place particulière dans leur mémoire grâce aux performances de cette diva mécanique. En effet, la production de la 156 cesse en 2005, en même temps que celle du V6 Busso « Arese ». Ironie du sort, l’ingénieur Giuseppe Busso, concepteur de génie de ce moteur inoubliable, décède trois jours après la fabrication du dernier V6 portant son nom. Victime des normes antipollution, il cédera sa place à un V6 d’origine Holden bien moins noble sur les 159 et Brera, un nouveau sacrilège pour les Alfistes.
Au total, à l’issue des 3 séries produites jusqu’en 2005, plus de 670.000 Alfa Romeo 156 sont sorties des chaînes. 90000 exemplaires trouvent preneur sur les 4 premiers mois ! Elle fut élue voiture de l’année 1998.
Bête de course
La 156 Superturismo a brillamment pris la relève de la 155 en compétition. De 1998 à 2004, elle a remporté deux championnats d’Italie et surtout 4 championnats d’Europe face au grand rival BMW, dont trois remportés en 2000, 2001 et 2002 par Fabrizio Giovanardi. Elle n’aura pas de descendance, la 159 n’ayant pas de programme sportif. Même si la Giulietta a connu, sur le tard, une petite carrière en TCR, la 156 Super2000 est donc la dernière grande berline de course d’Alfa Romeo (on oublie pudiquement la « fausse » Giulia engagée en PURE ETCR…)
sources :
Alfa Romeo, ETAI, édition Prestige, Serge Bellu
site officiel Alfa Romeo « Heritage »
Wikipedia
Ce n’est pas avec la Fiat Croma, et non la Tempra, que la 164 partage son châssis et plusieurs organes?? 😉
en effet, corrigé
Sans certitude , je crois que c’est la fiat croma qui a exploité en premier le bloc injection directe . Pour le coup , bosch a fait une affaire en or .
D’après ce que j’avais pu lire, la Croma TDid l’a étrenné dès 1988 mais il y a eu beaucoup de soucis. Le succès et la fiabilité sont venus avec la 156.
Le TDid est bien une injection directe, mais sans la rampe commune
Le common rail, c’était avec la 156
Auto remarquable, et pourtant pas immense pour autant… Comme quoi l’on savait faire super bien sur 4,43 m de longueur.
Avec une belle ligne et une image premium.
La très belle 159 avait gâché un peu les qualités des dimensions et de poids contrôlés.
j’avais failli craquer pour une 156 SW Phase 2 à l’avant à la 159… Elle était magnifique !
Sympatoche
🙂
C’était une époque ou les constructeurs faisaient des vrais voitures, un régal.
Correction : le V6 Busso ne s’est pas arrêté avec la 156 en 2005 mais avec la GT, vers 2008 ou 2009.
Sinon, pour moi la berline Alfa ultime ce serait la ligne et la planche de bord de la 159, le chassis de la Giulia et le moteur de la 156 !
J’ai roulé il y a longtemps dans une 156 break avec le 2.5. Meme s’il n’a pas la hargne, ni la puissance du 3.2, c’est déjà hyper choquant d’avoir un si beu bruit sur un break assez discret : assurément un futur collector.
Remuer le couteau dans la plaie. Maintenant c’est Tonale SUV hybride avec 130 ch. Alfa comme Jaguar, Lancia, Chrysler sont voués à disparaître comme SAAB. Tout le monde ne pourra pas faire la transition des berlines et coupés qui ont fait leur légende aux SUV… Surtout que avec la revolution electrique, les nouvelles marques n’ont pas besoin d’un historique pour se vendre. Stellantis ferait mieux de se concentrer sur Jeep et JLR sur Land Rover. Je ne comprends pas cet acharnement thérapeutique.
c’est une belle marque qui fait de belles voitures, ça vaut le coup d’essayer de la sauver
une voiture magnifique. Comme quoi c’est pas faire de belles voitures qui fait vendre (CF toyota par exemple, meme si ça s’est amélioré)
Tesla par exemple
Pour aimer et avoir possédé de nombreuses Alfa propulsion jadis, je vois beaucoup de de numéro 156 sur les routes; J’en déduis qu’elle a bonne réputation et doit être accessible en seconde main.
ben c’était quand même mieux avant (surtout pour ALFA)
Nostalgie des Alfa uniquement en traction ? @MOTÖRHEAD 😉
ALFA en général, mais propulsion c’est mieux, mais la 156 ne démérite pas et c’est peut-être la dernière bonne ALFA après est venu mister Marchionne qui a coulé ALFA (et LANCIA) bref des gens qui n’aiment pas les bagnoles mais que le pognon, ne devraient pas s’occuper de l’industrie automobile.
J’ai beaucoup de mal à trouver la Giulia comme une mauvaise voiture… Son principal défaut : son prix, pour le reste, je pardonne.
Et je ne suis pas tout à fait convaincu que « c’était mieux avant »… Les sympatriques MiTo et Giulietta n’avaient pas que des qualités.
Le Tonale, même moyennement convaincant, ne constitue pas une régression, bien qu’il ne bénéficie pas de la Synergie de Stellantis… C’est 90 % un produit de l’ex-FCA.
Merci pour cet article (vu mon pseudo vous avez deviné qu’il me touche ).
Peut-être manque t il une allusion à la version crosswagon Q4 qui était aussi une excellente initiative restée malheureusement sans descendance
Oh que oui ! J’en ai eu un acheté neuf en 2007 que je regrette encore d’avoir vendu 10 ans après. j’adore cette caisse. Par contre, malheureusement le seul choix était le 1.9 JTD 150, pas très excitant même s’il faisait bien son boulot. Je pense souvent à en racheter une pour la remettre à neuf, je suis encore allé en voir une à Perpignan en janvier. Mais ce JTD me fait hésiter…
J’attendais la 159 Crosswagon, en développement en 2008/2009 et dont il y avait eu un spyshot, mais Marchionne a dit stop… :/
C’est marrant, à l’époque (encore marqués par les horreurs des années 80) on trouvait cette calandre très grande. aujourd’hui, elle ferait minable ^^
Paradoxalement, même si je trouvais la 156 magnifique, je n’ai jamais aimé la calandre : trop haute, trop enfoncée… au contraire, celle de la 147 (phase I) était superbe.
C’est pour cela que le, « c’était mieux avant » … Mouais… il faut le dire vite ! 😉
Qui se rappelle des 75 et 90…
La 156 GTA est un sommet accessible, les prix sont encore bas, on en trouve à 15.000€.
Si je n’avais pas une gti dans mon garage, j’aurais un V6 Arese, dont les vocalises rivalisent sans contestation avec plus prestigieux et plus cher. Même une M3 E36 ne chante pas aussi bien !
Pas tellement d’accord avec toi, le restylage était juste dégueulasse. Intérieur et extérieur selon moi. Mais quel plaisir à emmener cette 156. Même si fallait être un peu savant pour faire des créneaux facile avec son angle de braquage disons… Rigolo.
Les restylages intérieur et extérieur n’ont rien à voir. La phase 2 arrive début 2002 avec le « nouvel intérieur » (en fait juste la console centrale de changée en gros, le reste étant un travail de garnitures) mais l’extérieur ne change en rien hors rétros et baguettes av/ar peintes couleur carrosserie.
Le restylage que tu qualifies de dégueulasse, c’est la phase 3, qui arrive mi-2003, avec nouvelle face avant et faux arrière… et strictement aucun changement à l’intérieur.
Je préfère aussi les phases 1 & 2, mais sans trouver pour autant la phase 3 dégueulasse. Par contre, pour en avoir eu 3, dont 2 avec l’intérieur phase 2 & 3, je peux te dire que, sans atteindre des sommets, c’était quand même plus costaud. Le faux bois de la console centrale et les rossignols de la phase 1 c’était moyen…
Petite rectification, la 156 ne termine sa carrière en 2005 qu’en berline. Les Sportwagon et Crosswagon continuent jusqu’en 2006.
Ayant acheté un Crosswagon Q4 en févrierr 2007 tout beau tout neuf sorti d’usine, je suis sur de moi… 😉
Oui oui, Wiki confirme !
2007 pas de 2006. Décidément, si même le clavier s’y met.