F1 : Sir Frank Williams (1942-2021) le plus titré des garagistes

Francis Owen Garbett Williams, alias Frank (sans ‘c’) Williams, est né en avril 1942 dans la ville portuaire de South Shields, au nord-est de l’Angleterre, d’une mère institutrice et d’un père militaire dans la Royale Air Force. Le sport automobile, le jeune Frank Williams l’aborde d’abord en tant que pilote. Comme beaucoup de Britanniques à la même époque, il participe à des courses locales. Il s’y fait de nombreux amis dont Piers Courage, un conscrit dont le talent semble plus prometteur que le sien.

A peine 5 ans après s’être lancé en sport auto, Williams raccroche les gants pour devenir manager. Il fonde Frank Williams Racing Cars Limited en 1966. L’écurie ne fabrique pas ses voitures de course mais « opère » des Brabham de Formule 2 ou Formule 3. Ses pilotes et amis, ce sont certains grands noms de la course comme Jochen Rindt (qui était déjà en F1), Carlos Reuteman (qu’il fera courir en F1 des années plus tard), ou plus cocasse, Max Mosley (qui sera plus tard le patron de March Engineering, puis de la FIA).

Des débuts chaotiques en F1

En 1969, trois années seulement après s’être lancé, l’écurie Frank Williams Racing Cars passe en F1, toujours avec une Brabham (V8 Ford) et Piers Courage au volant. Cette première saison en F1 se passe plutôt bien avec 2 podiums et une 8e place au général. Ces résultats inattendus pour une petite structure attirent l’attention. Pour la saison 1970, Alejandro de Tomaso propose à Frank Williams d’engager un châssis de Tomaso conçu par Giampaolo Dallara et de conserver le moteur V8 Ford-Cosworth. C’est une catastrophe, le châssis est trop lourd, la voiture trop lente, et pas du tout fiable. Mais, surtout, Piers Courage se tue au Grand Prix des Pays-Bas à Zandvoort. De Tomaso a fourni un châssis magnésium pour être plus léger. Mais ce métal s’embrase facilement et les incendies sont impossibles à éteindre. Cela signera la fin de la collaboration avec de Tomaso.

Pour 1971, le châssis sera une March, de son ancien pilote Mosley, qui sera aligné avec Henri Pescarolo. Pesca ne marque des points qu’à deux reprises et termine 17e du championnat. En 1972, l’écurie aligne deux voitures sur pratiquement toutes les manches. Surtout, 1972 est la saison durant laquelle Frank Williams décide de devenir constructeur à part entière. Il lance la Politoys FX3, mais les résultats sont catastrophiques et les finances exsangues. Williams se transforme alors en VRP, comme à l’époque de la Formule 2 en allant à la pêche aux sponsors et aux pilotes payants (déjà). Ce ne sont pas moins de 9 pilotes qui se succèderont au volant de la FX3, Howden Ganley étant le seul titulaire toute la saison. L’écurie ne marque que deux petits points, dernière des écuries faisant toute la saison.

1974 ne sera pas mieux. Il faut attendre 1975 et Jacques Laffite 2d au Nürburgring (6 points) pour que les résultats soit à peine mieux, de façon comptable. C’est très passager puisqu’en 1976, associé à Walter Wolf (pétrolier Canadien) ce sera la bulle ! Au cours de la saison, Williams perd le contrôle de son écurie et la quitte en 1977, avec Patrick Head, un des employés.

1977 : Star Wars, et Williams Grand Prix Engineering font leur début

Williams et Head fondent une toute nouvelle écurie : Williams Grand Prix Engineering. L’écurie repart en F1, en utilisant des châssis externes, un March et une seule voiture pour cette nouvelle saison. Le Belge « Patrick Marie Ghislain Pierre Simon Stanislas Nève de Mévergnies » alias Patrick Nève, reste à la postérité pour avoir été le premier pilote de cette prestigieuse écurie. Mais il ne marque pas de point.

En 1978, l’écurie devient constructeur officiel et lance la FW06. Alan Jones montre déjà tout son talent et marque à 3 reprises, ce qui permet à l’écurie, malgré une seule voiture engagée, d’être 9e (sur 20) juste derrière McLaren. 1979 voit Clay Regazzoni rejoindre Jones et Williams développe une FW07 à effet de sol. Dès son introduction en cours de saison, elle est rapide et même rapidement victorieuse à Silverstone, avec Regazzoni à son volant. Jones gagnera 4 fois et l’écurie termine 2e, derrière la grande Scuderia Ferrari. Dans le même temps, Walter Wolf doit revendre son écurie à Fitipaldi. Frank Williams tient sans doute une première revanche.

En 1980, la Williams FW07B permet à l’écurie de coiffer les deux couronnes mondiales ! Alan Jones domine la saison et est champion, l’écurie avec Reutemann en plus (3e du championnat) explose le championnat avec 120 points, contre 66 au dauphine, Ligier.

1980-2003 : les années fastes

En 1981, l’écurie garde son titre, mais Jones comme Reutemann sont battus par Piquet. Pour Reutemann, cela se joue à 1 point et deux dernières courses sans point. La machine Williams est lancée et connaîtra, avec des hauts et des bas, 20 saisons au plus haut niveau. 9 titres constructeurs en 24 saisons, 7 titres pilotes avec 7 pilotes différents.

Si sportivement tout sourit à Frank Williams et Patrick Head, la vie du patron d’écurie est marquée par un accident de la route, près de Nice en France. Alors qu’il conduisait pour se rendre à l’aéroport de Nice depuis le circuit Paul Ricard du Castellet, Frank Williams perd le contrôle de sa voiture de location et subit une fracture entre la 4e et la 5e vertèbre cervicale, ce qui le laissera lourdement paralysé.

Pour beaucoup de passionnés de Formule 1, Sir Frank Williams (il sera anobli par la Reine Elisabeth II d’Angleterre le 1er janvier 1999) c’est cette silhouette en fauteuil roulant. C’est aussi un dirigeant d’écurie à la poigne de fer qui n’hésite pas à virer (ne pas reconduire) un pilote s’il le faut, même un champion du monde.

En 1994, la saison, le monde, est marquée par le décès de Ratzenberger et du dieu vivant Senna à Imola lors du 3e Grand Prix de la saison. Cela restera un poids pour Sir Frank Williams et l’écurie sera accusée d’avoir causé la mort du Brésilien. Cela n’empêche pas sportivement l’écurie de remporter un nouveau titre constructeur, tandis que Damon Hill se faisait voler le titre à Adélaïde, par Michael Schumacher.

La descente au fond du classement, puis la vente

Le retrait de Renault qui laisse le soin à Mecachrome, puis Supertech d’assembler son V10 en 1998 et 1999, pénalise Williams dont les résultats baissent peu à peu (aucune victoire sur ces deux saisons). Williams réussit à convaincre BMW de les motoriser et l’écurie reprend des couleurs. Ce sera à cette époque que la fameuse FW26 sera lancé, avec son avant dessiné par Antonia Terzi décédée récemment.

Malgré BMW, l’écurie sombre peu à peu et ne subsiste que par quelques coups d’éclats. Le talent de Juan-Pablo Montoya n’y fera rien, l’écurie descend peu à peu dans les classements de la Formule 1. Entre la dernière victoire, avec Montoya au Brésil en 2004, et la victoire suivante, il se passe 8 ans. Ce dernier coup d’éclat, c’est la victoire improbable de Pastor Maldonado en 2012 en Espagne.

Les fans de F1 y croiront un peu quand l’écurie choisit le bon cheval avec Mercedes pour débuter la période hybride 1600 turbo. En 2014 et 2015, Williams Grand Prix est 3e du championnat et l’espoir renait de voir cette écurie historique revenir au tout premier plan.

Hélas, en 2017, suite à la retraite surprise de Rosberg, Williams consent à céder Bottas à Mercedes moyennant de gros sous. Le ver est dans le fruit et l’écurie court après l’argent malgré des bilans à l’équilibre. Les budgets ont explosés et Williams, qui a un temps participé à cette inflation dans les années 90/2000, ne peut plus suivre.

Seul l’improbable et ridicule Grand Prix de Belgique 2021 donnera le sourire à l’équipe. Mais, l’écurie a été vendue entre temps à la fin 2020. Sir Frank et sa fille Claire Williams ont tout liquidé, l’écurie, mais aussi la collection, ainsi que la société d’ingénierie.

Le plus prestigieux des « Garagistes »

Avec le décès de Sir Frank Williams CBE, se tourne définitivement la page des « garagistes » en Formule 1. C’est d’ailleurs, outre le dernier, le plus titré des garagistes avec, on le rappelle, 9 titres constructeurs, et 7 titres pilotes.

S’il avait quitté le monde de la F1, Sir Frank Williams y restait, et y restera sans doute encore longtemps au travers de l’écurie qui porte toujours son nom depuis 1977, et les dénominations des monoplaces qui restent FWXX avec FW pour Frank Williams, suivi du numéro de châssis.

Nulle doute que le weekend prochain un vibrant hommage lui sera rendu, par tout le monde de la F1.

La vie de Frank Williams était intimement liée à celle de sa femme, Lady Virginia Berry. Elle fut son soutien durant des années suite à son accident. Virginia décèdera en 2013 à l’âge de 66 ans d’un cancer. Depuis 2013, jusqu’à cette année, les Williams de Formule 1 portaient le logo de Ginny Williams.

Illustration : Williams Grand Prix, modifiée par leblogauto.com

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