Antonia Terzi (1971-2021) : célèbre à cause d’un morse

Antonia Terzi est née à Mirandola, en banlieue de Modène. Ses parents Giusy et Mario vivent à San Felice sul Panaro, à quelques kilomètres. Elle suit les traces de son père et devient Ingénieur. Elle décroche une maîtrise en ingénierie des matériaux à l’Université de Modène, puis un doctorat en ingénierie, centré sur l’aérodynamique, à l’Université d’Exeter au Royaume Uni.

Modène oblige, elle débute sa carrière en Formule 1 chez Ferrari, bien sûr, à la fin des années 90. C’est une « petite main » de l’aérodynamique, mais elle se fait remarquer au côté de Rory Byrne. Patrick Head, cofondateur de l’écurie Williams avec Frank Williams, va alors la recruter pour la saison 2002, en remplacement de Geoff Willis parti chez BAR-Honda à la demande de Craig Pollock.

Elle devient l’aérodynamicienne en chef et est la première femme à accéder à ce poste tellement important dans la Formule 1 moderne. Si elle n’influe que peu sur la FW24, elle va la faire énormément évoluer pour la saison 2003 sous la dénomination FW25. Associée au V10 BMW P83-5, la FW25 signe 4 victoires, deux pour Montoya, deux pour Schumacher (Ralf). L’équipe est encore flamboyante et termine 2de du championnat, 2 points devant McLaren et 14 derrière Ferrari qui remporte le championnat avec Schumacher (Michael).

Une idée géniale, mais aux conséquences imprévues

Pour la FW26, Antonia Terzi a une idée radicale. Il faut dire que BMW le motoriste, demande des victoires et des titres. Pour faire face à Ferrari, il n’y a pas 36 solutions, il faut innover comme souvent en Formule 1.

Cette innovation ne va pas passer inaperçue puisque Terzi pousse à fond le concept de museau à deux quilles. Les deux quilles tiennent l’aileron avant mais gênent le passage de l’air dans les soubassements. Son idée est alors de mettre le museau le plus haut possible, tout en le raccourcissant et d’espacer les montants le plus possible. Très vite, son style lui vaut le sobriquet de « morse ».

Le résultat est audacieux, dérangeant visuellement, mais finalement guère plus que les ailerons qui fleurissent partout sur les carrosseries à cette époque. Cela suscite l’intérêt des autres écuries qui se demandent si Williams a mis le doigt sur « un truc ». Sauf que ce que l’on demande à une voiture de course, une monoplace de F1 en l’occurrence, c’est d’être rapide et de gagner. Or, si le flux d’air est bien optimisé, une conséquence non anticipée survient : le museau est trop lourd et gène la conduite de la FW26. Impensable que l’écurie ne l’a pas vu avant la piste.

Désignée seule responsable, et sacrifiée

Pour autant, le début de saison est correct. 4 et 5e en Australie pour Montoya et Schumacher. Juan-Pablo fera même un podium en Malaisie derrière l’intouchable Ferrari F2004 et « Schumi ». Mais ce sont deux résultats qui cachent la forêt. En effet la Williams sombre dans le classement, et il faut le talent de JP Montoya pour surnager.

Terzi doit revoir sa copie, mais en F1 cela ne se fait pas en un claquement de doigt. Surtout que tout l’avant conditionne l’aérodynamique entière de la voiture. Pour la toute deuxième moitié de la saison 2004, la FW26 est entièrement revue et perd son museau morse. Les résultats se font pas attendre. Schumacher signe une seconde place en Chine derrière son frère, et Montoya gagne le dernier Grand-Prix de la saison au Brésil.

Antonia Terzi n’est sans doute pas seule responsable du fiasco de la saison. Mais c’est elle qui servira de fusible. Première femme aérodynamicienne a un tel poste, elle ne retrouve pas de poste en Formule 1 et préfère tourner la page. Elle devient alors assistante d’un Professeur à la « Technische Universiteit Delft » (Pays-Bas) où elle travaille notamment sur le Superbus.

Elle prendra ensuite la tête du département aérodynamique de Bentley de 2014 à 2019 avant de repartir vers l’Université. Cette fois, en Australie à Cambera. Antonia Terzi est décédée à 50 ans dans un accident automobile sur une autoroute anglaise selon italy24news.

Illustration : 1-Rick Dikerman, 2-Williams F1

(9 commentaires)

  1. Ce qui est étonnant, c’est qu’après 2009 les museaux hauts sont devenus la norme. Je me demande si c’est uniquement dû au changement de règlement ou si des progrès techniques ont aidé les quelques désavantages de cette architecture. Aussi, petite coquille, la FW25 était la voiture de 2003, pas 2005.

    1. Coquille corrigée. Merci du signalement.

      La F1 a appris à maîtriser le carbone de mieux en mieux.
      Cela a permis de faire des museaux hauts tout en faisant des attaches d’aileron solides et rigides.
      Et en passant le crash-test de plus en plus sévère.
      C’est un tout qui va avec des pontons de plus en plus travaillés.

      Perso j’admire le travail des aéro (les barge boards qui sont des peignes de carbone, etc.), mais je trouve que les monoplaces de Barnard chez Ferrari avec leurs nez en bas sont plus chouettes…
      Plus belle que la FW14 de la même époque, un poil plus que les McLaren, etc.

      1. Deuxième coquille, ce « nez » était inspiré non pas du morse mais de l’aérodynamisme (du moins de l’écoulement des fluides) de la raie Manta… Rien à voir avec le morse …

        1. @Arno : en fait il n’y a qu’en France ou presque que la voiture fut appelée « raie manta ». Un peu partout dans le monde on l’a appelée « walrus », alias le morse.
          On l’a aussi appelé le « tusk nose » (le nez défense).

          Pour vous convaincre (ou pas) cherchez « FW26 stingray », puis « FW26 walrus » et regardez en termes de résultats 🙂
          https://www.formula1.com/en/latest/features/2016/2/surprises-from-car-launches-unveilings.html

          1. @ Thibaut. Merci pour cette précision, mais si l’on devait prendre pour argent comptant tout ce que disent ces journalistes … Il suffit juste d’un peu de jugeote et de regarder ce fameux nez et de le comparer avec un morse et une raie Manta. Je pense qu’elle beaucoup plus inspirée de l’aérodynamisme de la raie Manta que du morse. Même si le résultat n’était pas à la hauteur des attentes. Mais bon, je n’ai pas la science infuse des ses journalistes qui ont écris ça ..

    2. Les museaux haut sont antérieurs à 2009, si je ne dis pas de bêtises, elles ont commencé à se généraliser au début des années 2000 (bien que certaines monoplaces l’avaient déjà avant). D’ailleurs, c’est Tyrrell qui l’avait introduite en F1 avec la 019 d’Alesi et Nakajima (Satoru, le père), c’était en 1990.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Tyrrell_019

    1. Oui, les deux surnoms étaient en vogue.
      Le sobriquet de raie manta fut surtout dans la partie francophone tandis que le walrus/morse fut plus international.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *