Le lancement de la première Facel Véga en juillet 1954 est un aboutissement pour Jean Daninos. Alors âgé de 47 ans, l’ingénieur travaille depuis 25 ans dans l’industrie automobile et aéronautique. Il est passé chez Citroën, chez Moralne-Saunier et à beaucoup œuvré auprès de sous-traitants. Directeur technique chez l’un d’eux, Bronzavia, il participe à la création d’une nouvelle filiale, la société des Forges et Ateliers de Constructions d’Eure-et-Loir.
Jean Daninos en prend la direction en 1948 et recentre l’activité de l’entreprise autour de la carrosserie automobile. Une sous-traitance de luxe, qui se consacre aux petites séries de grands constructeurs. Ainsi les Simca Sport ou la Ford Comète sont habillées à Colombes, chez Facel.
Coupe 2+2 et V8 Chrysler
La Bentley Cresta et l’unique Cresta II de 1951 trahissent la volonté du sous-traitant de monter en gamme et de s’émanciper. Alors que Delage, Delahaye ou Hotchkiss agonisent, Jean Daninos est convaincu qu’un luxueux coupé 2+2 à sa place. Il lance son projet dès 1952. Son frère, l’écrivain Pierre Daninos, suggère d’accoler une des étoiles les plus brillantes, Véga, au nom de Facel.
Sous le capot, ce sont des V8 Chrysler qui prendront place. Mais les boîtes manuelles seront signées Pont-à-Mousson. Les premiers coupés 2+2 sont commercialisés au début de l’année 1955.
Le modèle évolue vite. La maturité arrive dès 1958 et la HK500. La puissance dépasse largement les 350cv, la vitesse maxi s’élève au-delà de 230 km/h. Toutes les options sont permises, de la direction assistée aux vitres teintées en passant par l’air conditionné. Raffinés et puissants, ces coupés vont séduire les stars et les têtes couronnées du monde entier.
De Picasso à Stirling Moss en passant par Ava Gardner, Franck Sinatra ou Ringo Star, la liste des propriétaires à des allures de bottin mondain. Une opulente berline voit le jour, l’Excellence, qui ne rencontrera qu’un succès d’estime.
Facellia, un échec coûteux
Jean Daninos veut passer à la vitesse supérieure dès 1959 avec la Facellia. La petite Facel, promise à un avenir brillant, voit le jour trop vite. C’est un échec coûteux, la faute à son moteur double arbre Pont-à-Mousson développé en toute hâte. Elle plonge l’entreprise dans une grave crise. L’arrivée de La Facellia F2, reconnaissable à ses optiques Megalux revue par le moteur moderne où officient Charles Deutsch et Jean Bertin veut faire oublier la Facellia.
Les difficultés masquent l’apparition de la sublime Facel II, le coupé 2+2 à son firmament. Les finances sont exsangues et l’entreprise est placée en liquidation en juillet 1962.
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Une nouvelle gérance prend place sous l’égide de la Sferma (Société Française d’Entretien et de Réparation de Matériel Aéronautique). Cette filiale de Sud Aviation, société nationalisée qui fabrique la Caravelle, offre des garanties pour l’avenir. La Facel III née en avril 1963 avec son rassurant moteur Volvo offre, elle, des garanties côté mécanique.
Mais, après le départ de la présidence de Jean Daninos, de nouveaux nuages s’accumulent sur les Forges et Ateliers de Construction d’Eure et Loir. Les nouveaux actionnaires, puis le repreneur n’y croient pas…
Facel 6, la dernière chance
La dernière Facel, la 6 voit le jour en mai 1964. Le 6 cylindres Healey n’est pas le 4 arbres à cames en tête dessiné par Harry Mundy, mais la nouvelle venue a tout d’une 280SL à la française. Les réjouissances seront de courte durée… L’Etat ne renouvelle pas le contrat de la Sferma en septembre 1964 et c’en est fini de Facel.
L’aventure se termine cyniquement en 1964 par une présence au salon de l’automobile…où les prises de commandes sont interdites! Il est vrai que pour Sud Aviation les priorités sont ailleurs. Dès l’année suivante un grand projet européen de bus aérien de 300 places commence à prendre forme : Airbus.
Photos Club Facel et archives de l’auteur
Le luxe est impitoyable, ils ont des défauts de moteur et l’image en a pati, cela ne pardonne pas dans ce milieu.
Du coup pas de marque de luxe français
Un peu de géographie (et de culture), s-v-p. :
Le département d »Eure-et-Loire » (sic) n’existe pas ! Il s’agit du département d’Eure-et-Loir (sans « e » car ce n’est pas la Loire qui passe en Eure-et-Loir (département 28) mais la rivière « Le Loir » qui passe à Dreux, ville dans laquelle était l’usine Facel.
L’Etat (De Gaule) ne supportait pas que le haut de gamme français puisse être motorisé par les américains.
Le moteur pont-à-mousson, qui certes visait à une proposition française, n’a jamais eu la fiabilité attendue, celle qu’a proposée trop tard le bloc de la P1800.
La prise de contrôle imposée de la Sferma (donc l’état) n’a conduit qu’à liquider la société : décider (à l’époque, et dans la situation de Fecal Vega) de faire de changement de moteur à la moindre réclamation, etc., c’était un véritable sabordage.
Un sabordage même pas dissimulé comme l’indiquait l’interdiction des prises de commandes au salon de la disparition de Facel Vega.
Facel Vega n’aurait peut-être pas connu la carrière d’un Porsche ou d’un Ferrari, en tout cas l’Etat (et De Gaule) a fait tout ce qu’il fallait pour que ça ne le soit pas !
Un très beau livre documenté (parmi d’autres) issu de l’amicale Facel Vega (voir dans la liste (pdf), disponible aussi à la Fnac ou autre :
http://www.facel-vega.asso.fr/boutique.html
Je regardai hier un épisode de la série Les petits Meurtres d’Agatha Christie, et je me demandai quelle était la marque du coupé conduit par le héros. Réponse ce matin sur le blog auto.
La dernière marque de luxe auto française.
Déjà il y a 60 ans on n’avait plus de moteur français en ligne avec ce niveau de luxe.
Notre industrie luxe est morte avec la 2nde guerre mondiale, on s’est spécialisé dans la voiture populaire avec succès.
Quand je lis à longueur de posts que la France ne fait plus de gros moteurs et que c’était mieux avant, il faut quand même sacrément remonter loin pour trouver du gros moulin français. Le PRV fût le dernier, et pas une réussite…
la facellia/ facel 3, surement le plus beau et élégant coupé
La HK2 étant pour moi l’aboutissement de la marque, dommage de la résumer en une ligne dans l’article 😉
Je me souviens il y’a quelques années avoir été irrité par la déclaration de Jean Daninos au sujet des voitures françaises contemporaines(de l’époque)…c’était notamment à l’époque du coupé Peugeot 406(pour lui c’était de la m…e, peut-être ??) 🙄
Belle voiture certainement mais châssis dépassé même à l’époque elle sera fatale à Albert Camus malheureusement