30 ans déjà : Alpine A610, la GT arrivée trop tard

Crépuscule du GT à la française

La GTA avait entretenu l’espoir tricolore de rivaliser avec les sportives germaniques en plein essor. En dépit de ses défauts (finition sommaire, comportement délicat du train avant, moteurs vieillissants), la GTA avait pour elle un look agressif, un excellent aérodynamisme et du caractère. En 1990, la GTA Le Mans avait essayé de relancer les ventes mais, pour se conformer à la règlementation antipollution, son V6 était passé de 200 à 185 chevaux, contrairement à la R25 V6 Turbo qui voyait sa puissance passer de 182 à 205 ch. Ce n’était cependant pas le même bloc, mais des raisons budgétaires – et marketing – avaient poussé Renault à privilégier la R25 dont la production bien plus importante pouvait absorber les coûts de mise à niveau et d’homologation. Néanmoins, symboliquement, le mal était fait et le traitement infligé à la GTA avait révulsé les fans d’Alpine.

Améliorations à tous les étages

L’A610 dévoilée en 1991 avait donc une double lourde tâche : remettre en selle Alpine sur le marché des sportives premium en réhaussant les prestations, tout en renouant avec la « fanbase » Alpine passablement échaudée par les déconvenues de la GTA. Il faut dire aussi que l’A110 était devenu un tel mythe que toutes les héritières se heurtèrent à un mur.

Le budget n’étant pas illimité (Renault panse encore les plaies de ses finances alarmantes et du fiasco AMC), les ingénieurs ne repartent totalement d’une feuille blanche. C’est assez simple, l’A610 reprend le bon de la GTA et améliore le reste. On retrouve un châssis poutre efficace et rigide dont la répartition de poids est corrigée pour remettre du grip sur le train avant. Le train avant et la gémétrie des suspensions ont été retravaillés, les jantes passent au16″ et sont chaussées de Michelin MXX développés spécifiquement pour l’Alpine.

L’aérodynamisme, avec son excellent Cx de 0.30, est conservé. Si la partie arrière change peu, la face avant se dote de boucliers enveloppants et de phares escamotables (étudiés à l’origine pour la GTA USA mort-née) qui lui donnent un aspect plus statutaire et plus typé « GT ». La finition est revue à la hausse, et même s’elle n’atteint pas, loin s’en faut, les standards de Porsche, elle offre une belle sellerie (cuir optionnel), de meilleurs assemblages et un très bon équipement de base (ABS, ordinateur de bord, vitres électriques, autoradio Pioneer, etc.) qui comptent ainsi faire passer la pilule d’un tarif nettement en hausse (395000 francs) alors que la GTA pouvait miser sur un tarif très agressif. En somme, la 610 est une vraie GT haut de gamme, ce que la 310 et la GTA n’avaient pas réussi à incarner malgré les choix marketing orientés en ce sens par Renault.

Du côté de la motorisation, on veut effacer l’affront de la GTA Le Mans « dégonflée »  avec la version Z7X-744 du V6 PRV qui passe à 3 litres de cylindrée et développe 250 chevaux à 5750 tr/mn avec 35,7 mkg de couple, soit 50 chevaux et 5,7 mkg de plus que la GTA V6 Turbo non dépolluée. Quelques pièces bénéficient d’une optimisation, tandis que le turbo Garret T3 souffle à près de 0,8 bar et dispose d’un plus gros échangeur air/air. L’Alpine A610 peut ainsi atteindre 265 km/h, abattre le 0 à 100 km/h en moins de 7″ et le kilomètre départ arrêté en 24″9. De quoi réellement taquiner la Porsche 911 et la Ferrari 348, excusez du peu.

Question d’image et de stratégie

Malheureusement, cette A610 arrive sans doute trop tard. La hausse des prix, motivée par la montée en gamme, la rend finalement moins attractive face aux références germaniques et italiennes. La stratégie hasardeuse de Renault n’a pas aidé, tout comme le manque d’image de la marque, qui souffre d’une absence de programme sportif d’envergure, alors que Renault revient triomphalement en F1 avec le V10 et lance la même année avec succès la Clio 16S en rallye. Depuis 1978 et le succès au Mans, plus grand chose pour Alpine qui a vu Renault Sport phagocyter son territoire et doit se contenter de coupes monomarques, ce qui est bien insuffisant dans un segment où le marketing est directement lié à la compétition. Qui plus est, le désamour avec les aficionados français, entamé dès l’A310 et cristallisé autour de la polémique GTA Le Mans, est désormais consommé. Peut-être faut-il y voir aussi un climat français qui commençait à être moins favorable à la voiture sportive, contrairement à l’Angleterre et à l’Allemagne où, paraoxalement, elle s’est mieux vendue ?

Après une première année de commercialisation frôlant les 500 ventes, on tombe à 219 en 1992 (oublions le bide monumental de la série spéciale Albertville 92 vendue à 2 exemplaires) puis seuement quelques dizaines. Une A610 Evolution avec voies élargies et moteur porté à 280 chevaux est à l’étude puis abandonnée. En 1995, Renault arrête les frais, signant par la même occasion la mort de la marque, qui attendra plus de 20 ans pour renaître.

S’il fallait tirer deux leçons de l’histoire de l’A610, ce serait de ne pas faire de produit « au rabais » dans ce segment visant une clientèle exigeante, et de ne pas traîner pour lancer des produits offensifs. Alpine a le mérite aujourd’hui de bénéficier d’une stratégie sportive d’envergure (F1, Endurance, Rallye) qui peut consolider son image, surtout à l’étranger. Il faut que les produits suivent. C’est tout le mal que l’on souhaite à la nouvelle « task force » mise aux commandes du A flêché ! Images : wikipedia, pinterest

(37 commentaires)

  1. Une excellente GT mais qui souffrait d’un poids élevé pour une Alpine (1,4t) et aussi d’un tarif qui la plaçait en concurrence directe avec la Porsche 944 Turbo.

    Pour couronner le tout, elle devait affronter la Venturi 260 puis 300 Atlantique qui offraient plus de puissance et d’exclusivité pour des tarifs comparables.

      1. L’Alpine V6 Turbo sortait 200 ch au début de sa carrière fin 1985 et sans pot cata
        Les premières MVS Venturi étaient sorties en 200 ch vu que c’était rigoureusement le même ensemble moteur/boite.
        Ensuite ils ont poussé un peu la pression de turbo pour sortir 221 ch sans rien changer par ailleurs.
        Mais le Berex avait des règles de validation à respecter pour s’assurer de la fiabilité de la boite UN1. Venturi non Rire

        Ensuite ils ont sorti la version 260 ch avec le V6 en 2.8L (au lieu de 2.5 dans la R25 et l’Alpine V6 Turbo) mais toujours la même boite non renforcée
        Boite qu’on a retrouvé d’ailleurs dans toutes les versions de la Lotus Esprit avec le même problème de fiabilité quand on s’amuse à dépasser les 320 Nm de couple, ou 350 Nm en version renforcée A610 Sifflote
        Une Lotus Esprit V8 Turbo, c’est 400 Nm

        Cette fameuse boite UN1 pour montage du moteur en longi, sorties pour les transmissions sur les 2 côtés de la boite, on la retrouve dans toutes les R25 V6 bien sur vu qu’il n’y avait que ça de dispo dans la banque d’organe Européenne en boite manuelle pour ce type d’archi.
        La seule alternative supportant plus de couple étant de la boite de course non synchronisée, boite qu’on retrouvait d’ailleurs dans les Venturi 400 Trophy et GT. 520 Nm et plus, ça commençait à faire beaucoup pour la pauvre UN1

      2. Ça n’a pas emmené Venturi automobile beaucoup plus loin. Je n’arrive pas à savoir s’ils existent encore, d’ailleurs, ou s’ils vendent encore quelque chose.

        1. Venturi ont cessé la fabrication de véhicule grand public pour ne consacrer plus qu’aux concepts à la Formula E

  2. Face à une Ferrari 348, une Venturi 260 à son apogée et une NSX qui devient la référence des Super Cars dès son arrivée, l’Alpine faisait toc à côté surtout le design de l’intérieur et le tout à l’arrière l’a pas aidé non plus.
    Bref c’était peine perdu d’avance.

      1. Un bide peut-être pour la NSX en France mais pas du tout en Europe (Suisse, Luxembourg, Belgique, Allemagne, etc…) elle a cartonné.

  3. J’ai pu approcher nombre de GTA et de A610 lors d’un rassemblement alpine au début des années 90, et les véhicules ayant plus de 25 000 kms avaient systématiquement des « criques » dans le cadre de portière à hauteur de l’angle toit/montant de pare-brise… Leurs propriétaires « roulaient fort », mais je n’ai jamais vu cela sur une 911/924/928/944/968… A côté, les Venturi donnaient une impression de rigidité extrême (mais je n’ai pas vu de Venturi fortement kilométrées)

  4. Pour la petite histoire, la R25 Baccara 205 Ch a été conçue et mise au point au Berex à Dieppe.

    Les Alpine de l’époque comme les R25 V6 Turbo sortaient 185 ch suite à la catalysation. Renault a débloqué un budget pour développer la R25 V6 Turbo Baccara avec son V6 poussé à 205 ch mais n’a jamais débloqué le budget pour l’Alpine V6 Turbo.

  5. Y’a un côté Nissan 300 ZX Z32 si bien que quand Renault rachète Nissan et que la Z est redessinée avec des feux plus carrés, je soupçonne les transfuges de chez Renault d’avoir mis un peu de l’Alpine A310 dans les lignes de la 350Z en 2003. Le 240Z Concept Car de 1999 avait une frimousse plus ronde.

  6. A tout points de vu esthétiquement l’A610 est magnifique c’est dommage non pas Alpine mais bien Renault a tuer Alpine au détriment de nissan z350 alors que l’A610 était beaucoup mais alors beaucoup plus belle

    1. La 350z est sortie en 2003. l’Alpine est sortie en 1991. Et l’alliance Renault-Nissan date de 1999.

      Je doute que la 350z soit la raison de l’abandon de l’A610 en 1995.

  7. Donc, dans les années 90, ils avaient les modèles mais pas le programme sportif. Dans les années fin 2020, ils ont le programme sportif mais pas les modèles. Voilà

  8. Mais les concepts, ils vendent ça à qui ? Je n’arrive plus à comprendre ce qu’ils produisent et vendent. Comment font ils rentrer de l’argent dans les caisses ?

    1. Ils vendent leur expertise dans le domaine de la mobilité Electrique. Comme n’importe qu’elle boîte d’experts consultants

      1. @rowhider
        Ils vivent aussi de subventions, pour leurs développements de leur prototypes électriques.
        S’associant avec des universités américaines pour leur dragster entre autre. Expédition polaire, moteur roue etc…

        Je crois qu’ils avaient repris le SAV des anciennes automobiles Venturi. Et préparent une moto. Mais j’ai l’impression qu’il s’agit, toujours de projets prétextes à des levées de fonds auprès d’investisseurs et d’institutions. Et qu’il s’agit surtout de faire tourner éternellement une usine à gaz.

        Le dernier turc un peu concret c’était le berlingo électrique de la Poste.

    1. Non,. Alpine à la base c’est la légèreté. D’ailleurs on voit l’échec des Alpine Renault façon GT.

      Hors la Nissan GTR que j’aime beaucoup est un pachiderme.

      En plus c’est plutôt un mamouth préhistorique qu’un éléphanteau tout nouveau tout beau. Une base Ultra technique en 2007 permettant une grosse efficacité à « pas cher  » mais aujourd’hui en 2021? Et surtout demain en 2025 après la fin de son développement?

      Quitte à faire lourdingue, Alpine a plus de chance avec un Suv électrique qu’en reprenant la base de la gtr. Si cela permet de financer de la berlinette.

      Où même un cabriolet, ce qui n’est pas du tout Alpine non plus.

      1. elle a déjà épuisé sa cible. Ventes totalement anémiques passé le boom du lancement.
        Désolé.
        y’avait un bel effort, mais les recettes de l’echec de la précédente sont toutes là.

        1. L’actuelle A110 est un total succès par rapport à la capacité d’absorption du vivier de clients !
          Même Porsche serait aux 1/10 de la taille actuelle s’ils n’avaient pas sorti leurs berlines et surtout leurs SUV.
          L’avenir, se fera avec les termes : PHEV, VE, SUV … Même Ferrari en fera un jour (certainement en dernier) que cela plaise ou pas !

  9. Une superbe coupe gt sport les alpine a610 une des rares belles autos francaises

    C’est dommage le prix des voitures anciennes youngtimer ou collection sont au plus haut alors que le marché de l’occasion devrait etre moins cher que le neuf….

    Il y a 10 ans encore on pouvait trouver des vrais bolides sportif accessibles exemple des m3 aux alentours de 10000 euros et moins maintenant difficile den trouver sous les 20000 alors j’imagine pas la cote de cette tres rare alpine a 610 quand l’occasion rouillé est plus cher que du neuf…. c’est pour empecher le peuple (hormis les tres riches) d’acheter ces vrais voitures bavantes meme anciennes et forcer le peuple dacheter leurs micro cars petite cylindree ou leurs merdes hybride électriques telle la citroen ami etc…..

  10. pas assez large, pas assez beau (de loin), pas assez de finition, pas assez puissant (tu ne peux pas vendre un truc sportif qui d’emblée affiche « j’ai moins que l’autre » sur sa tronche), c’est d’ailleurs le mal de la nouvelle.

    La nouvelle a fonctionné, ok, auprès des initiés.

    le segment GT c’est un truc basique : faut que ça claque, faut que ça dise que c’est aussi ou plus que l’autre. Pas juste que tel ou tel pilote va prendre du plaisir sur circuit parce que ceci ou cela dans les courbes… ça c’est pour la niche de la niche dans le coin de la niche. Ok, faut pas qu’elle se ridiculise et tienne son rang, mais c’est tout. Y’a les versions « speciales » pour les exigeants.

    là tout est « pas assez » « presque de quoi taquiner » y’a marqué en énorme sur le coté « on y est presque ! » mais sans dec : regardez là, c’était écrit dessus que ça n’avait aucune chance.

    J’étais gamin quand les alpines ont enchaîné les bides et je me disais déjà tout ça à l’époque. Des « look alike » de sportive. La france qui perd.
    incompréhensibles que des dirigeants aient pu commettre ça.

    Le seul qui aurait pu, qui était dans une démarche claire c’était venturi, y’avait pas les moyens mais la démarche était claire, dommage qu’ils ait engloutis leur thune dans des projets parrallèles, mais la démarche bagnole n’était pas en cause. Ils ont même visé trop haut en attaquant ferrari, c’était Porsche qu’il fallait dégommer, ils étaient plus puissants.

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