VE : Les supercondensateurs tiennent-ils leur revanche ?

Les condensateurs sont partout dans notre monde moderne. Pratiquement la moindre carte électronique en contient au moins un, de très faible capacité électrique (le ratio entre charge et tension, en farad ou F). Pour les véhicules électriques, on parle de « supercondensateur », car ils ont une capacité électrique bien plus importante (nécessaire pour pouvoir mouvoir un véhicule de plus d’une tonne) que les µF généralement rencontrés en électronique.

Ces supercondensateurs (ou supercondos, supercapacitor, ultracapacitor, etc.) ont un énorme intérêt : on peut les charger « instantanément » (ou quasiment) tandis que leur décharge peut être lente. Cette asymétrie entre charge et décharge les rend intéressants pour un VE. Si on imagine un supercondo dans un VE, on pourrait imaginer des recharges en quelques secondes.

Et côté cycle, on dépasse généralement les 10 000. C’est-à-dire que l’on peut les charger et décharger 10 000 fois avant une perte significative de capacité électrique. Et souvent, cette dernière ne dépasse pas les 10%. Les meilleures batteries lithium-ion commercialisées ont un nombre de cycles d’environ 1500 avant une perte de capacité de 25%.

Une densité médiocre à améliorer

Alors, c’est la panacée le supercondo ? Eh bien…non. Le principal souci du condensateur est sa densité énergétique. On compte généralement entre 10 et 15 Wh/kg. Une batterie li-ion dernière génération sera entre 200 et 250 Wh/kg. On considère les batteries comme lourdes, alors imaginez avec des condensateurs !

Evidemment, les chercheurs tentent d’améliorer cette densité par différents moyens. Les pistes suivies sont souvent proches de celles utilisées pour les batteries lithium-ion. Dans une étude nommée « Covalent Graphene‐MOF Hybrids for High‐Performance Asymmetric Supercapacitors », des scientifiques de différentes universités (Inde, Allemagne, République Tchèque, Australie, etc.) ont publié leurs avancées.

En utilisant ce que l’on appelle des structures de matériaux hybrides (ici métal-organique ou MOF), appliquées sur du graphène (1), ces chercheurs sont parvenus à augmenter significativement la capacité des condensateurs par rapport à ceux basés uniquement sur une cathode en graphène.

Vive le graphène et les MXenes…

De plus, pour l’anode, ils utilisent du « Ti3C2TX MXene » alias un MXene de carbure de titane (2). La combinaisons de ces nouveaux matériaux en couche leur a permis d’atteindre une densité de 73 Wh/kg. En termes de perte de capacité, ces supercondos se retrouvent à 88% de capacité après 10 000 cycles.

73 Wh/kg, c’est entre les NiCd (nickel cadmium) et les NiMh (nickel métal hydrure). Concernant la densité de puissance, ce condensateur est à 16 kW/kg. Pour comparaison, une pile li-ion est à quelques centaines de watts par kilogrammes (40 à 50 fois moins). On aurait donc ici un candidat prometteur pour diverses applications, dont les véhicules électriques.

Oui mais, n’allons pas trop vite en besogne. Déjà, 73 Wh/kg, c’est toujours moins qu’une Lithium-ion actuelle, 3 à 4 fois moins. Mais, c’est déjà largement mieux qu’avant. Ensuite, on en est encore au stade du laboratoire. Sortir un tel condensateur en production ne se ferait sans doute pas avant des années. Années que mettront à profit les constructeurs de piles li-ion pour, eux aussi, avancer dans leurs chimies et ainsi améliorer la densité énergétique et la possibilité de charger fortement et rapidement ces nouvelles générations de batteries.

Déjà dans certains véhicules électriques

Alors ? Bon à jeter ce nouveau supercondo ? Non, pas forcément. En effet, il aura d’autres applications que la voiture, des applications où le poids n’est pas forcément un frein. Pour l’automobile électrique, une solution hybride pourrait être envisagée. Une batterie li-ion couplée à un supercondensateur. Le supercondo servirait alors de réservoir instantané. Mais, cette solution donnerait soit un véhicule plus lourd, soit avec moins d’autonomie, avec une partie récupérable en quelques secondes via la charge du condensateur.

Surtout, depuis des années, on nous promet que le graphène et d’autres techniques vont doper les condensateurs pour remplacer les batteries lithium-ion. Pour le moment…on ne voit rien arriver de concret.

Bref, on est encore loin d’avoir un VE à supercondensateurs. Enfin, pas tout à fait. En effet, un VE de série a possédé des condensateurs…la Bolloré BlueCar. En effet, la batterie LMP (lithium métal polymère) de la voiture bretonne n’est pas capable de récupérer « beaucoup » d’énergie au freinage par exemple. Un supercondensateur permet alors de récupérer une forte puissance instantanément. Puis, il se décharge lentement dans la batterie.

En course, Toyota a utilisé un supercondensateur dans les prototypes Le Mans TS030 et TS040. Depuis 2016 et le passage au prototype TS050, Toyota utilise un système de batterie lithium. La nouvelle Toyota Hypercar GR010 ne déroge pas à cette règle et utilise elle-aussi une batterie lithium ion haute puissance.

Pour ceux qui voudraient lire l’étude dans son ensemble, c’est par ici.

Notes

(1) Le graphène est une couche d’atomes de carbone agencés sous forme de graphite (en hexagone). C’est une sorte de « feuille 2D de graphite.

(2) Les MXenes sont eux aussi des matériaux 2D mais composés de carbures, nitrures, carbonitrures de différents métaux. Ces feuilles de molécules possèdent comme le graphène des propriétés chimiques et électriques permettant de doper certaines réactions.

Illustration : Skeleton Technologies (CC BY 4.0)

(16 commentaires)

  1. l’utilité des supercondo, pour le moment, c’est d’encaisser une forte puissance en un temps très bref, genre freinage, PUIS de restituer, de réutiliser dans la foulée cette énergie pour réaccélérer le véhicule. C’est son usage principal, dans la très grande majorité des cas

    le mode « encaisser toute l’énergie du freinage, puis transférer plus lentement vers la batterie », c’est dans de très rares cas seulement, genre descendre par une route en zigzag (il y a beaucoup d’énergie au freinage, mais faible besoin pour faire réaccélérer la voiture)

    https://cdn.radiofrance.fr/s3/cruiser-production/2018/07/2fef61f5-41b3-40ec-8f61-19afeff4dd17/870x489_000_dv2089360.jpg

    1. Ce que je comprend, l’utilité est directement lié au poids et au prix de cette « batterie »

      Moins lourde, on pourrait envisager de la mettre dans des voitures bourgeoise (chère)

      Moins chère, on peu envisager de le mettre dans tous les bus ou véhicules lourds pour récupérer l’énergie au freinage, ou recharger à chaque arrêt un petit coup (les bus). Les bus électrique coutent déjà beaucoup beaucoup plus chère que les thermiques.

  2. Les supercondo, actuellement, ce serait très utile dans les bus urbain. Une « petite » batterie principale, associée avec un gros condo, et des mini-recharges à chaque arrêt

  3. Rien de bien neuf. Dans le diagramme de Ragone, les supercapas sont situées dans la zone ‘puissance’, alors que les batteries sont situées du côté ‘énergie’. Les premiers peuvent être chargés / déchargés très rapidement, ont une résistance interne très faible (donc très peu de pertes) et un nombre de cycle quasi illimité, au prix d’une densité massique d’énergie assez modeste, alors que les secondes c’est globalement l’inverse. Et c’est parfaitement compréhensible sur le plan de la physique lorsque l’on a compris que les supercapas fonctionnement sur le principe du stockage de charge électrostatiques, alors que les batteries reposent sur des réactions chimiques d’oxydoréduction et donc sur le déplacement d’ions lourds entre les électrodes. Bien sûr on trouve des intermédiaires – des batteries optimisées pour des charges / décharges rapides, et des supercapas avec des densités d’énergie au niveau de celles de batteries médiocres type NiCd; dans cette dernière catégorie j’ai mis en oeuvre il y a quelques années des objets hybrides assez singuliers, des supercapas dopées au lithium d’origine japonaise, un peu perturbantes en ce sens qu’elles ne supportaient pas d’être totalement déchargées ou mises en court-circuit sous peine de destruction… comme une cellule Li-ion ! L’autre avantage des supercapas c’est qu’elles sont plus simples à mettre en oeuvre que les natures Li-ion: elles sont intrinsèquement plus robustes, supportent un nombre quasi illimité de cycle, supportent mieux les court-circuits, ne risquent pas l’emballement thermique et ne créent pas des feux incontrôlables comme les Li-ion. Le BMS est aussi plus simple. Pour autant, la densité d’énergie reste assez faible – autour de 40-70 Wh/kg, un peu plus de la moitié une fois packagé (avec système de gestion thermique, BMS et enveloppe méca). C’est très insuffisant pour de la traction pure. Les domaines d’utilisation privilégiés resteront celles où l’intérêt est de fournir et stocker rapidement et de manière répétitive une quantité d’énergie modérée – récupération d’énergie dans un ascenseur, le bras d’une pelleteuse…- ou l’hybridation d’un organe de stockage typé ‘énergie’ à dynamique ‘lente’ pour limiter son cyclage ou augmenter la bande passante globale du système, comme une batterie Li-ion (certains véhicules routiers lourds ou blindés a gros moteur diesel utilisés en régions froides mettent en oeuvre des batteries de démarrage hybridées avec des supercapas pour limiter le pic de courant de démarrage), ou une pile à combustible (amélioration des performances transitoires de la PàC intrinsèquement limitées par la vitesse de diffusion de l’H2).

  4. Aricle très intéressant, merci. Justement, je me demandais s’il y a avait des suites à cette technologie utilisée par Toyota en course, qui ne semblait pas mauvaise sur le papier, du moins en compétition, car les supercondos ne gardent pas l’énergie très longtemps. Une association condos/ petite batterie pour un véhicule hybride semble pas mal pour un néophyte comme moi, à condition que le condo puisse garder le rythme lorsqu’il restitue l’énergie. De plus ça pourrait pallier le problème d’une batterie vidée la veille par le trajet, pour repartir le lendemain avec un rab d’énergie dès le départ, même par temps froid. Mais je dois vivre dans un monde idéal ^^

    1. akouel

      entre la batterie vidée la veille, et le départ au lendemain matin, il y a….toute une nuit, pendant laquelle tu peux recharger tranquillement cette batterie

      1. tu as raison Wizz, j’aurais sans doute dû être plus précis, car je parlais bien d’hybride non rechargeable, mais comme cela a été dit, peut être est ce une question de poids qui fait que cette solution n’est pas retenue ?

  5. Dans l’empirique, on essaie tout, prend enseignement. Nous vivons sur cette planète une époque charnière. On fait. Et je vois déjà du progrès. un type comme moi regarde les propulsions électriques. Il y a encore 5 ans, je n’y croyais pas. On voit des 2 roues, des bâteaux, camions même…

  6. Heuliez sur ses bus hybride a remplacé la batterie de 11 kWh par des supercondensateurs d’une capacité beaucoup plus faible mais avec une puissance acceptable beaucoup plus élevé permettant de corriger la plus grande usure des freins des bus hybride par rapport à ceux diesel ou GNV.

  7. Si la charge peut être réalisée quasi instantanément il n’est pas ridicule de n’avoir que des autonomies de 150 km avec un réseau de chargeurs offrant une borne tous les 50 Km.

    1. Non Serge

      L’avantage d’une grosse batterie, c’est qu’on peut emmagasiner beaucoup d’élect pendant toute la nuit (moi, je dors 7h, plus ci et ça avant de m’endormir ou au réveil), et donc moins solliciter le réseau pendant la journée

      Des millions de VE s’arrêtant toutes les heures, tirant chacune une puissance supérieure au MW, l’infrastructure sera incapable de tenir debout face à ce genre de sollicitation. Sans compter le nombre de bornes de recharge à installer…

      Alimenter ainsi des milliers de bus, oui
      Des millions de voitures, non

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