elle n’a jamais couru (ou presque),#29 : Porsche Typ 64

La compétition est dans les gênes de Porsche depuis les origines. Déjà à l’époque de Lohner puis Austro-Daimler, Ferdinand Porsche avait développé des modèles de course, y compris électriques. Avant-guerre, l’apogée de cette philosophie sportive s’incarnait dans les redoutables Auto-Union de Grand Prix. Et la « Cox » a bien failli connaître une carrière sportive avant-guerre…à quelques semaines près.

Voiture du peuple, voiture-plébiscite

En 1938, un an après avoir fondé Volkswagen, Ferdinand Porsche touche au but : la première pierre de l’usine Kdf-Stadt, la future Wolfsburg, qui doit assembler la Kdf-Wagen, est posée. Nommée officiellement ainsi pour servir de « vitrine » à la politique sociale du régime nazi orchestrée par l’organisation Kraft Durch Freude, la force par la joie, la future Cox est un véritable outil de propagande roulant, qui répond à un cahier des charges très strict dicté par le Führer lui-même.

Rapidement, Ferdinand Porsche songe à développer une version de compétition, afin de promouvoir la Kdf-Wagen auprès d’une population allemande que le régime souhaite motoriser pour démontrer le succès de sa politique économique et sociale. Le régime nazi donne son feu vert pour préparer un prototype de course qui sera engagé sur la course Berlin-Rome prévue …à l’automne 1939. Cette épreuve, qui ambitionne de concurrencer les fameux Mille Miglia, emprunterait en partie le réseau des Autobahnen, qui a été fortement développé sous le III Reich (pour des raisons d’abord militaires, mais dont l’initiative est, contrairement à une légende tance, lancée sous la République de Weimar, avant même l’arrivée au pouvoir des nazis), ainsi qu’une partie du réseau italien, le pays du Duce ayant été précurseur de l’autoroute en Europe. Cette course scellerait et matérialiserait le rapprochement stratégique et militaire entre les deux états fascistes, qui devient officiel à partir de mars 1939 avec la signature du pacte d’Acier.

Des entrailles de Volkswagen

Porsche se doit de reprendre dans le prototype, nom de code Typ 64, des organes de la Kdf-Wagen. Le châssis, modifié et renforcé, est doté d’une carrosserie profilée étudiée en soufflerie avec des carénages constitués de panneaux en aluminium. Le designer Erwin Komenda, du Porsche Büro, reprend les travaux qui avaient été développés sur le projet Porsche 114 à moteur V10, et s’inspire aussi des travaux d’aérodynamisme de Paul Jaray, l’un des pionniers du Streamline. La carrosserie en aluminium, fabriquée chez l’artisan Reutter, obtient un cx de 0,385. Du côté de la motorisation, la Typ 64 reprend le moteur à plat boxer quatre cylindres à double carburateur, de 985 cm³, à refroidissement à air, développant ici environ 50 chevaux, pour une vitesse de pointe estimée à 160 km/h.

Les aléas de la guerre

Trois prototypes sont construits, mais aucun ne participera ni à la course Berlin-Rome ni au Liège-Rome-Liège de 1940. L’éclatement du second conflit mondial suite à l’invasion de la Pologne entraîne logiquement l’annulation de toutes les compétitions. Un premier exemplaire sera accidenté par un membre dirigeant de la Kdf, un second est récupéré par des troupes américaines en Mai 1945 et sensiblement « transformé » en « décapotable » pour quelques virées, tandis que la famille Porsche parvient à conserver le 3ème exemplaire.

Elle a quand même un peu couru

Restaurée par Battista Farina en 1947, elle est vendue ensuite au pilote motocycliste Otta Mahe qui, finalement, l’engage bel et bien en course, notamment sur la coupe des Alpes 1950 où il remporte une victoire de classe. La Typ 64 participe d’ailleurs à de nombreuses épreuves sur route, en Autriche et en Italie (coupe des Dolomites, rallye du Tyrol, etc.)Privé de l’une de ses mains, Mahé l’avait faite convertir en conduite à droite. Pour l’anecdote, il rapporta un jour le prototype à l’usine Porsche, mais les gardiens, peu au fait de la valeur que pouvait acquérir un jour cette voiture, l’éconduirent ! En sa possession jusqu’à sa mort en 1995, l’unique Typ 64 rescapée passe entre les mains du docteur et pilote autrichien Thomas Grüber qui l’exhibe sur des rassemblements historiques.

Considérée par beaucoup comme la première véritable Porsche, l’ancêtre en ligne directe de la 356, cette Typ 64 a refait parler d’elle l’an passé à cause du fiasco de sa vente aux enchères par RM Sotheby’s à Peeble Beach. Avec une mise de départ à 20 millions, elle était partie pour battre tous les records, les enchères atteignant même 70 millions, avant qu’un cafouillage ne fasse redescendre le montant à 17 millions, soit en dessous de sa mise de départ, et ne mette en échec la vente !

Images : Porsche, pinterest, wikimedia commons

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