On continue avec notre série d’articles présentant les acteurs majeurs de l’industrie des véhicules électriques. Après Rivian, intéressons-nous à Rimac Automobili. Si l’on vous dit que tout démarre avec un gant qui se destinait à remplacer clavier et souris, des rétroviseurs sans angle-morts et une BMW de 1984 au moteur cassé ? Entre la Croatie et l’Allemagne, l’entreprise est à l’image de son créateur : ambitieuse et débrouillarde.
Mate Rimac vous dites ?
Mate Rimac (« Maté Ri-mats » en croate) est né en 1988 à Livno, en Bosnie-Herzégovine. Vu la situation politique de la région, sa famille déménage en Allemagne au début des années 90. La famille Rimac y reste 10 ans puis rentre au pays. M. Rimac y termine sa scolarité avec un projet de fin d’études un peu particulier : le iGLove. Un gant qui permet de se passer d’une souris et d’un clavier, une idée pas si bête à une époque où les écrans tactiles n’étaient pas répandus. L’invention remporte plusieurs prix locaux et internationaux. M. Rimac dépose ses premiers brevets avant ses 18 ans. Bien que personne ne possède un iGlove aujourd’hui, ce fut un déclic pour le jeune inventeur et entrepreneur. Avec Marko Milečki, sa deuxième invention est un système qui synchronise l’angle de tous les rétroviseurs en cours de manœuvre pour éviter tout angle mort. Elle est récompensée à l’IENA 2006.
Le Monstre vert
L’aventure commence en 2007 avec une vielle BMW 323i de 1984 pilotée par M. Rimac qui casse le moteur lors d’une épreuve sur circuit. M.Rimac envisage d’abord de monter un moteur de M5. Il se ravise et opte pour une conversion électrique, convaincant au passage famille, amis et buisness-angels locaux d’investir dans son projet. Il commence avec un kit de conversion génerique déjà existant mais le résultat ne le satisfait pas. Il rassemble une équipe et repart de zéro, créant sa propre solution à partir d’éléments disponibles sur le marché. Et c’est ce qui revient souvent dans la philosophie « Rimac » : si une solution n’est pas disponible ou trop chère, autant la développer soi-même. Rimac Automobili est fondée en 2009, M. Rimac se voyait à la tête d’une entreprise de conversion de véhicules thermiques en électrique. Car la vielle 323i est devenue une « e-M3 » de 600 chevaux et 900Nm de couple. Avec un 0 à 100 km/h en 3,3s et une vitesse de pointe de 280 km/h. Elle décroche en 2012 cinq records d’accélération dans sa catégorie. Elle est considérée par l’entreprise comme le premier banc d’essai Rimac Automobili.
L’accident de Richard Hammond
L’une des pires choses pour un constructeur est que l’un de ses modèles, à cause d’un accident ou d’un problème technique finisse en feu. Et il est très fâcheux si ces images font le tour du monde. C’est ce qui est arrivé en 2017, lors du tournage de la saison 2 du show The Grand Tour. Le célèbre présentateur Richard Hammond participe en Suisse à une course de côte. Au volant d’une Rimac Concept One, qui est à ce moment-là, le petit bijou de Rimac Automobili dont le devloppement a commencé en 2010. De l’eau a coulé sous les ponts depuis la e-M3 et la Concept One est la nouvelle obsession de M. Rimac.
Le présentateur se lance dans l’épreuve enchaînant les passages. On rappelle que l’hypercar électrique a pour but de démontrer le savoir-faire de la jeune entreprise. De nombreuses technologies Rimac y sont intégrés comme l’architecture avec un bloc moteur par roue, une batterie à chimie LNMCO (Lithium Nickel Manganèse Cobalt Oxide) en forme de T, un châssis monocoque en fibre de carbone et surtout le R-AWTV (Rimac All Wheel Torque Vectoring). Mais cela se termine par une sortie de route lors d’un virage pris trop rapidement. Après plusieurs tonneaux, la Concept One termine sa course dans une prairie 400 mètres plus bas. L’anglais est extrait juste avant que le véhicule ne prenne feu. Choqué, mais vivant.
Génie de la communication ?
Avec cet incident, on découvre un autre point fort de M. Rimac. L’entrepreneur donne une démonstration de communication dans une interview vidéo avec R. Hammond. On y voit les deux protagonistes debattre de manière détendue et revenir sur l’accident. M. Rimac agrémente la discussion avec un PowerPoint, surement à destination d’investisseurs ou clients et analyse le crash. On apprend que ce n’est pas la batterie qui déclenche l’incendie, mais une fuite du liquide de refroidissement d’un des blocs moteurs. En bon chef d’entreprise, Rimac pointe sur le fait que la cellule de la Concept One à non seulement protégée son occupant, mais aussi la batterie. Il ajoute timidement que R. Hammond, prenant de plus en plus confiance est arrivé à la limite d’adhérence des pneus, quoi qu’ai pu faire le R-AWTV. Convaincu ? R. Hammond l’est vu que depuis il a demandé à essayer la Concept Two, nouvelle hypercar de la maison. Et la requête a été acceptée. On ajoute que la chaine Youtube du constructeur est l’un des modèles du genre : on y trouve des interviews, concours, visites, vidéos techniques, cours et tous les lundis un podcast avec Mate Rimac ou l’un de ses ingénieurs.
Un niveau technologique qui séduit les plus grands
Le niveau atteint par l’entreprise en quelques années attire les plus grands noms du milieu. Aston Martin se fournit chez Rimac pour la batterie de la Valkyrie, Pininfarina Automobili pour la batterie et le groupe motopropulseur de sa future Battista, la Cupra E-Racer est co-développée avec Rimac. Koenigsegg assiste Rimac sur la maitrise de la production à faible volume, l’usage de matériaux composites et certains systèmes électroniques. Rimac, en retour collabore sur les batteries et d’autres composants. Rimac développe aussi sa solution en conduite autonome avec Nvidia et utilise des Renault Grand Scénic comme prototypes. Le logo Renault figure sur le site de l’entreprise dans la partie « clients ». Niveau investissements : Rimac et Hyundai Motor Group ont annoncés un partenariat technique sur deux véhicules électriques à hautes performances. C’est ce qui amène Hyundai Motor à investir 64 millions d’euros et Kia Motors 16 millions d’euros dans l’entreprise Croate. Porsche AG de son côté, après avoir annoncé une participation dans Rimac Automobili en tant qu’actionnaire minoritaire à 10%, augmente sa participation à 15,5 %. L’entreprise évidemment lorgne sur l’expertise de Rimac en propulsion électrique et conduite autonome.
Notre avis, par leblogauto.com
Mate Rimac insiste lors de nombreuses interviews sur le fait qu’il ne s’est pas lancé dans l’électrique par souci écologique. Il se définit comme un « petrolhead » convaincu de la supériorité de ce mode de propulsion pour la haute performance. C’est un autre angle d’approche que le reste de l’industrie, celui d’un passionné. Ce qui frappe c’est qu’en une décennie, la petite entreprise Croate est devenue un nom qui pèse et qui est reconnu. De notre côté – si comparaison il doit y avoir – on trouve que Mate Rimac est une sorte d’hybride d’E. Musk et R. Scaringe. La personnalité et l’humilité (travaillées ?) de M. Rimac contrastent beaucoup avec ce qu’il a accompli. Surtout quand on sait d’où il est parti. Si le Croate avait eu les moyens des deux Américains, on imagine le résultat. La maitrise de l’outil de communication de la jeune entreprise est aussi à souligner, cela montre qu’aucun domaine n’est laissé de côté. Nous reviendrons dans un second article plus en détail sur les technologies et projets de Rimac Automobili.
J’ai failli le rencontrer en 2010 à Zagreb alors que c’était encore très artisanal. Sans doute un regret de ne pas avoir été au bout de la démarche à ce moment.
La gestion du couple roue par roue, la batterie intégrée au milieu du châssis sans être une batterie plancher (pour la hauteur de la voiture) et le sérieux de finition sont ce qui distingue Rimac d’autres zigotos qui se lancent dans la voiture. Le fait qu’il soit courtisé par Porsche et consulté par plein d’autres ne trompe pas.
C’est bien de parler de ce genre de personne qui incarne son entreprise (contrairement à certains vaporwares sans tête de pont).
« sont ce qui distingue Rimac d’autres zigotos »: tout est dit. Trop nombreux sont ceux qui surfent sur la vague électrique sans avoir aucune compétence.
Hello ^^
Dommage Thibaut… Le type a l’air d’être d’une telle simplicité…
Pour un peu les connaitre, Porsche AG n’investit pas 1 euro sans que ca soit audité, débattu, remis en question et accepté, c’est long! Surtout qu’il y’a toujours cette geguerre interne avec le cousin Audi pour se disputer le leadership technologique au sein de la famille.
J’imagine que le groupe Hyundai n’investit pas n’importe où aussi…
Donc le Rimac à vraiment de sérieux arguments.
PS: le « youtubeur » Nico Rosberg à annoncé hier que sa nouvelle supercar était finalement une Concept Two (Après avoir teasé que c’etait la AMG Project ONE). Il y’a pas mal de videos sur sa chaine avec Mate Rimac aussi… quelque chose me dit qu’il a ou va leur filer un coup de main sur la c two… 😉
Surtout qu’en plus, la batterie intégrée au chassis, c’est une spécifité qui commence à germer dans la tête des grands constuceurs !
Ah, ces croates … un peuple à ne pas sous estimé !
Lecture enrichissante, on attend la suite. Ils sont biens les nouveaux auteurs, LBA de mieux en mieux.
Bonjour Mezger, merci pour votre message, ca motive ! 🙂
Ce type est génial. Il faudrait quelques Rimac chez nos constructeurs généralistes pour secouer le cocotier.
Ah ben justement Tavares développe désormais ses futurs modèles au Maroc ou en Inde, pays réputés pour leur avant garde technologique… A moins que ce ne soit pour payer moins cher les ingénieurs… Bref, quand on voit les investissements à long terme d’un groupe comme Hyundai ou Volkswagen, on ne peut qu’être dépité par le court termisme de cost killing en vigueur chez PSA.
t’en rate aucune, t’es vraiment un timbré, pas foutu de faire la différence entre développer une base pour des millions d’exemplaires et de la tech avancée..
T’as juste raté la e-vmp prévue, t’as juste raté le projet de 2 plf exclusivement élec (dont la e-vmp + une cmp évoluée 100% élec).
nul nul nul…
Mais oui mais c’est bien sur…
Il y a deux écoles dans ce cas de figure, la participation désintéressée technologiquement (des investisseurs pour le bout de gras, donc façon Tesla) et les investisseurs façons contrôleurs, ceux pour qui il est moins couteux de mettre la main sur des techno sans trop dépenser et ensuite éventuellement étouffer le moment venu en cas de concurrence.
Porsche est à la fois constructeur mais aussi BE pour les autres, d’éléments simple (le moteur de la 505 turbo en son temps, comme de l’intégralité de l’Ibiza première du nom et de pas mal d’autres plus discrètement), il y a va donc de son propre avenir. Pour Hyundai c’est clair que c’est pour gagner du temps et d’évaluer d’autres pistes…
Chez nous il y en a, Hexagon, Venturi entre autre…
PSA, VALEO sont les premiers déposeurs de brevets chaque année en Europe, il n’y a donc pas de fumée sans feu. Chez nous, c’est vrai que le Géotrouvetout n’a pas sa place, les EI sont boudées, les petits artisans géniaux rarement reconnus, mais pas seulement dans l’automobile, ce qui est nettement plus grave…
J’ai la chance de travailler avec eux et d’avoir pu y aller. Belle entreprise, bel esprit de start up avec des ingénieur(e)s talentueux et humbles, comme le patron. Très ouverts aussi à partager une fois les contrats de confidentialité signés, par Mate Rimac lui-même!