Ella Stevens, 13 ans, en lice pour la Ferrari Academy

Plusieurs barrières à surmonter

Si l’on met de côté l’italienne Giovanna Amati, qui n’a pas réussi à se qualifier en 1992 (sa Brabham-Judd en fin de vie ne l’a pas aidée non plus), il faut remonter à Désiré Wilson au Grand prix d’Afrique du Sud 1981 ou, si l’on exclut cette course « pirate » organisée hors championnat du monde FIA, à Lella Lombardi en 1976 pour dater la dernière présence féminine sur une grille de départ en F1.

Dans notre époque actuelle, marquée par la résonance du mouvement #Metoo et les problématiques de représentation de la diversité, ethnique comme sexuelle, l’absence de pilote femme en F1 continue de faire débat, bien que cette question soit passée au second plan derrière celle de la diversité ethnique en F1, à la faveur du mouvement #Blacklivesmatter et des initiatives impulsées par Lewis Hamilton. Si le faible nombre de places disponibles, l’ultra-sélectivité et la nécessité, surtout, de disposer de gros moyens financiers sont autant de barrières à leur accession, d’autres accusent volontiers les barrières culturelles et les a-priori « sexistes » comme facteur bloquant. La F1 – et le sport auto globalement – a beau se coltiner une image machiste, la figure du « pilote de course » ayant été souvent associée à des vertus viriles, n’oublions pas néanmoins qu’il s’agit d’un sport où les femmes sont en confrontation directe avec des hommes, excepté quelques catégories (décriées parfois) comme les W Series, ce qui n’est pas le cas de nombreux autres sports. Toujours est-il que la F1, le pinacle du sport automobile, fait figure de mauvais élève, en comparaison de disciplines comme l’Indycar ou les courses d’Endurance et de GT où des femmes ont réussi à percer – et à obtenir des résultats significatifs, à l’image de Danica Patrick aux States, Sabine Schmidt en Allemagne ou Katherine Legge en IMSA GT3. Et comment oublier Michèle Mouton dans les années 80, qui rata de peu le titre mondial WRC ? Qui peut dire que l’Audi Quattro n’était pas très « physique » à conduire ?

Quelques prétendantes

Les choses vont-elles évoluer ? Si l’on se focalise sur la monoplace, on sait aujourd’hui qu’il est très difficile de percer sans avoir de gros sponsors, d’être rejeton de milliardaire ou d’être intégré à une filière, ou « Académie » chapeautée par un constructeur, et cela vaut autant pour les pilotes hommes que pour les femmes ! Leur présence est aujourd’hui assez limitée. La plus en vue, en tous cas celle qui évolue dans les catégories les plus élevées, demeure Tatiana Calderon, pilote de développement pour Alfa Romeo Racing. Après des débuts honorables en F3, elle a eu plus de mal en passant au GP3 puis à la F2 l’an passé, n’ayant pas obtenu de gros résultats. Elle s’essaye à la Formula Nippon cette année et a eu l’occasion d’effectuer quelques essais en F1, mais souvent sur des monoplaces un peu datées en raison des restrictions actuelles sur les essais privés. Si l’on descend d’un échelon en F3, on trouve dans le championnat FIA international Sophia Flörsch, la miraculée de Macao, qui navigue en fond de peloton, et Jamie Chadwick, qui dispute la Formule Régionale F3 au sein du prestigieux team Prema, aux côtés d’Arthur Leclerc. Chadwick a été la première lauréate du championnat W Series exclusivement féminin. C’est donc à peu près tout.

Un engagement officiel

La FIA a pris conscience de la nécessité d’accompagner et de promouvoir plus fortement le sport automobile auprès des femmes pour augmenter leur présence, car il s’agit bien plus de questions de promotion, de filières, d’appuis financiers et institutionnels que de capacités physiques. Si des femmes son pilotes de chasse ou astronautes – ce qui induit tout de même de sérieuses capacités – pourquoi pas en F1 ? Ella Stevens, 13 ans, rêve sans doute de briser la glace. La jeune britannique, qui a décroché des titres en Karting (le Birel UK Cadet Series en 2017),  fait partie des 25 jeunes pilotes, âgées de 12 à 16 ans, qui seront présélectionnées pour intégrer l’académie de la Scuderia Ferrari. Tout se jouera en fin d’année sur le Paul Ricard, pour décrocher le Graal. « C’est une excellente opportunité pour moi« , assure l’adolescente. « Nous devons réaliser, dans la première phase, quelques tests de condition physique et du karting, pour qu’ils voient notre conduite« .

Ella Stevens est soutenue dans cette quête par Rob Smedley, qui a travaillé comme ingénieur Ferrari pendant plus d’une décennie et encadre maintenant la jeune fille par le biais de sa propre Electroheads Talent Academy qui a pour objectif de faciliter l’accent de jeunes au Karting. « Avoir un acteur majeur dans le sport, avec une histoire aussi riche que Ferrari, il faut applaudir », a-t-il déclaré à CNN. « C’est absolument incroyable qu’ils veuillent faire cela et qu’ils prennent des mesures positives pour accroître la diversité des genres dans le sport (…) « Nous avons senti que nous devions faire un effort supplémentaire pour élargir notre zone d’opération afin d’inclure les jeunes femmes qui veulent se lancer dans le sport automobile« , a déclaré pour sa part Mattia Binotto, dans un communiqué.« Bien qu’il n’y ait aucun obstacle réel à leur participation, nous sommes conscients qu’il est plus difficile pour les femmes de progresser dans ce domaine. »

Cette initiative de Ferrari s’inscrit dans le cadre du projet « Girls on Tracks – Rising Stars », labellisé FIA, qui a pour objectif d’identifier les talents et surtout de les aider à structurer une carrière professionnelle. Pour les deux pilotes qui seront retenues, il y aura à la clé un programme de quatre ans à l’issue duquel elles pourront potentiellement disputer une saison dans le championnat FIA de Formule 4. La première étape d’un long cursus honorum.

(29 commentaires)

  1. Une femme en F1 et au meilleur niveau serait un événement que j’aimerai vivre.
    Selon moi, ce n’est pas une question de physique ou d’aptitudes. Je ne vois pas beaucoup de raisons pour lesquelles une femme serait moins performante qu’un homme.
    Physiologiquement, une femme est plus endurante qu’un homme et plus résistante à la douleur (pour supporter l’accouchement). Ceci explique, pour l’endurance physique, qu’elles sont très performantes dans les sports d’endurance et donc, les courses automobiles longues.
    Le seul problème physiologique est la programmation cérébrale à la survie plus grande chez une femme. Le mâle protège des agressions, la femelle met les petits en sécurité. Donc, une femme prendra moins de risques par nature (d’où moins d’accident grave que les hommes proportionnellement). Mais la F1 est aussi devenu un sport de stratégie et de préservation…

  2. Je suis Tatiana Calderon sur Insta et il est impresionnant de voir la quantité de sport qu’elle fait quotidiennement.

    Apparement, son handicap, n’est pas trop la force (elle s’entraine vraiment beaucoup pour être au top), mais plutôt sa taille (1,63) qui la limite.

    J’espère que Ella pourra suivre les pas de Tatiana et surtout sa gestion pro de son image cela fait énormément aujourd’hui et ça attire les sponsors.

    1. Je ne comprend pas pourquoi sa « petite » taille serait un handicap ?
      Elle est à peine plus petite qu’Alain Prost, et j’ai cru comprendre que c’était les grandes tailles qui étaient désavantagé ( Hulkenberg, ou encore Ocon), notamment pour rentrer dans le cockpit.

  3. j attend avec impatience qu’une femme puisse se mesurer aux hommes avec des autos performantes et pas juste comme faire-valoir sur des trottinettes asthmatiques

    1. Le Nurburgring est ouvert à tous et à toutes (une femme s’y illustre régulièrement sans y être la plus rapide non plus toutefois).

      Les formules monotypes existent en formules Clios, Renault, Formule 4, Catheram, Porsche, SRT (? Ça existe finalement ?), etc.

      On disait de même de personnes de couleur (ouf, je n’ai pas dit noir) et Hamilton de donner une réponse. Un jour une femme ? Peut-être sauf si certains paramètres neuro-physi-psycho-… devaient prouver que les différences homme/femme empêchent celles-ci d’atteindre les résultats des hommes pour cette discipline (elles sont peut être bien meilleures en tir, en gymnastique, en saut en hauteur, que sais-je…mais pourquoi faudrait-il une parfaite égalité pour des compositions différentes, je ne comprends pas.

      Personne ici pour attendre d’un URUS la performance d’une Porsche sur circuit, personne pour prétendre que la formule 1 et la motoGP c’est kifkif bourricot, etc

      1. Sabine Schmitz celle qui fait le Ring. Elle conduisait aussi le Ring Taxi il y a quelques années. Je me sais pas si elle le fait encore. Elle a de la bouteille deja, la cinquantaine passé.

        1. C’est évidemment à Sabine Schmitz et sa victoire conjointement à celle de ses 2 équipiers en 1996 et 97 que je faisais référence.

          Je ne lui connais peu de victoires hors ces jolies performances.

          Cela revient à dire que la performance est possible (on dira d’elle que c’est un excellent pilote, comme un Grosjean ou Vergne par exemple) et donc qu’elle est l’égale d’autres hommes sur un circuit, mais pas non plus exceptionnelle pilote automobile. Exceptionnelle pilote femme ,oui !

          Le Ring est ouvert mesdames, …bon combat.

  4. A une époque Bernie Ecclestone avait voulu inviter Danica Patrick dans le F1 Circus, mais cette dernière avait refusé, préférant rester aux USA 😮

    1. Danica arrivait à performer sur des ovales, et jamais sur des circuits routiers

      en plus, elle est moins lourde, permettant de mieux équilibrer la voiture avec des lests (chose pointée du doigt par ses concurrents)

  5. En sport auto il y a eu Michèle Mouton, Juta Kleinschmidt, etc. Aller leur dire « non non on va faire une catégorie pour vous… »..mouais 😉 je crains que Michèle ne nous renvoie dans nos 22.

  6. En fait il y a moins de place qu’il n’y a 25 ans, voire moins.

    Avant, la f1 c’était des voitures paratagées sur l’année par plusieurs pilotes. Encore avant c’était des voitures engagées sur qq gp et pas la saison. On ne comptait que 11 résultats sur 16 gp en 1990….pas si loin 😉

    Avec l’obligation de faire tous les gp et d’avoir 2 voitures, la F1 à l’ancienne s’est arrêtée et avec elle la possibilité de voir une ou un pilote s’engager pour son gp ou qq gp dans l’année et de se distinguer.

    Donc désormais, on fait des filières. Il faut être performant à 13 ou 14 ans avec objectif F1 avant 20 ans sinon…allez voir ailleurs.

    Les pilotes femmes trouvent des soutiens jusqu’en F3/F2. Après…moins de places, plus de budgets et sans doute des sponsors un peu misogynes.

    Mais ce ne sont pas les seules…chaque saison il y a des pilotes qui n’ont pas leur chance…manque de résultat, de maturité, d’argent…gp2 2006…les noms qu’il y a avec Lewis…

    Le pbm n’est pas forcément la F1 mais le sport auto en général : wec, rallye, rallye raid, etc.

    1.  » les pilotes femmes trouvent des soutiens jusqu’en F3/F2″ : si une femme pilote est première en F3/F2, elle ne trouverait pas de sponsor ?

      Le point sur l’instinct de survie développé au-dessus peut s’additionner aussi à la statistique : sur nombre de jeunes garçons qui sont intéressés par l’automobile, le nombre de meilleurs est forcément réduit. Si le nombre de jeunes filles qui s’intéressent à l’automobile est vraiment déjà fortement moins important, il est assez logique que la fille qui serait exceptionnelle l’est encore plus au regard de la statistique.

      Après, je veux aussi croire qu’elles puissent avoir l’endurance d’un effort physique qui n’est pas négligeable (regardez la musculature des cous des pilotes de F1), leur morphologie les aide même peut-être ?

      Pour les sponsors, ça a toujours été un aimant à médias.

  7. Non. Mais elles auraient pu performer en circuit mixte. Les w series c’est bien (série 100% femmes pilotes) mais c’est diffusé où ? Médiatisé où ?
    Ce n’est pas pour rien que certaines golfeuses ou tenniswomen veulent se mesurer aux hommes 🙂

      1. en golf, la force physique compte aussi : il faut beaucoup de puissance pour accélérer la rotation du corps, acquérir une grande vitesse de rotation et envoyer la balle loin

        c’est le mini golf où on est tous égaux physiquement, sauf les handicapés.

        1. Il y a des femmes longilignes et à la musculature développée pour un swing impressionnant. Comme je l’écrivais, la force physique pure ne devrait pas être la raison.

          Disposer d’un handicap au golf, fût il mini, c’est une chose que l’aigle jalouse à L’Albatros (pour une fois que c’est dans ce sens…).

          Dès qu’on parle du sexe fa..euh, des femmes, il faut surjouer inverse pour éviter un procès d’intention machiste ? L’objectivité ne serait plus de mise (ah, l’objectivité masculine, j’oubliais n’existe pas, évidemment).

          1. la force physique joue quand même

            sur un par 5 par exemple, si en 2 coups, tu es aux abords du green, alors le 3eme coup sera une petite approche avec précision, et tu as une chance de faire birdie

            en revanche, si tu es moins physique, et que tu es encore loin du green après 2 coups, alors ce sera plus difficile…

            à niveau technique égal, posséder plus de puissance te donnera un avantage au golf

  8. Je pense qu’il faudrait peut être avancer à marche forcée.
    En France on a décidé de féminiser la vie politique en créant des quotas.
    L’expérience a réussie, les femmes sont maintenant omniprésentes à de hautes responsabilité, et c’est tant mieux. L’important est de savoir arrêter ce principe de quota (qui apparaît comme un DRS ou une BOP ?) lorsque l’élan est donné.
    Donc concrètement il faudrait imposer, le temps nécessaire, un nombre de pilotes femmes en F1 selon un quota qui resterait à définir mais qui pourrait aller jusqu’à un homme / une femme par équipe.

    1. Les quotas de femmes, comme des marchandises ? Ça m’a toujours paru étonnant.

      Rappelons que le nombre de votants potentiels en France sont des femmes et que rien n’empêche un vote sexiste. La raison d’un désamour de la femme politique viendrait elle de ce qu’elle se comporte comme un homme ensuite (ou comme une cruche pour Royal, Cresson ….si je dois développer unz idée sexiste ?).

      En sport ce serait encore moins sport. Pourquoi pas aussi un quota d’handicapés, de musulmans, bouddhistes, et même de conducteurs à droite ?). Beaucoup moins ici pour demander un quota de chinois qui représentent 50% de la population mondiale (j’exagère toujours un peu et je provoque forcément sur l’allusion handicapés/femmes).

  9. Vaut-il mieux faire 10e dans un championnat mixte ou 1e dans un championnat non mixte ?

    Toutes les femmes marins qui ont gagné en compet mixte ou meme fait un accessit n’ont pas été invisibilisées. Michèle Mouton non plus.

    Je n’ai pas la solution mais je sais que le manque d’opportunités de tests ou de faire ses preuves ruine des carrières, femmes ou hommes.
    Si la f1 veut revenir à 25 ou 30 voitures, quitte à remettre les 107%, tu verras qu’il y aura des opportunités 😉

    Monoplaces clientes, figées en développement, non éligibles au champ constructeur…comme en moto gp par exemple, wrc, etc.

    1. Justement, en formules monotypes (Clios ou Porsche), le nombre de femmes est plus que réduit sans que la raison soit financière. Le nombre de championnes autant.

      Mettre tout sur le machisme est du féminisme simpliste.

  10. @gigi4lm

    pourquoi pas !
    en commençant par les filières « promotion », où on obligerait à avoir 20% mini de filles par épreuve.

    Il faudra accepter que les deux premières années se soit pas terrible, et qu’elles soient probablement en fond grille, voire larguées…

    puis celles qui aiment piloter s’y mettront, puisqu’elles auront des débouchés… Et assez rapidement, les meilleures pilotes femmes émergeront, et elles seront à même de rivaliser avec les meilleurs pilotes hommes, à tous les niveaux ! …

    et le fait que moins de filles soient attirés par les sports mécaniques ne devrait pas poser de problème, quand on voit la sur représentation des pilotes nordiques dans beaucoup de discipline par rapport à la taille de leur pays !

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