Elle n’a jamais couru, épisode 28 : Venturi 260 Dakar

A la recherche d’une image

Mais rapidement, un constat s’impose : malgré toute la bonne volonté, le talent et l’abnégation de ses fondateurs et de son staff technique, la Venturi a bien du mal à se vendre, car elle souffre d’un déficit d’image. Partie de rien, la marque Venturi vient défier Porsche et Ferrari, dont la réputation n’est plus à faire et les moyens autrement plus conséquents. Elle doit exister aussi en dehors des frontières, ce qui a toujours été compliqué pour les voitures de sport « made in France ».

Quand on a une vocation sportive, la logique, pour construire une image, c’est évidemment la compétition ! Jean-Louis Maigret, un collaborateur de Peugeot, a engagé dans les années 80 des P4 au Paris-Dakar, équipés d’un V6 PRV qui ne l’a finalement pas satisfait. Lors d’un voyage au Japon, Maigret rencontre Xavier de la Chapelle, alors PDG de Venturi, et lui propose de développer une Venturi 4×4 pour le célèbre rallye-raid, en se basant sur le coupé 260 Atlantique qui vient d’être lancé. Ayant eu vent de ces discussions, l’importateur Venturi au Japon Didier Handache soutient le projet, affirmant que cela aurait un excellent impact sur les ventes au pays du soleil levant. Il propose de réaliser un prototype qui pourrait être présenté à la télévision et amener des sponsors.

GT des sables

Cela peut paraître bizarre d’engager en rallye-raid une GT plutôt destinée au circuit, mais après tout, Porsche a bien engagé au Dakar une 959 qui, au départ, était destinée au Groupe B ! Ferrari aussi avait envisagé d’aller en Rallye avec la GTO Evoluzione, qui finalement, après la fin du Groupe B, servira de base au développement de la F40…Cependant, la direction ne suit pas. Venturi trouve que le Dakar ne colle pas vraiment à l’image de la marque et s’orienterait plutôt vers le circuit.

Qu’à cela ne tienne, une petite équipe, menée par Jean-Christophe Boulay, obtient l’autorisation de construire un prototype dans le cadre du service après-vente, en dehors des heures de travail. Échaudé par l’expérience du PRV sur les P4, Maigret aimerait changer de mécanique et se rabattre sur le quatre cylindres turbocompressé 2,0 litres d’une Renault 21 Turbo que l’on pousserait jusqu’à 350 chevaux. Cependant, le budget étant famélique, le PRV turbocompressé du 260 Atlantique est finalement conservé. De même, le système à quatre roues motrices, trop coûteux, est mis au placard, ce qui condamne la Venturi 260 « Dakar » à conserver seulement deux roues arrières motrices.

Le projet se met en route dans le courant du second semestre 1990. L’empattement est augmenté, le moteur est reculé et la carrosserie est constituée de panneaux de carrosserie en fibre de verre légers. On remarque aussi la présence d’un aileron arrière démesuré, tandis qu’on supprime le système de phares escamotables pour gagner du poids. Signe que les moyens sont loin d’être suffisants, la voiture greffe sur les roues du coupé des pneus tout-terrains…En 1991-92, la voiture est achevée, effectue ses premiers roulages et a même droit à une séance photo stylée réalisée par le photographe Dingo, bien connu dans le milieu automobile.

Les yeux plus gros que le ventre

Le projet en restera là. Victime de la récession qui frappe particulièrement les marques de prestige, les finances de Venturi sont constamment dans le rouge. Et surtout, une autre priorité s’est imposée : la Formule 1 ! Courant 1991, Venturi s’associe (et rachète en grande partie) l’écurie Larrousse. On voir grand, on annonce de nombreux partenaires…mais l’aventure s’achève au bout d’un an, à l’issue de la saison 1992, après un fiasco sportif et financier. Qui plus est, la formule du Venturi Trophy, un championnat circuit de gentlemen-drivers proposé par Stéphane Ratel, est sur de bons rails et pousse la marque à investir la compétition GT sur circuit. La 260 Dakar peut prendre la poussière. Néanmoins, on verra bien des Venturi sur autre chose que du bitume, puisque la 260 Atlantique commencera même sa carrière sportive en 1991 dans une version 4×4, sur le Trophée Andros, pilotée par Jean-Pierre Beltoise !

En 2000, l’entrepreneur monégasque Gildo Pastor rachète la marque Venturi. Bien qu’il lui impose un changement de cap radical vers l’électrique, la 260 Dakar est restaurée et obtient même le 3.0 litres biturbo 24 soupapes utilisé dans l’Atlantique 300 Biturbo. Immatriculée, cette originale bête n’arpente pas les dunes du désert mais les rues escarpées de la cité princière. Pas la même faune !

Sources : Venturi, GT à la française

Images : Dingo, Drivetribe et dessin de Y.parot publié dans le livre Venturi, GT à la française

(5 commentaires)

    1. et pourquoi l’aurait-il fait?
      On est tous d’accord que l’histoire de Venturi est un énorme gâchis, entre mauvais choix, mauvaise gestion…. et ce malgré des produits attachants, efficaces … voir splendides (atlantic 300)… Mais compte tenu des caractéristiques de ce marché, tenu par des spécialistes ayant pignon sur rue depuis des années avec peu de nouveaux acteurs à l’époque, et de la situation de Peugeot (qui mine de rien commencait a peine à avoir une intégration de citroen effective et rationnelle), Venturi aurait été plus qu’un poids mort qu’une opportunité malheureusement…
      Alors oui on peut rever a une griffe sport « venturi » sur des modeles perfo…. mais bon ca c’est un voeux pieux ; venturi, comme alpine, n’etait connu qu’en France ou quasi, par des « vieux » et des spécialistes… et a mon sens, en mettant le coté financier a part, le potentiel commercial n’etait pas bien haut.
      Par contre ce qui est dommage c’est de ne pas avoir vu la fetish thermique sur le marché…

      1. Facile de refaire l’histoire. Venturi devenait bénéficiaire quand sa banque l’a lâché.
        La reprise par Pastor aurait pu lui donner un second souffle mais sa barquette Fetish tournait le dos à l’ADN GT de la marque.
        La Fetish est électrique non pas parce que Pastor est visionnaire mais parce qu’il est opportuniste: elle devait recevoir un moteur thermique que Renault n’a pas voulu fournir.
        L’Atlantique 300 s’écrit à la française. Elle repose sur le châssis caisson de la 400GT lui même issu de la 210/260 initiale, c’est dire si les choix de Godfroy et Poiraud étaient bons.
        Venturi c’est encore plusieurs victoires en championnat GT.

        Par conséquent non Venturi n’est pas un immense gâchis mais une parenthèse de grâce dans un pays qui ne croit pas en ses enfants.
        Alpine est en train de suivre la même pente malgré l’appartenance à Renault ce qui est là encore révélateur qu’on adore casser nos plus beaux jouets pour aller acheter des conformistes BMercodi

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