Renault, constructeur automobile étroitement lié à l’histoire de France

La société est alliée depuis 1999 au japonais Nissan dont elle détient 43% du capital. Renforcé par Mitsubishi en 2016, le groupe a atteint l’année suivante une éphémère première place mondiale pour le nombre de voitures et utilitaires légers vendus dans le monde.

L’entreprise au Losange, présidée depuis 2019 par Jean-Dominique Senard, transfuge de Michelin, emploie plus de 179.500 personnes (dont 27% en France) et distribue ses véhicules dans plus de 130 pays.L’année dernière, le constructeur (avec ses marques Dacia, Lada, Alpine et Samsung Motor s) a vendu 3,75 millions de véhicules (-3,4% sur un an), et surtout subi sa première perte nette en dix ans, à -141 millions d’euros, sur un chiffre d’affaires de 55,5 milliards.

C’est en 1898 que le jeune autodidacte Louis Renault construit à Boulogne-Billancourt, près de Paris, sa première automobile, la « Type A ». L’année suivante est fondée l’entreprise Renault Frères, dont le succès commercial s’étend avant la Première Guerre mondiale grâce aux exploits sportifs de ses modèles. Mobilisées pour l’effort de guerre, les usines Renault produisent des munitions, mais aussi le char léger FT, qui contribue aux avancées alliées avant l’Armistice de 1918.Au moment où son nouveau concurrent André Citroën connaît un grand succès en appliquant les méthodes américaines, Louis Renault modernise aussi son outil de production. Cela passe par l’usine géante de l’île Seguin à Billancourt au début des années 1930.A l’époque, la gamme Renault comprend des petites voitures mais aussi de puissantes autos de grand luxe comme la Nervastella.

« Laboratoire social »

Mais la Seconde Guerre mondiale rebat les cartes. Les usines Renault sont réquisitionnées par l’occupant, et en 1944 Louis Renault est arrêté pour faits de collaboration. Il meurt en détention quelques semaines plus tard.

Le gouvernement nationalise alors l’entreprise, qui devient la « Régie nationale des usines Renault » et se voit confier la construction de voitures d’entrée de gamme: la 4CV et la Dauphine, qui contribueront à la motorisation de la France d’après-guerre.

Cette orientation populaire subsistera dans l’ADN de la marque, que ce soit avec la Renault 4 de 1961, la Renault 5 de 1972, puis, depuis le début des années 1990, les Clio et Twingo, qui ont régulièrement figuré parmi les voitures les plus vendues en France et en Europe.

Renault, dont l’implantation industrielle en France s’est développée (Flins, Cléon, Sandouville dans l’axe Paris-Le Havre, mais aussi Le Mans et Douai), s’étend à l’international, en particulier en Espagne, en Amérique du Sud, en Turquie, en Slovénie, puis au Maroc et en Algérie. Sa première usine chinoise est inaugurée début 2016. Le groupe parie aussi sur le développement de l’électrique, avec des modèles comme la Zoé.

Plusieurs tentatives de conquérir le marché nord-américain échouent toutefois, et l’entreprise peine à s’imposer dans le haut de gamme malgré des véhicules novateurs comme la R16 (1965) ou l’Espace (1984).

La Régie est longtemps considérée comme le « laboratoire social » de la France, avec notamment des accords précurseurs sur les congés payés. Bastion syndical, c’est aussi l’un des épicentres de la contestation en mai 1968.

Une époque s’achève entre 1990 et 1996, avec la transformation en société anonyme et un désengagement graduel de l’Etat, qui contrôle encore toutefois 15% du capital aujourd’hui. L’usine de l’île Seguin ferme en 1992, même si le siège social reste installé à proximité.

C’est sous le PDG Louis Schweitzer, en 1999, qu’est rachetée la marque roumaine Dacia: elle devient un phénomène commercial dans le secteur du « low-cost ». Les groupes coréen Samsung Motors et russe Avtovaz (Lada) rejoignent ensuite l’orbite du constructeur, qui se taille parallèlement un solide palmarès en Formule 1.

Renault, que Carlos Ghosn dirigeait depuis 2005 avant sa vertigineuse disgrâce dans la foulée de son arrestation au Japon en novembre 2018, a bénéficié d’économies d’échelle grâce à Nissan, qui était aussi une source de juteux dividendes avant de graves déboires commerciaux et financiers ces derniers trimestres.

Par Tangi QUEMENER

(37 commentaires)

  1. Laboratoire social et, surement une conséquence, laboratoire des luttes revendicatives.
    Ne disait on pas : Quand Renault éternue c’est la France qui s’enrhume.

    1. Boursorama a publié le même article hier vers midi. Si vous vous satisfaisiez des « pisses copie » qui animent le web ces derniers temps sur Renault c’est votre choix! Après l’excitation… les gens passeront à autre chose. Renault-Nissan annonce sa stratégie le 27 puis Renault le 29 … tout ce qui est relayé avant ces dates … c’est pisser dans un violon.

    1. Conflit? Ils vont presque tout fermer, comme tant d’autres entreprises. Il ne reste plus que des retraites et de fonctionnaires en France.

      1. La presse actuelle est devenue une sorte de vautour, charognarde de tout et n’importe quoi, prophétisant le pire pour assurer le quota de putaclic, quitte à ce que cela soit faux.

    2. Quel conflit ?
      Les usines françaises ne sont pas rentables, les ventes sont à l’arrêt, l’entreprise perd de l’argent.
      Donc Renault doit s’adapter ou mourir.
      L’entreprise ne peut pas vivre sous perfusion de l’argent public indéfiniment.
      Après les syndicats peuvent faire tous les conflits qu’ils veulent, ça n’apportera pas de solution au cause racine du problème.
      Ces mêmes syndicats devraient plutot s’interroger sur les raisons pour lesquelles les sites français sont les premiers visés et non pas les sites espagnols, slovènes, turcs,etc…

      1. Se poser ce genre de question, les obligeraient à admettre qu’ils sont les grands responsables du problème cité. Ce n’est pas leur genre, l’auto critique. Quand tu vois l’histoire de la fermeture, pour eux « c’est la justice qui a décidé, pas nous » ! Megalol

  2. Juste deux elements:
    1)Renault avait diversifie son entreprise avant 1940: en plus des chars, elle produisait des moteurs aeronautiques par exemple
    2)La nationalisation etait illegale: la loi prevoyait que celle-ci n’ etait possible qu’ apres un proces du proprietaire et une condamnation pour collaboration. Or Renault est mort avant son proces…

    1. @Greg. : Louis Renault n’est pas mort : il est sur une île avec Elvis et Michaël !

      Tout ça est un complot !

    2. Euh, normalement, Renault produit toujours des moteurs d’aviation, pour CESSNA. Leur dernier moteur date du tournant des années 2000 en tout cas

  3. Non, pourquoi faudrait-il se réjouir du malheur des autres ?

    Drôle de question que vous me posez !

    L’ont-ils cherché au niveau direction de marque ? Ah, là c’est autre chose. Merci Carlos, hein ?

  4. Avec l’abandon des Scenics et Talisman, il ne restera que des Nissan rebadges et une Clio turque, comme Fiat et sa 500.

    1. Ah ben si on zappe la Megane, l’Arkana, etc.
      Quand on veut tuer son chien on l’accuse d’avoir la rage ?
      Nissan rebadgées….Tss ce mépris.

  5. La CGT (en gros les communistes) a eu la peau de Louis Renault en souvenir de sa position face aux syndicats avant guerre. Et ça allait parfaitement avec l’économie planifiée de l’après guerre de toute façon.
    Disons qu’en 2020 Renault est redevenue une entreprise purement capitaliste, et que la crise du Covid 19 est le moment idéal pour se débarrasser des usines françaises.
    Mentalité française ou pas, demandez vous comment motiver un ouvrier à travailler dans des conditions difficiles (bruit, horaires) alors qu’en restant chez lui finalement il gagnera mieux sa vie ? Le problème c’est l’état providence français, qui préfère donner de l’argent à des chômeurs plutôt que d’aider l’emploi.

    1. @panama, d’accord avec vous là-dessus.
      Je rajouterai, pourquoi Renault s’épuiserai à vouloir fabriquer en France, le pays ou le citoyen moyen n’est absolument pas patriotique et qu’il préfère nettement voir son voisin à chômage tant qu’il peut avoir sa Clio 1.500 € moins chère.
      …sans même parler de la mentalité CGT qui domine dans les grandes usines française.
      Malheureusement, en France, il faut aimer le SM pour vouloir construire sur place.

      1. Sauf que le « citoyen moyen français » rêve plus d’une Golf ou d’une S4 Avant que d’une Clio !

  6. Pour notre période.
    Trop de modèles…en fin de vie et en fin de règne.
    Avec trop de pépins techniques qui viennent tâcher le bilan de la fiabilité. (moins mauvais qu’il ne paraît)
    Finition trop légère sur les modèles de gamme supérieure… la nouvelle génération semble l’avoir pris en compte.
    Tout doit pouvoir néanmoins repartir d’un bon pied.

    1. Ce n’est pas un point de vue, c’est une prière limite naïve 😉
      A chaque fois qu’il y a eu fermeture d’usines auto en France, la production n’a pas augmenté, au contraire.
      On peut toujours faire un voeu pieux pour que la prod augmente.

      NB : si Flins ferme (Renault va produire des masques de protection à Flins d’ailleurs), les ouvriers de l’usine se foutront totalement de savoir que des emplois vont être conservés et une production va augmenter à Douai.
      Un peu comme ceux de La Jannais (Citroën Rennes) se ficheraient de voiture la production d’une voiture ramenée dans une autre usine si la leur ferme.

  7. La période 1920-30 était formidable.
    Renault faisait tout…et en bien, voitures, camions, bus/cars, autorails, tracteurs, avions avec Caudron, chars de combat.

    1. @SGL : mais il y avait moins de réunion par semaines.
      La planche à dessin dessinait en évitant les coups de rasoirs, les marketeux n’étaient pas encore aussi imbus de leur personne, les financiers contrôlaient mais ne concevaient pas.
      Enfin, la marque se créait une réputation.

      Tu prends l’opposé des phrases si dessus et c’est mon sentiment de la gestion Renault sous Carlos Ier.

      1. Peut-être @Mwouais, je ne suis ni partisan de CG ni anti.
        Il a été peut-être très utile à une période donnée pour sauver Nissan de la faillite… le reste est effectivement critiquable.
        Mais l’interdiction de Renault en 1946 de faire du haut de gamme par les communistes, pour punir Renault pour avoir soi-disant collaboré (comme s’il avait le choix) ont nui à terme la réputation et la rentabilité pendant de nombreuses décennies.

      2. La « science » dite du marketing n’ayant pris son essor aux USA que dans les années 50 et l’American Marketing Association ayant été fondée en 1937 (tout cela en conséquences du New Deal et donc de la crise de 29) autant dire que les « marketeux », dans les années 20 chez Renault en France … ils n’existaient pas

    2. Rien que le fait d’évoquer, avec nostalgie, la splendeur d’antan de la situation prestigieuse de Renault, vous amène une majorité de dislikes.
      Comme quoi, c’est bien la preuve de l’antipatriotisme des Français moyens qui se plaît dans la dénigration systématique du Made in France.
      Autant que Renault ferme toutes ses usines en France, les Français veulent être au chômage manifestement, et consommer Made in China.

      1. @SGL : les dislike sur les marques sont valables pour presque toutes : Renault, PSA ou DS (j’y suis bien placé, avec certaines raisons toutefois), comme pour VAG ou même Porsche (il suffit de voir l’article sur la F40 ou sur la 959).).

        C’est un part de trolls, de gens qui vivent pour leur marque et surtout contre les autres marques, il y a les anti allemands et même pas mal d’anti chinois, …tous prêts à ne pas voir les qualités suffisantes des autres marques.

        1. Espérons que c’est cela @Mwouais.
          Pour moi, toutes les marques on généralement leurs qualités.
          S’il n’avait pas de question de prix, les BAM seraient certainement les autos les plus recommandables …les meilleures, mais si l’on met le prix de côté … et là toutes les autres marques ont leurs mots à dire …Même les Fiat.
          Même les généralistes sont concurrencées par des Dacia de plus en plus meilleures.

  8. N’oubliez pas que Renault allait très mal dans les années 80 également (époque georges besse, le retrait des usa, etc…)
    Après avoir brillamment relever la tête dans les années 90 (la twingo, l’espace 2 et le scenic furent des cartons, tt comme la clio, la laguna, etc..) malgré quelques soucis (fermeture de Vilvorde, mariage raté avec Volvo) mise sur le marché des flops tels que la vel satis, l’avantime, et surtout la Laguna 2 que tout à commencé à partir en cacahuètes !
    Le Mariage de Nissan peut être démarré en fanfare, mais quand on voit la situation des relations franco japonaises actuellement….
    Inutile de dire que le Fardeau de la fiabilité de la Laguna 2 à durement entaché la réputation de Renault !
    Résultat, pendant ce temps, de nombreux clients sont allés chez les japonais (Toyota surtont) et même les coréens, choses impensables dans les années 90 début 2000.
    Depuis Renault à relevé la barre, mais l’image de la Laguna 2 est dans ttes les mémoires !
    Bref, Renault sort enfin des modèles hybrides intéressants et se doit de remonter au plus vite, d’autant plus que la branche utilitaire marche du tonnerre !

    1. Bon résumé de l’histoire de Renault depuis les années 80. @gustave
      L’Histoire de Renault est parsemé de haut et de bas.
      Je me rappelle pour la Laguna 2 , que dès sa phase 2 les problèmes avait été réglés au point qu’elle était déjà devenue une auto extrêmement fiable… mais c’était déjà trop tard pour retirer sa mauvaise réputation, qui perdurera largement sur la carrière de la Laguna 3, une des voitures la plus fiable de son segment.

      1. et lorsque l’on voit tt les commentaires sur la fiabilité des renault actuelles, certes il y a des soucis sur les Espace V apparemment, mais l’image laissée par la fiabilité de la Laguna 2 est encore bien pressente…chez les haters et l’imagerie populaire.

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