PGO Automobiles : stop ou encore ?

L’offre de rachat volontaire (voir ici) a été lancée par Symex International, société de droit koweïtien, le 18 novembre 2019 et se poursuit jusqu’au vendredi 20 décembre. L’actionnaire Koweïtien détenait avant l’offre 94,994% du capital. Les 5,006% étant détenu par le public. Le prix proposé est de 0,10 € par action soit environ 186 000 € au total pour les 1 858 268 actions non détenues par Symex.

Le but de l’offre est de retirer l’action du marché Euronext sur lequel elle est coté (suspendue depuis 2017 NDLR). Ecrit noir sur blanc : « Après ce retrait, l’actionnaire majoritaire se réserve la faculté de décider, en coordination avec l’équipe de direction de la Société, s’il y a lieu ou non de procéder à des opérations sur le capital ou de liquider la société de façon amiable. Une transformation de la Société en SARL pourra également être envisagée ».

En tout état de cause, Symex détenant plus de 90% du capital, il sera demandé à Euronext de retirer de la cotation l’action PGO. « La liquidité des actions ne sera plus

assurée ». En clair, si vous ne retirez pas vos billes maintenant, il sera sans doute trop tard.

L’avenir est donc écrit en tous petits pointillés pour PGO Automobiles. Vu les chiffres actuels et les perspectives, il y a de forts risques de voir la société liquidée. Mais il existe peut-être d’autres pistes de sortie comme la délocalisation, ou, plus improbable, un nouveau véhicule pour relancer la machine ?

Que vend PGO en 2019 ?

Pour pouvoir faire son offre volontaire de rachat, la société PGO a procédé à une « expertise indépendante » par la société « Ricol Lasteyrie Conseil ». Instructif ! A lire ici.

En 2018, PGO Automobiles a un chiffre d’affaire de 255 876 € seulement. Ce CA est réalisé à 25% par la vente de pièces détachées, et à 75% par la vente de 7 véhicules (sur 8 produits). La production était à l’arrêt et avait été relancée. 7 clients privés ont pu recevoir leur PGO.

Mais, en 2019, à qui PGO vend-t-il ses véhicules ? A Symex lui-même. En effet, on apprend que le propriétaire s’est engagé en 2019, à acheter 96 véhicules (page 10 de l’expertise). Ainsi, le propriétaire est aussi le créancier, et le client…

En théorie, en 2019, PGO Automobiles a dû construire 47 véhicules, achetés par l’actionnaire. A 65 k€ HT le véhicule (toujours selon l’expertise), cela ferait un CA de 3 millions d’euros HT environ. De quoi reverdir le tableau en trompe-l’oeil puisque le client est l’actionnaire. Surtout, on ne pourra être certains de tout cela que lors de la publication du bilan 2019, courant 2020.

Toujours selon l’expertise, côté employés, PGO est passé de 33 à 39 personnes pour atteindre les cadences de production prévues pour 2019. En 2018, les salaires et charges sociales représentaient plus de 1,3 million d’euros. Les charges d’exploitation s’élevaient à 6,134 M€ pour, donc, 255 k€ de CA. En 2019, on devrait donc avoir plus de charges (plus de personnes) pour un CA de 3 millions d’€ et donc un bilan toujours en déficit, hors provisions et reprises sur provisions de plus de 3 millions d’euros.

Quelles sont les pistes d’avenir pour PGO ?

En 2019 suite à la nomination de Thierry-Yves Philippe en tant que Directeur Général de la marque, l’ambition était de faire de PGO un constructeur de luxe à la française. Sauf que les véhicules de PGO ne sont plus homologués en Europe ni dans aucune autre région du monde. Il y a bien eu un projet de distribution en Chine, mais pour le moment, cela semble au point mort.

Selon Ricol Lasteyrie, « un budget compris entre 8 M€ et 10 M€ serait nécessaire pour homologuer et produire un nouveau véhicule. Après prise en compte de ces coûts nécessaires la valeur actuelle de la marque serait quasiment nulle ».

Voilà le noeud gordien pour PGO. Sans homologation, seule la marque peut valoir quelque chose. Avec une nouvelle homologation, tout repasse largement dans le rouge. L’expert est sans pitié : « même dans l’hypothèse d’un plan de financement ambitieux permettant l’homologation d’un nouveau véhicule, compte-tenu des dettes actuelles de la Société envers son Actionnaire principal, la société ne semble pas en mesure de dégager une valeur des capitaux propres positive à court ou moyen termes ».

Thierry-Yves Philippe pourrait être sur le départ selon des rumeurs et certains fournisseurs exigeraient d’être payés à la livraison. Signes qui ne trompent pas. En 15 ans, la société a connu 7 Directeurs Généraux. Cette instabilité est-elle due à des différents entre l’actionnaire et la Direction ? Différents stratégiques ? Financiers ? Autres ? En tous cas, c’est un souci de stabilité qui n’est pas bon pour l’entreprise

En conclusion, l’expert estime que les petits actionnaires ont tout intérêt à souscrire à l’offre de rachat de Symex et de profiter de l’aubaine pour récupérer 10 centimes d’euros par action détenue (pour une action émise à 14 € NDLA).

Bientôt la fin de PGO Automobiles ? Ou le déménagement à l’étranger ?

Mouillons-nous un peu. Il semble impossible que PGO continue comme cela longtemps. La commande de 96 véhicules par Symex (tous exportés hors europe) n’est qu’un répit, si tant est qu’elle soit honorée. Et après ? Plus rien. Ou alors il faudrait transformer les véhicules en véhicules électriques sans doute moins « complexe » à faire homologuer ? Cela reste coûteux tout de même et semble totalement utopique.

Quitte à produire des véhicules pour des pays moins regardant en termes de normes d’homologation, autant les faire dans ces pays non ? Surtout si la main d’oeuvre est moins chère. Et PGO de quitter Alès. Ou alors, la marque pourrait être vendue, mais l’issue semble alors la même. Le départ ou la disparition.

L’homologation, la mort des artisans de l’automobile

Le sort de PGO Automobiles met surtout en lumière un phénomène plus ample. Les normes d’homologation européennes sont devenues tellement complexes et tellement chères pour les petits constructeurs, que ceux-ci ne peuvent survivre. Même en achetant un moteur « sur étagère », la facture est trop salée. Certains n’ont eu d’autre choix que de se lier à un plus gros constructeur quitte à y perdre un peu leur âme, d’autres résistent encore, on se demande comment. Ils sont anglais bien souvent (Lotus, Caterham, Noble, Morgan, etc.).

Déjà, les ventes confidentielles de certains modèles « plaisir », des réseaux de distribution réduits, mais également un gros manque de notoriété rendaient périlleuse la pérennité de ces petites structures. Désormais, il semble utopique de revoir un PGO, De La Chapelle, ou Heuliez dans le paysage français automobile.

L’électrification pourrait peut-être être une porte de sortie avec des homologations pas forcément moins onéreuses mais au développement moins complexe (pas de dépollution par exemple). Et encore. Mais, est-ce qu’un véhicule plaisir rime avec électrique ? Le Tesla Roadster (sur base de Lotus Elise) n’a pas connu des ventes énormes et n’a pas, pour le moment, de descendant. Sans doute un signe.

Pour PGO, l’avenir proche nous dira ce qu’il en est. Avenir que nous relaierons évidemment.

Source :

Offre d’achat volontaire des actions PGO – Symex

PGO – Expertise indépendante

Illustration : PGO (Benjamin Celier)

(17 commentaires)

  1. Une bien triste nouvelle.
    C’est en lisant ce genre d’article qu’on se rend compte de l’exploit de ceux qui restent, et de voir que certains arrivent encore à évoluer avec les normes (Cf le nouveau moteur du F16 Turbo de chez Secma). Les coupés ont de plus en plus de mal à se vendre chez les constructeurs généralistes, c’est forcément encore plus difficile quand tu n’as que ça dans ta gamme et que tu fais de si petit volume.

  2. Et si PGO se lançait dans la confection de SUV? Comme de toute façon seul les gros chars dictent la loi du marché, je pense que c’est ça ou la liquidation. Je force le trait mais c’est hélas une tendance très lourde du secteur : la voiture-plaisir se raréfie, et la faute n’en incombe pas toujours, loin de là, aux constructeurs et artisans. C’est la fin d’une époque née dans les années 50 et qui a commencé à décliner dans les années 2010.

  3. – Coquille au début du paragraphe « Quelles sont les pistes d’avenir pour PGO ? », il manque des mots.
    – L’électrique paraît en effet une solution pour PGO mais j’y crois moyen… Le plus probable est une fin de la marque… dommage
    – Tesla roadster : le projet de descendante a été présenté l’année dernière et la production est (était ?) prévue pour 2021 il me semble…

    1. effectivement la tesla roadster 1 aura une descendante, mais elle n’aura rien à voir. Ca sera un grand coupé très haut de gamme. C’est une bien triste nouvelle, rien que la photo de l’article est magnifique

    2. @Rickyspanish : il manque des mots ? Hm j’ai beau relire je ne vois pas….quelles sont les pistes d’avenir pour PGO ? Les pistes d’avenir quelles sont-elles ? hm…
      Pour le roadster, c’est pour cela que je précise « pour le moment » car oui il y a un projet. A voir une fois concrétisé.

    3. @Thibaut Emme, il parlait du début du paragraphe, pas du titre en lui même. Je l’ai vu en lisant aussi, je n’ai pas pensé à le mettre en commentant
      « En 2019 suite à la était à l’arrêt et a été relancée en tant que Directeur Général de la marque »

  4. Parmi les pistes d’avenir, il y a également la possibilité de changer de nom parce que PGO, ça vend pas du rêve et ça ne renvoie à rien de « typiquement français ».
    Ce qui fait le charme des marques anglaises (Morgan, Lotus, Caterham, etc), c’est justement leur ADN britannique (le client a également envie d’acheter une part de cette culture), c’est pareil pour les marques germaniques.
    PGO, c’est juste une abréviation (qui en plus pourrait davantage faire penser à une marque espagnole ou italienne).
    Donc le nom « PGO » contribue à brouiller l’image du constructeur, qui au final n’en a plus du tout.
    Il aurait suffit de nommer la marque « Prevot » dès le départ et même juste « GillesOlivier », l’important étant que ça sonne typiquement français.

    C’est pas la 1ère fois que je constate ça, des constructeurs français « récents » (auto/moto) qui italianise ou espagnolise le nom de leur marque comme si c’était la honte de porter un nom français.
    Généralement tous ces nouveaux constructeurs font rapidement faillite…
    Saluons au passage le mérite de Jérémy Lemercier qui lui à nommer son projet de marque : « Lemercier ».

    1. Je me fais peut être une idée mais je ne sais pas si ça joue beaucoup. TVR me semble tout aussi désirable que Morgan, et BMW tout aussi classe que Audi. Je pense que c’est surtout l’image de la marque qui joue. Devalliet automobile vient de sortir sa première voiture, ça ne fais pas rêver, c’est normal. Lotus fait rêver les passionnés/pistards, chez d’autre ça leur évoque du papier toilette, ça fait moins rêver ^^. Morgan fait très anglais? c’est pourtant un prénom breton (après recherche, il est celte, donc valable au pays de galles etc :)).

    1. @Helios : non. Ca c’est un projet avec l’IUT de Nimes qui date de plus de 7 ans…
      Jamais poussé en interne. Surtout avec 16 kWh de capacité…et de l’Yttrium.

      1. Le prototype E-hemera traine à l’EMA depuis 7 ans: base d’1 « bricolage » par an par un groupe de 3 élèves, et des Profs qui papillonnent autour avec un salaire de « chercheur » qu’ils perçoivent tous les mois … tranquilles… en Chine et ailleurs ça bosse vraiment et sur des concepts à potentiel commercial réellement qualifiés…. que les investisseurs en France ne veulent pas regarder, encore, pour le moment ! Il faut faire pivoter « PGO » vers l’Industrie 4.0 ! Allez, un petit effort et du courage … potentiel énorme, à partir de la France !

  5. Dénaturer de la sorte la ligne et les proportions d’une icône n’est pas la meilleure idée. L’Hemera étant pour moi le paroxysme de la mauvaise idée stylistique.

  6. J’aime les petits artisans automobile mais…
    Vu le prix pour rouler dans une Porsche moderne, on achete une Porsche.

    Avec Porsche il y a toujours la même ligne mais en plus, la performance, le confort, la fiabilité, l’équipement et la finition. Et surtout je ne m’affiche pas dans une contrefaçon. Il y a eut procés quand quand même ne l’oublions pas. Preuve que l’initiative de PGO n’est pas du tout soutenue par Porsche !
    Les ateliers de contrefaçon se diversifient, et c’est là le problème de PGO. Eux sont dans la monoculture et n’ont aucun véhicule à leur propre image. En plus la réplique n’est pas très fidèle à l’originale.

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