Renault-Nissan épisode #1476 : menace de blocage, balance et rancune

Officiellement (selon FCA Fiat Chrysler Automobile), c’est à cause de l’Etat français si les négociations en vue d’une fusion entre Renault et FCA ont achoppé. Mais, pour Renault, ce serait plutôt du côté de Nissan qu’il faut regarder. Les deux représentants de Nissan au sein du Conseil d’Administration avaient pour consigne de s’abstenir lors du vote. Saïkawa ne s’en est d’ailleurs pas caché, car il considérait que le sort de Nissan était « flou ».

Retour de bâton (ou petite gué-guerre entre partenaires), Renault a informé Nissan de son intention de bloquer une réforme de la gouvernance selon le Financial Times. Nissan prévoit en effet de modifier sa gouvernance pour éviter qu’une seule personne puisse concentrer les pouvoirs chez Nissan comme le faisait Carlos Ghosn.

Concrètement, les nominations, rémunérations et les audits seront confiés à trois comités différents. Sauf que Renault ne voit pas cela d’un bon oeil. Selon une lettre envoyée par Jean-Dominique Senard au directeur général de Nissan, Hirito Saikawa, Renault s’abstiendra lors de ce vote si cela reste en l’état. Et comme Renault dispose de 43% de Nissan, les 2/3 des droits de vote requis pour entériner ne seront pas atteints.

Pour autant, Monsieur Senard s’était montré favorable à la modification de gouvernance il y a un mois. Oui, mais c’était avant la fusion ratée avec FCA et un changement radical dans les relations entre les membres de l’Alliance Renault-Nissan. Désormais, Renault craint que ces nouveaux comités et le changement de gouvernance ne soient une manière pour Nissan de faire baisser l’influence de Renault.

L’Assemblée Générale est prévue le 25 juin 2019 prochain. On devrait vite être fixé. L’Alliance, désormais priorité selon Bruno Le Maire, semble mal embarquée, au moins d’un point de vue guerre d’égos et d’influence.

Selon G. Kelly, H. Saikawa était au courant

L’autre point du jour, c’est Greg Kelly, l’ancien bras droit de Carlos Ghosn, qui relance les soupçons sur Hiroto Saikawa. Selon le Financial Times, Greg Kelly a donné une interview à un magazine Japonais, Bungei Shunju. Il y indique que Monsieur Saikawa aurait lui-même tenté de bénéficier de largesses de la part de Nissan. Il réaffirme que ni Carlos Ghosn ni lui n’ont outrepassé la loi mais ont tenté de « retenir un top patron talentueux » (M Ghosn NDLR).

« Je ne pense pas que Monsieur Saikawa aurait dû être dans le centre de détention, mais la question est pourquoi je n’ai pas été mis dans sa position ? Car nous avions le même objectif qui était de retenir Carlos Ghosn de façon légale ». Et de répéter que Saikawa a bien eu connaissance et relu le montage financier du paquet retraite de Ghosn.

Pour rappel, ce paquet prévoyait 40 millions de dollars répartis sur 10 ans pour s’assurer que Carlos Ghosn n’irait pas à la concurrence une fois ayant quitté Nissan. Déjà en mars 2019, le FT rapportait que le document avait été visé par Hiroto Saikawa. Si Saikawa a affirmé aux procureurs qu’il avait signé sans trop y penser, Greg Kelly affirme qu’ils en ont discuté longuement à l’été 2011 et qu’il (Saikawa) a approuvé deux fois le document après l’avoir relu attentivement.

Si Nissan a toujours protégé M Saikawa en indiquant qu’il n’était pas au courant des différentes infractions reprochées à M Ghosn, Greg Kelly, lui, n’hésite pas à l’enfoncer. Dans les propos rapportés, il indique que Saikawa l’aurait consulté pour savoir si Nissan pouvait l’aider à financer l’achat de sa nouvelle maison à Tokyo, via un prêt. Il l’accuse même d’avoir antidaté l’exécution de ses stocks options d’une semaine pour bénéficier d’un prix plus élevé de 10% des actions Nissan. 434 000 dollars tout de même.

Hiroto Saikawa n’hésite pas à enfoncer son ancien mentor, Carlos Ghosn, mais aussi Greg Kelly. Nissan avait « attiré » Greg Kelly au Japon en prétextant une réunion cruciale. Il a été arrêté à son arrivée sur le sol nippon depuis les USA. C’est finalement de bonne guerre que ce dernier lui rende la monnaie de sa pièce. Reste à savoir ce qui est vrai dans tout cela. C’est le boulot des procureurs en vue de préparer les procès (4 accusations) de Carlos Ghosn. En attendant, les parties prenantes devraient continuer de se répandre dans la presse.

Sources :

Financial Times

Financial Times

Reuters

(32 commentaires)

  1. « Il réaffirme que ni Carlos Ghosn ni lui n’ont outrepassé la loi mais ont tenté de « retenir un top patron talentueux » (M Ghosn NDLR). »

    M Ghosn a tenté de se retenir lui même? Hehehe.

    Vous pouvez supprimer ce message est le précédent, pour faire de la place.

    1. C’est exactement cela 🙂 le patron gère lui-même sa clause de non concurrence…magique non ? 🙂

  2. Si Saikawa a vraiment signé un papier qui prévoit 40 millions d’euros pour la retraite de Carlos sans vraiment l’avoir lu, il doit au minimum être viré pour incompétence, non ?

    1. si seulement l’incompétence de Saikawa ne se faisait que sur ce détail de l’histoire … hélas, non.

  3. @Bizaro. La question est de savoir si des avantages « en nature » ont été donnés pour que Carlos reste …eh bien si Nissan savait, il était donc complice. Cela peut s’expliquer. C’est courant malheureusement. Après si Carlos a les preuves de cette complicité … il est sur Saikawa a témoigné « à charges » pour sauver sa peau!

  4. Renault a trois option :
    – l’affirmation : une montée hostile dans le capital dans Nissan.
    – la sagesse : le losange s’attend avec son homologue pour faire tourner la boutique.
    – la fureur : Renault vend ses 43% et négocie le désengagement de Nissan dans son capital et se retrouve en force pour ses discussions avec FCA.

    Je pense que Renault va retirer ses billes pou jeter son dévolu sur FCA … Affaire à suivre. Pauvre Zoé dont on dit qu’elle va être présentée le 13 juin … elle va pâtir de cette affaire … ce n’est pas rendre justice aux nouveautés automobiles!

    1. Option 3 difficile, même en vendant les parts de Nissan, encore faudrait il trouver un seul acquéreur, pour faire très vite, ensuite racheter FCA reviendrait à effectuer une OPA hostile, l’achat sur le marché étant à priori impossible, l’actionnariat flottant de FCA n’étant pas suffisant pour bloquer la direction, il faut dépasser Exor.. Aucun Intérêt… Donc l’Opa hostile est la seule solution, la version amicale n’étant plus à l’ordre du jour.
      C’est un truc de oufs et faut avoir les reins très très solides pour y jouer.
      La dernière blagounette d’OPA hostile s’est retournée comme une crêpe et c’est Porsche qui a mangé, d’acheteur de VW ils sont devenus acheté par VW.
      A méditer donc…

      1. Je pense qu’un constructeur chinois serait preneur assez rapidement. Cela leur donnerait acccès au marché américain et européen. Ça pourrait aussi être un moyen de pression énorme sur Nissan : soit ils se soumettent soit ils auront comme actionnaire majoritaire les chinois et le RAMA en moins. C’est dire que ça va les faire réfléchir. Mais le gouvernement français sera t-il d’accord ? Je ne pense pas, on est plutôt à un stade où on accepte à toutes les demandes de Nissan…

      2. une OPA hostile, n’est-ce pas, justement, ce qu’a voulu faire FCA contre Renault précédemment, avant de se retirer voyant que leur plan n’avait pas fonctionné ?

          1. tous les arguments (qui tiennent debout) sont bons à rajouter dans la discussion entre Renault et Nissan

            -il faut qu’on fusionne, ou consolide davantage notre alliance. Sinon, on est mort, fragilisé
            -t’as besoin de moi pour faire du volume, et amortir les gros développement
            -j’attends que ton cours remonte, puis revends les 44% au plus offrant pour 15-20 milliards, et j’achète un autre constructeur, ou fusionne avec lui…

            https://www.lopinion.fr/edition/economie/jean-francois-cirelli-blackrock-a-deja-pres-500-milliards-dollars-168357
            https://www.economist.com/sites/default/files/images/print-edition/20131207_FBC893.png

      3. Ayant franchi la barre des 30% du capital de VW, Porsche était contraint par la législation en vigueur à lancer une offre de rachat sur Volkswagen.
        Cet échec était voulu par Porsche, contraint par la loi allemande de lancer une offre, mais qui n’avait guère l’intention d’avaler la totalité du numéro un européen de l’automobile.
        L’échec de l’offre obligatoire permet à Porsche de ne pas puiser dans ses réserves et le dispense d’autres obligations similaires au cas où il relèverait encore sa participation dans VW, par exemple pour contrer une offensive de fonds spéculatifs.
        Porsche et le Land de Basse-Saxe, qui détient un peu plus de 20% de Volkswagen, contrôlent ensemble plus de 50% des droits de vote du constructeur.
        Puis Porsche fait entrer le Qatar dans VW. »Cette transaction constitue une nouvelle étape logique après la création du groupe automobile intégré par Volkswagen et Porsche telle qu’elle a été finalisée en 2012″, a déclaré Qatar Holding dans un communiqué.

    2. Pour moi seule la 1ère option est en tout cas une solution pour Renault, le problème c’est qu’il y a tellement de partage au niveau industriel qu’il sera très compliqué de tout « détricoter », au moins là le Losange monte au capital fait sauter le Rama ainsi que la direction de Nissan puis relance la machine, bon par contre dans ce cas Carlos est « sacrifié ». La 2nde option peut être une solution temporaire mais on voit bien que les Japonnais semblent prêt à tout pour reprendre leur indépendance.

      1. de toute façon, Carlos est déjà mort, lorsqu’on a découvert qu’il a mis ses doigts dans le pot de confiture

        renumérer un intermédiaire au moyen orient, ça peut se comprendre. C’est courant dans le monde des affaires d’avoir recours à des dessous de table officieusement ou officiellement (genre investir localement dans une coentreprise)

        en revanche, ceci n’est pas défendable
        https://www.lepoint.fr/automobile/l-epouse-de-carlos-ghosn-entendue-par-la-justice-japonaise-11-04-2019-2307098_646.php

  5. en vendant à un fond de pension américain, il n’y aura aucun soucis pour eux de mobiliser immédiatement 10, 15 ou 20 milliards $

    https://www.leblogauto.com/2018/11/fca-les-propositions-radicales-dun-actionnaire.html

    ADW ne détient que 1% de FCA, une broutille, mais il est très « actif avec des idées »
    Lui proposer 44% de Nissan, le controle de la société, il sera très intéressé par le pack complet (44%). Ses collègues concurrents aussi seront très intéressés.

      1. Avec Christophe Bourseiller à la voix off et l’ignoble JR (Philippe Bruneau)…ca donne une idée sur la génération 😛 😉

  6. Bon, Américain ou Japonais, on peut voir que les PDG ont tous des problèmes de « dépenses personnelles »…

  7. Quand je disais qu’il y avait des problèmes dans l’alliance j’ai reçu une volée de bois vert ici.
    J’aurai préféré une belle entente c’est dommage pour Renault.

    1. la fin de l’accord RAMA, et tout redeviendra normal dans ce monde du business

      Saikawa joue la fibre nationaliste et éjecte Carlos Ghosn (et indirectement l’autorité française et de Renault). Mais c’est pour couvrir ses boulettes, destituer le maitre avant qu’il ne le vire (prévu par Carlos, lors de la présentation du bilan annuel, en avril)

    2. ceux qui ont travaillé chez renault&nissan le savaient.. apres y’a tjs des postures necessaires pour defendre sa position individuelle.. si t’es chez Renault et que tu veux grimper ou pas te faire virer t’as interet a ne pas le dire.. vous avez des nouvelles des espions chinois de la Zoé ? et les cadres impliqués des nouvelles ?

  8. « Reste à savoir ce qui est vrai dans tout cela. C’est le boulot des procureurs en vue de préparer les procès (4 accusations) de Carlos Ghosn. »
    Pfff. Si vraiment il y a eut malversation, impossible de s’imaginer que le nr 2, puis nr1 de Nissan n’était pas au courant.
    Je note qu’après presque 6 mois d’enquête, il n’y a toujours que deux personnes inculpées, et étrangement ce sont tous les deux des occidentaux.
    Aucun japonais n’a été mis en cause par le bureau du procureur. Curieux non?

    1. Curieux ? Non pas forcément. Depuis un an (de mémoire) il y a une loi au Japon qui permet aux procureurs de négocier des accords avec ceux qui collaborent avec la justice.
      Ici, il semble que le bureau des procureurs prépare son affaire depuis avant l’été 2018 (pour une arrestation en fin d’année).
      Il y a eu des salariés Nissan qui ont largement collaboré et même certains qui ont piégé Greg Kelly en le convainquant de venir au Japon sous un faux prétexte pour qu’il soit arrêter en arrivant sur le sol nippon.
      D’ici à penser que les procureurs passent des accords à tout-va pour avoir un maximum d’infos…

      1. Pour ce qu’on en sait, seule une personne aurait passé un accord… Le gusse d’origine indienne dont j’ai oublié le nom.
        Et au Japon, ces accords impliquent une reconnaissance de culpabilité.
        Or pour le procureur, seuls les deux gaijins se seraient rendus coupables d’un comportement fautif. Accord ou pas accord.
        Et tu remarqueras que tout aussi étrangement, seuls Kelly et Ghosn ont été remerciés par Nissan….

  9. Franchement Ghosn « is gone ». Inutile de se casser la tête pour un tolard en attente de jugement. Qu’il ne soit pas tout seul ne change rien a un management qui est à revoir intégralement. C’est bien sur ça qui spécule l’Elkann de FCA : profiter du moment de grande faiblesse de l’Alliance pour entrer comme un loup dans la bergerie et s’approprier au moindre coup de tous ses biens

  10. Renault and Nissan will enjoy ‘joint status in India’. In effect, the global leader-follower model will not be adopted in India and both brands will continue to enjoy a degree of freedom with respect to product development for our market.

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