Les années 80 sont un âge d’or pour le sport automobile brésilien. Nelson Piquet remporte trois titres de F1 (1981,1983,1987) avant d’être remplacé dans le cœur des supporters par la tornade Ayrton Senna qui enchaîne trois titres sur 4 saisons entre 1988 et 1991. Mais outre-Atlantique, Emerson Fittipaldi fait également retentir l’hymne brésilien dans le très américain championnat CART !
Le pionnier
Emerson, c’est celui qui a ouvert la voie de la F1 au Brésil, avec deux titres mondiaux acquis de haute volée en 1972 et 1974. Après l’échec de son écurie Copersucar, « Emmo » est parti aux États-Unis pour se confronter aux gloires locales, telles que Mario Andretti, Al Unser, Rick Mears et AJ.Foyt. Les débuts ont été discrets mais, rapidement, le brésilien s’est rappelé au bon souvenir de tous avec 6 succès entre 1985 et 1988. En 1989, il court toujours au sein du Patrick Racing, mais dispose du châssis Penske PC-17, qui a écrasé la saison 1988 avec Danny Sullivan. Mieux encore, à Indianapolis, son équipe négocie l’obtention du nouveau châssis PC-18.
Le chat noir des Andretti
Aux qualifications, Rick Mears, triple vainqueur des 500 miles (il décrochera une 4e victoire en 1991), réalise la pole position devant Al Unser Jr et Emerson Fittipaldi. Mais le jour de la course, rien ne semble pouvoir arrêter le brésilien, qui s’empare des commandes et mène allègrement les 400 premiers miles. Les Penske boys sont éliminés ou retardés sur des ennuis mécaniques, comme bien d’autres pointures telles que Bobby Rahal, Arie Luyendick et Mario Andretti.
Au 152e tour pourtant, Michael Andretti double Fittipaldi après une longue chasse…mais son moteur explose quelques boucles plus tard. La « malédiction Andretti » continue à Indianapolis ! Le brésilien récupère la tête avec une belle marge devant Al Unser Jr, qui s’était pourtant retrouvé à 1 tour en début de course. Les deux hommes ont mis une valise au reste du peloton puisque le 3e, Raul Boesel, est distancé à 6 tours du leader !
A 20 tours du but, un drapeau jaune donne l’occasion d’effectuer un dernier arrêt. Fittipaldi passe aux stands mais perd du temps, en partie à cause …d’un véhicule de sécurité qui le gêne à la sortie des stands. Al Unser Jr fait une bonne opération, puisque le drapeau jaune annule son retard. Mieux, son équipes Galles fait le pari de ne pas l’arrêter aux stands pour faire le plein, ce qui lui donnera en fin de course une voiture plus légère que Fittipaldi.
Finish roues dans roues
La course reprend au tour 185. Fittipaldi profite dans un premier temps du trafic pour reprendre quelques secondes d’avance, mais une fois la voie libre, Unser Jr rattrape son retard grâce à sa légèreté et fait la jonction au tour 193. En plein trafic, les deux voitures se frôlent dangereusement au tour 194 puis, au tour 195, Unser Jr passe, le public est en délire ! La réalisation TV s’attarde aussi sur les épouses respectives des deux champions, qui ne tiennent plus en place. La tension est à son comble.
A deux tours du but, les leaders arrivent une nouvelle fois sur du trafic. Fittipaldi n’a pas dit son dernier mot. Il prend des trajectoires très tendues et se blottit dans l’aspiration de Al Unser Jr, en slalomant entre les retardataires. La course-poursuite est incroyable. Au 199e tour, Fittipaldi se porte à hauteur d’Unser Jr et doit donner un coup de volant réflexe pour éviter le contact. Les deux hommes abordent côte à côte le virage 3, lorsque la Penske du brésilien sous-vire légèrement et touche Unser Jr. Ce dernier est projeté violemment contre le mur, c’est l’abandon ! Fittipaldi se rattrape in extremis et gagne l’Indy 500 sous drapeau jaune, au volant d’une Penske arborant la même livrée rouge et blanche que la McLaren-Honda !
Pour la première fois dans l’histoire d’Indianapolis, un sud-américain remporte les 500 miles. La dernière victoire d’un non-américain remontait à 1966 avec Graham Hill. 1989 est l’année de Fittipaldi, qui gagne 4 autres courses et le championnat CART , là aussi une première pour un sud-américain. Le succès d’Emmo marque en quelque sorte le début d’une forte internationalisation du CART, qui culminera au milieu des années 90 avec un plateau de pilotes mondialisé et plusieurs courses hors des USA, dont une à Rio. Et comme pour la F1, Fittipaldi fit office de pionnier des latinos en CART (avec Raul Boesel et Roberto Moreno) avant la déferlante des années 90 où l’on croisera Gugelmin, De Ferran Montoya, Castroneves, Kanaan, Christian Fittipaldi, etc.
« Emmo » remportera une seconde fois Indy 500 en 1993, après un superbe duel avec Nigel Mansell. Le brésilien commettra cependant un impair lors de la cérémonie sur la fameuse « Victory Lane », en substituant à la traditionnelle bouteille de lait bue par le vainqueur un jus d’orange 100% pur jus du Brésil. Une incartade qui déclenchera une vraie polémique, surtout avec les fans les plus intransigeants…
Images : Indycar, wikimedia commons
Article très agréable 🙂