Pièces détachées : enquête de l’UE contre Renault, Nissan, PSA, FCA et JLR

La Commission européenne enquête actuellement sur les infractions à la loi antitrust sur les pièces automobiles  qu’auraient commises Renault, Nissan, PSA, Fiat Chrysler Automobiles (FCA) et Jaguar Land Rover (JLR). C’est en tout cas ce que vient d’annoncer le magazine allemand Der Spiegel.

Entente sur les prix ?

L’enquête menée – avec l’aide du cabinet Accenture – a pour objectif de déterminer si les entreprises se sont entendues pour augmenter les prix des pièces d’automobile jusqu’à 25%. Selon le journal allemand, l’enquête de la commission aurait débuté en décembre dernier. Der Spiegel ne précise pas quelles sont ses sources.

Les porte-parole de Jaguar Land Rover, PSA et Fiat Chrysler ont refusé de commenter. Les représentants de Renault et de Nissan n’ont pas pu être contactés pour le moment.

Il s’agirait de la deuxième enquête à grande échelle de la Commission sur les constructeurs automobiles européens. En septembre 2018, l’institution a déjà ouvert une enquête en vue de déterminer si Volkswagen, Daimler et BMW s’entendaient sur la technologie des émissions propres automobiles.

Une enquête dans un secteur d’ores et déjà soumis à de fortes tensions

Si les affirmations du journal s’avéraient confirmées, ces investigations arriveraient à un moment difficile pour les entreprises, qui font déjà face à des vents contraires sur un certain nombre de fronts, notamment des droits de douane sur leurs ventes de véhicules à destination des États-Unis et la menace imminente d’un Brexit sans accord qui aurait un impact très négatif sur leurs chaînes d’approvisionnement entre l’Union européenne et le Royaume-Uni.

Une enquête de la Commission européenne sur les pièces détachées automobiles aggraverait également les déboires de Renault et de Nissan, les deux sociétés devant faire face aux retombées de l’arrestation, le 19 novembre, de leur ancien président, Carlos Ghosn, emprisonné à Tokyo dans l’attente du procès pour présomption de malversations financières.

Entente Renault / PSA pour gonfler le prix des pièces détachées ?

En juin 2018, des documents confidentiels, obtenus par Mediapart et l’EIC (European Investigative Collaborations), indiquaient que Renault et PSA se seraient entendus pour gonfler pendant des années le prix de certaines pièces détachées.

Les documents recueillis par Mediapart seraient issus du cabinet de conseil Accenture. Ce dernier aurait fourni à PSA et Renault un « logiciel très sophistiqué » qui aurait permis aux deux constructeurs de pratiquer des hausses de prix de manière aussi rusée qu’indétectable. Ou presque.

Cet outil, baptisé Partneo, servirait notamment à déterminer la valeur de l’équipement telle que perçue par le client et le prix maximum qu’il serait prêt à payer, le tout afin de fixer des tarifs plus élevés. Une manière d’augmenter les prix sans modifier d’un iota le coût réel de fabrication des pièces pour les constructeurs. Mediapart sous-entendait par ailleurs que PSA et Renault se sont coordonnés sur le sujet, sans toutefois indiquer comment.

Une astuce aussi illégale que juteuse, puisque que Renault et Peugeot auraient pu par ce biais réaliser chacun des profits annuels de plus de 100 millions d’euros, en augmentant artificiellement le prix de certaines pièces détachées.

Selon Mediapart, à partir de la fin des années 2000, Renault et PSA auraient opéré une hausse de 15% des prix des pièces détachées pour lesquelles ils sont en situation de monopole, qualifiées de « pièces captives ». Le journal ajoutant qu’au niveau mondial, les deux constructeurs auraient ainsi soutiré près de 1,5 milliard d’euros aux automobilistes en dix ans.

Grâce à des algorithmes complexes gérés via le logiciel et à une large base de données créée par Partneo, les prix de certaines pièces se seraient envolés : une hausse de 264 % pour une protection de roue de Dacia Sandero, de 100 % pour un rétroviseur de Clio 3 …

Le journal indique par ailleurs que ces pièces « captives » représentent en moyenne pour les  constructeurs 30 à 50 % des revenus issus de la vente des pièces détachées, « et bien davantage en France ». Rappelant par ailleurs l’engagement des associations de consommateurs contre l’exclusivité des constructeurs sur les pièces automobiles.

Renault et PSA réfutent les accusations en 2018

Les deux groupes avaient néanmoins formellement nié ces accusations. En réponse à Mediapart, Renault avait indiqué ne s’être « engagé dans aucune coordination, de quelque forme que ce soit, avec PSA » et n’avoir jamais « emprunté une démarche qui puisse relever, de près ou de loin, d’une violation des règles de concurrence« . PSA avait pour sa part totalement contesté ces accusations, les qualifiant d’ »infondées« .

L’Autorité de la concurrence en alerte

L’affaire est loin d’être close, indiquions-nous en juin 2018. Ajoutant que l’Autorité française de la concurrence aurait d’ores et déjà ouvert une enquête en 2017 sur le dossier avant de la refermer au bout de quelques mois et qu’elle pourrait à nouveau se saisir de l’affaire compte tenu de ces nouveaux éléments.

Mediapart indiquait également que l’Autorité précisait que « les éléments portés à sa connaissance »ne justifiaient pas l’ouverture d’une « enquête approfondie », mais qu’elle « se réservait la possibilité de le faire » si de nouveaux éléments lui étaient communiqués.

En 2011, l’Autorité de la concurrence constatait que le prix des pièces détachées en France était reparti à la hausse après avoir baissé entre 1996 et 2003. « Les prix ont augmenté de 13 % hors inflation entre 2000 et 2010 en France, alors qu’ils ont baissé partout ailleurs en Europe », constatait-elle, soupçonnant une fraude.

Sources : Bloomberg, Der Spiegel, Mediapart, AFP

(16 commentaires)

  1. Et bien ! Encore un scandale ! Mais si cela s’avère vrai les automobilistes vont se sentir encore plus vaches à lait …

    1. On remarquera que les mêmes personnes qui fondent comme des vautours se délectant de leur proie quand il s’agit de VW sont « étrangement » absents.
      Curieusement quand une entreprise française est concernée les commentaires se raréfient. Amusant.

  2. Une nieme accusation. Que va t’elle donner ?
    La piece d’origine sera forcement trop cher, vu du point de vue client. Mais quelle technicité derrière une simple porte ou demarreur ? Combien d’heures d’etudes ?

    1. Quand en gros la somme des pièces détachées revient à plus de 3 à 4 fois le prix du véhicule neuf, il n’y a pas besoin de faire de grands calculs pour comprendre qu’il y a « légère exagération »

    1. oui mais là c’est justifié ptdr
      Pour ma part, je suis surpris que seuls ses groupes là soient visés … pourquoi les autres n’en feraient-il pas tout autant ?

      1. Peut-être parce qu’ils ne sont pas encore visés par cette enquête. Ou, tout simplement, ils ne sont pas concernés.

        1. oui enfin, pour ce qui est des constructeurs allemands, difficile de croire qu’ils ne seraient pas « concernés » quand on sait qu’ils ont déjà eu moults scandales de ce genre tel le cartelgate. En plus, Accenture (le cabinet à l’origine de ses révélations) travaille avec les constructeurs allemands. Difficile donc d’imaginer ce cabinet dénoncer ses partenaires !
          https://www.accenture.com/us-en/success-driving-innovation-experience

          1. « Difficile donc d’imaginer ce cabinet dénoncer ses partenaires ! »
            Ce n’est pas faux.

  3. Lancer des prix comme ça c’est n’imp
    Et la fiabilité des pièces? Car si plus cher alors qu’elle dure plus longtemps y a pas d’arnaque.
    Après fait arrêter de rêver tous font en sorte de vendre au plus haut possible.
    Qd je vends sur un site je vends au plus haut possible et pas à la valeur de l’objet

  4. Qui peut encore croire qu’ en matière de commerce les concurrents ne s’ observent pas ? Dès qu’ une hausse est opérée chez l’ un, elle est systématiquement répercutée chez les autres et depuis que le monde est monde. Et c’ est en général le leader du marché qui donne le ton.

    1. Le benchmark et l’entente sur les prix n’a strictement (mais alors, strict-ement!) rien a voir.
      Dans un benchmark, l’un essaye de battre l’autre dans un jeu de concurrence. « les gars! Citroen vient de lancer une promo! Ils sont 4 points plus aggressifs que nous! Sortez moi une propal avant la fin de la semaine pour s’aligner ou faire mieux! ». Ca, c’est au benefice du consommateur et c’est le simple jeu de la concurrence. Et oui, ca existe depuis la nuit des temps.

      L’entente sur les prix, c’est un representant de Renault qui appelle un autre de chez Citroen: « Bon, je propose un deal. On arrete de se courir apres comme ca. Ca devient epuisant et ca bouffe nos marges. Je propose qu’on se mettent d’accord pour se caler a 100 a 112% de nos couts de revient unitaire, avec un delta max entre nos de prix de 5 points. Pas sur tout hein, on va se faire griller sinon. Mais sur telle et telle categorie. »
      Ca, c’est anti-concurrentiel et en plus, le client se retrouve piege. Chaque reparation lui coute plus chere (ou a minima, il n’y a plus rien qui les rendra moins chere) et les assurances augmentent. Et c’est illegal. Bien sur, ca arrive. A petite echelle, en general. Mais c’est nettement plus rare, car difficile a faire discretement.

      1. J’adore ces personnes qui mettent -1 sans argument derriere. Ou comment « c’est meme pas vrai!! » se dit en un clic sur un bouton.
        En particulier quand c’est en reponse a des faits qui s’apprennent a l’ecole.

  5. En collaborant avec les autorités, Accenture cherche probablement à se racheter pour éviter une pénalité.

    D’après l’article de Médiapart:
    – Partneo a été initialement développé par un entrepreneur
    – Renault a été le premier à l’utiliser et à participé à sa mise au point avec des résultats probants pour eux.
    – Accenture a racheté la boite de l’entrepreneur ainsi que l’exploitation du logiciel
    – Accenture a démarché PSA avec ce produit « prêt à l’emploi », c’est à dire avec tous les paramètres déjà définis par l’expérience de Renault. En faisant ainsi, Accenture a ainsi « partagé » la politique de prix définie par Renault sans en avertir son client et à l’encontre de probable close(s) contractuelle(s).

    Le « scandale » est surtout à l’initiative de l’entrepreneur…pas d’Accenture, qui n’a désormais pas vraiment le choix de collaborer.

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