La F1 et les USA, une relation compliquée

Des champions et un moteur de légende

L’Amérique, attachée à son indépendance, a toujours organisé ses propres instances politiques de sport automobile face aux championnats estampillés FISA-FIA et longtemps « européano-centrés ». Cela n’empêchait pas cependant les contacts et les engagements respectifs de structures et de pilotes de part et d’autre de l’Atlantique, à une époque où les règles d’engagement étaient plus souples, les budgets plus accessibles et les contrats moins contraignants qu’aujourd’hui. Si l’on met de côté l’intégration incongrue de l’Indy 500 au classement dans les années 50 (Indy500 ne figurait pas au calendrier mais les meilleurs pilotes de la course se voyaient attribuer des points au championnat du monde d’après le barème F1 en vigueur), un premier âge d’or de l’Amérique en F1 s’est produit dans les années 1960-70.

L’époque est marquée par les titres de Phil Hill (avec Ferrari en 1961) et Mario Andretti (1978 avec Lotus) ainsi que la présence de nombreux talents (Richie Ginther, George Follmer, Mark Donohue, l’immense Dan Gurney, Peter Revson) et de constructeurs privés aux fortunes diverses (Eagle, Penske, Parnelli, Shadow). La médiatisation croissante et l’essor du sponsoring se traduisent par un investissement massif de nombreuses sociétés américaines, dont la plus emblématique reste Marlboro. Ford, avec son mythique V8 Cosworth, motorise la quasi-totalité du plateau dans les seventies, exception faite de Ferrari et d’Alfa Romeo qui se lie avec Brabham. C’est aussi un temps où le calendrier comptait deux courses américaines, avec le Grand Prix des États-Unis Ouest et le Grand Prix des États-Unis Est.

La reculade des eighties

Dans les années 80, les Grands Prix américains demeurent au calendrier de la F1 mais souffrent de circuits peu inspirés et moins attractifs que Watkins Glen ou Long Beach, le « monaco » américain. Le rocambolesque tracé de Las Vegas, sis sur un parking (!) et l’impersonnel tourniquet dans les rues de Détroit ne remportent pas l’adhésion. Ford, qui motorise principalement Benetton, est néanmoins supplanté par Renault, TAG et Honda et les engagements d’écuries américaines sont de gros ratés, comme l’aventure Lola-Haas (fondé par Carl Haas, qui fut propriétaire avec l’acteur Paul Newman de la légendaire écurie Newman-Haas et à ne pas confondre avec le team Haas actuel).

Contrairement à la vitesse Moto où les eighties sont une décennie de domination américaine (Roberts, Spencer, Lawson, Rayney), quelques pilotes yankees sont présents mais ne percent pas, à l’instar d’Eddie Cheever. Le Grand Prix disparaît sans faire de regrets après l’édition 1991 disputée dans les rues de Phoenix. Quant au retentissant échec de Michael Andretti chez McLaren en 1993, il refroidit sans doute les ardeurs de ses compatriotes et met en lumière le fossé qui s’est creusé de part et d’autre de l’Atlantique. Ford maintient son implication, récompensée par un titre avec Benetton en 1994, mais la sauce ne prend pas pour autant : la sophistication technologique croissante et l’hyper-professionnalisation de l’environnement de la F1, qui la rend toujours plus onéreuse mais aussi moins accessible au public, creuse un peu plus le fossé culturel entre l’Europe, épicentre financier, humain et médiatique de la F1, et l’Amérique dont la philosophie et l’approche de la course diffèrent nettement.

Ajoutons à cela que le CART, équivalent US de la F1, connaît une popularité croissante dans les années 90 avec l’implication de grands constructeurs (Mercedes en 1994 avec Ilmor,  Honda à partir de 1995) et l’internationalisation du plateau qui regroupe de vieilles gloires (Mario Andretti, qui dispute sa dernière saison en 1994 à…54 ans ! , Emerson Fittipaldi, Nigel Mansell) et des jeunes aux dents longues (Paul Tracy, Jacques Villeneuve, Dario Franchitti, etc.). Le schisme Indycar/CART de 1996 affaiblissant la discipline reine de la monoplace américaine, l’investissement renforcé de Ford comme constructeur en F1 (avec Stewart) semble pouvoir rallumer la flamme. Le Grand Prix des USA fait son retour au calendrier en 2000, sous l’impulsion d’Ecclestone et des constructeurs pour lesquels le marché nord-américain est incontournable (à l’exception de Renault, qui n’y est pas implanté).

L’affront d’Indianapolis

La sauce ne prend pas malgré tout : la piste « routière » d’Indianapolis (Infield), assez fade, souffre de la comparaison avec le mythique ovale, et l’absence d’équipes et de pilotes américains atténue nettement l’engouement local, en dépit de la cote de popularité du colombien Juan-Pablo Montoya qui touche le public hispanique.

L’improbable Grand Prix des USA 2005, saboté par l’imbroglio (et les querelles intestines) entre la FIA et Michelin sur les risques de sécurité liés aux pneumatiques, et qui se disputa avec seulement 6 voitures (celles équipées en Bridgestone), déclencha la fureur du public et porta un coup très rude à la popularité de la discipline. Les organisateurs de la course furent même tenus à l’écart des tractations ayant finalement abouti à ce désastre, prenant cette attitude pour un insupportable camouflet infligé par l’arrogante F1. Plombé financièrement, le Grand Prix disparu de nouveau après l’édition 2007. L’équipe USF1 envisagée fin 2009, dans la perspective de l’élargissement du plateau en 2010, est restée un projet mort-né.

Le renouveau, en attendant un champion

La course est revenue en 2012, avec un nouveau tracé spécifiquement conçu pour la F1, implanté à Austin, au Texas. Plutôt apprécié, il bénéficie aussi de l’engouement des hispaniques pour la F1 lié en partie à l’effet Sergio Perez. L’arrivée de l’écurie Haas, déjà impliquée en Nascar, réaffirme davantage la présence américaine. Cette nouvelle dynamique a suscité de nouveaux projets de Grand Prix à New York ou encore Miami, qui sont pour l’instant restés lettre morte. Le Grand Prix connaît un succès certain et pérenne, mais le pari de la popularité de la F1 aux USA pour toucher un public très large, passera sans doute par le retour de pilotes à la bannière étoilée, un univers F1 plus accessible et une compétition plus serrée, à l’image de ce que la Nascar sait faire et de ce à quoi le public américain est habitué. Sans pilote national, point de salut ? Ils furent très rares ces dernières années. Le passage de Scott Speed chez Toro Rosso en 2006-2007 fut un échec total et Alexander Rossi, qui a été vu chez Marussia en 2015, s’est relancé avec succès vers l’Indycar. Qui sera le prochain pilote US en F1 ?

Images : formula1, flickr et wikimedia commons

Un commentaire

  1. même la Nascar traverse une crise de popularité aux usa (sponsors qui partent, audiences tv en chute, tout comme la fréquentation sur les circuits)
    alors la F1 avec son paddock fermé….les américains se foutent bien de la F1 🙂

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