24 heures du Mans 2018 : Toyota entre dans l’histoire

Deux dernières heures sous tension

Quand la Toyota TS050 Hybrid N°7 fut signalée au ralenti dans la ligne droite des Hunaudières. avec Kamui Kobayashi au volant, la pression est montée d’un cran. D’autant plus que la caméra embarquée dans le voiture montrait que l’auto était bloquée en première vitesse à 80 km/h. Une fois que le pilote ait pu ramener l’auto au stand, Pascal Vasselon, directeur de Toyota Motorsport GmbH expliquait: « Notre pilote nous a fait une blague. Il a tout simplement oublié de s’arrêter au stand pour ravitailler lors du tour précédent. Il est donc rentré en mode économie de carburant. »

On aura du mal à croire cela, d’autant plus que pour avoir entendu Sébastien Buemi dire « ils nous ont demandé de ne pas pousser », on peut plutôt penser que quelques soucis au niveau de la gestion du nombre de pneumatiques réclame un ajustement précis, qu’il convenait d’effectuer pour éviter toute pénalisation.  De plus, Toyota ne pourra sans doute pas prétendre à battre le record du nombre de tours en course, à cause des safety-car. En effet, plus que jamais l’impérieuse nécessité de vaincre enfin au Mans impose une prudence stratégique et de pilotage de tous les instants et qui devient pesante pour tous ceux sont directement impliqués dans cette affaire.

Alors, oui au final Toyota aura rempli son contrat de vaincre, enfin au Mans. Rebellion en catégorie LMP1 non-hybride a relevé le gant avec maîtrise et détermination confirmant sa place de grand team dans ce monde impitoyable de l’endurance.

On pourra toujours gloser sur le fait que Toyota était seul au monde ou presque. On oublie les éditions où Porsche ou encore Audi n’avaient pas plus grosse opposition. De plus, il faudra encore patienter, car l’an prochain, pour boucler la grande saison à cheval sur 2018-2019, on se trouvera au Mans avec la même réglementation.

Une bagarre en LMP2

Nous avons, depuis le début de cette 86ème édition des 24 heures du Mans, toujours mis en avant la qualité des concurrents engagés en catégorie LMP2. Tout au long des deux tours d’horloge les 20 équipes ont apporté la preuve à la fois de la qualité des autos, du haut niveau de pilotage et de staffs techniques très expérimentés.

On n’est pas étonné de voir triompher le G-Drive Racing sur l’Oreca N°26, qui avait déjà accédé à la seconde place en LMP2 en 2015 et 2016.

L’Alpine N° 36 qui avait gagné en 2016 et terminé 3ème en 2017 accède à la seconde place. On voit accéder à la troisième place, le Graff-So24 qui au Mans s’était classé 5ème en 2017.

Comme nous avions bien senti à travers les propos de notre ami Tristan Gommendy combien cette édition avait été préparée avec un soin infini, nous avions choisi d’aller rencontrer Vincent Capillaire son équipier en début de course.

Voilà ce qu’il nous confiait.

« On avait perdu un peu de temps aux essais à cause d’une panne électrique que l’on a préféré résoudre pour être tranquille pour la course  on a perdu 3 à 4 heures d’essais qu’on a pu en partie rattraper en fin des qualifs Q3 et Q4. De cette  façon nous disposons d’une bonne auto, c’est sympa à rouler. On s’en sort pas trop mal même si avec les GT qui ne se font aucun cadeau. Ils se mettent bien à deux de front , à nous de faire le job pour trouver les endroits pour passer sans risque. »

A deux heures de l’arrivée nous le retrouvions  avalant un frugal repas.

Alors le roulage c’est terminé pour vous?

« Non, justement il est possible que je remonte dans la voiture pour le finish. Tout va dépendre de mes coéquipiers, de leur forme. »

Dans quel état d’esprit est-on quand on vise le podium?

« Il faut faire totalement abstraction de ce que peut être notre place à l’arrivée  et se mettre dans une bulle. On y arrive en  s’immergeant avec ses mécaniciens , on ne se pose aucune question, on verra  e qui se passera quand il y aura le damier, mais tant qu’il n’a pas le damier… »

La voiture est toujours efficace?

« La voiture marche bien. Nous ne connaissons aucun problème. Nous avons une bonne balance, la voiture est efficace. La piste devient très piégeuse, nous devons rester extrêmement vigilant. Tout est possible et il faut rester très concentré. »

On sait que dans cette catégorie une lutte sans merci opposait Oreca et Ligier. Ligier a tenu la dragée haute à Toyota tant que la N°33 du team Panis-Barthez a pu exploiter à fond son auto chaussée en Michelin très efficaces. Malheureusement le problème d’embrayage ruina ses espoirs et elle rallie l’arrivée en 11ème position de la catégorie laissant la Ligier n°32 d’United Autosports hisser les couleurs de la marque à une  5ème place méritoire.

Porsche gagne en GTE, comme un pied de nez

Nous l’écrivions, je crois dès la journée test, Porsche n’entendait pas disparaitre du palmarès des 24 heures, même si l’on ne concourrait plus pour le classement scratch.

Il semble bien que l’on ait dupliqué le service course existant pour les 919, -sans doute réclamant un budget moindre- en l’appliquant aux Porsche 911 RSR. Alors, sur ces 24 heures, avec un culot monstre les pilotes des Porsche comme des Ford ne se quittèrent pas d’une roue mais avec les allemands devant, les quatre autos étant classées dans le même tour.

En GTE Am, la lutte ne fut pas moins rude entre la Porsche Dempsey n° 77 et la Ferrari N° 54 Spirit of the race.

Au final cette édition fut exceptionnelle. On se réjouira tout particulièrement pour Pascal Vasselon le directeur technique Toyota dont nous saluons la résistance psychologique et la rigueur technique.

Avec 256 900 spectateurs les 24 heures du Mans démontrent la place qu’elles tiennent dans le cœur du public. Alonso a su attirer les foules  et conquérir une victoire historique d’un pilote de Grand Prix en activité remportant la course pour sa première participation.

[Mise à jour 18/06/2018 : la Ford GT #67, arrivée 4ème a reçu une pénalité pour ne pas avoir suffisamment réparti le temps de roulage des pilotes. Kanaan n’a pas assez roulé. Elle est déclassée à la 12ème place.]

Position Cat. Equipe
1 #8 LMP1 Toyota Gazoo Racing
2 #7 LMP1 Toyota Gazoo Racing
3 #3 LMP1 Rebellion Racing
4 #1 LMP1 Rebellion Racing
5 #26 LMP2 G-DRIVE RACING
6 #36 LMP2 Signatech Alpine Matmut
7 #39 LMP2 GRAFF-SO24
8 #28 LMP2 TDS RACING
9 #32 LMP2 UNITED AUTOSPORTS
10 #37 LMP2 Jackie Chan DC Racing
11 #31 LMP2 DRAGONSPEED
12 #38 LMP2 Jackie Chan DC Racing
13 #29 LMP2 Racing Team Nederland
14 #33 LMP2 Jackie Chan DC Racing
15 #23 LMP2 PANIS BARTHEZ COMPETITION
16 #35 LMP2 SMP RACING
17 #92 GTE Pro Porsche GT Team
18 #91 GTE Pro Porsche GT Team
19 #68 GTE Pro FORD CHIP GANASSI TEAM USA
20 #67 GTE Pro Ford Chip Ganassi Team UK
21 #63 GTE Pro Corvette Racing – GM
22 #47 LMP2 CETILAR VILLORBA CORSE
23 #52 GTE Pro AF CORSE
24 #66 GTE Pro Ford Chip Ganassi Team UK
25 #51 GTE Pro AF CORSE
26 #95 GTE Pro Aston Martin Racing
27 #71 GTE Pro AF CORSE
28 #77 GTE Am Dempsey – Proton Racing
29 #54 GTE Am SPIRIT OF RACE
30 #93 GTE Pro Porsche GT Team
31 #85 GTE Am KEATING MOTORSPORTS
32 #99 GTE Am PROTON COMPETITION
33 #84 GTE Am JMW MOTORSPORT
34 #80 GTE Am EBIMOTORS
35 #50 LMP2 Larbre Competition
36 #81 GTE Pro BMW Team MTEK
37 #56 GTE Am Team Project 1
38 #61 GTE Am Clearwater Racing
39 #97 GTE Pro Aston Martin Racing
40 #70 GTE Am MR Racing
41 #69 GTE Pro FORD CHIP GANASSI TEAM USA
42 #5 LMP1 CEFC TRSM Racing
43 #86 GTE Am Gulf Racing
44 #44 LMP2 EURASIA MOTORSPORT
45 #11 LMP1 SMP RACING
46 #48 LMP2 IDEC SPORT
47 #90 GTE Am TF Sport
48 #22 LMP2 UNITED AUTOSPORTS
49 #64 GTE Pro Corvette Racing – GM
50 #10 LMP1 DRAGONSPEED
51 #25 LMP2 ALGARVE PRO RACING
52 #88 GTE Am Dempsey – Proton Racing
53 #82 GTE Pro BMW Team MTEK
54 #40 LMP2 G-DRIVE RACING
55 #34 LMP2 Jackie Chan DC Racing
56 #6 LMP1 CEFC TRSM Racing
57 #17 LMP1 SMP RACING
58 #94 GTE Pro Porsche GT Team
59 #98 GTE Am Aston Martin Racing
60 #4 LMP1 Bykolles Racing Team

Alain Monnot

Illustration : T. Emme/Leblogauto.com

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(19 commentaires)

  1. Bravo à Toyota. Certes ils n’avaient pas à gérer de concurrence directe, mais ils ont fait, enfin, une course sans faute, hormis quelques pénalités bénignes. Et les évènements ont fait qu’ils n’ont pas eu à trancher arbitrairement entre leurs deux voitures, ce qui nous a même donné un début de bagarre pendant la nuit où Alonso et Kazuki ont mis le pied dedans de façon convaincante. Bravo aussi à Alonso qui a parfaitement joué son rôle, sans en faire trop, contrairement à un certain nombre de médias obsédés par la F1 et ne pouvant pas arriver à voir le sport auto sous un autre prisme. C’est assez agaçant.

    Déception par contre avec les autres LMP1, même s’il pouvait difficilement en être autrement. Le beau début de course de Stéphane Sarrazin sur la BR1 no17 et le podium de Rebellion ne peuvent pas masquer le manque de de fiabilité qui a décimé la catégorie et rendu caduque le débat sur l’équivalence de technologie. Trop rapide ou pas assez, de toute façon aucune n’a pu rouler sans ennui… Les choses devraient s’améliorer d’ici l’édition 2019.

    Bravo aussi à Porsche qui a parfaitement géré la course en GTE Pro, même si Fred Mako a été un peu rude dans sa défense contre Sébastien Bourdais. Un doublé des 911 RSR, quelle meilleure manière de fêter les 70 ans de la marque. Le fait que les Ford, la Corvette no63 et même les Ferrari et les BMW n’étaient pas si loin montrent que les ajustements multiples de la Balance de Performance durant la semaine n’ont pas été vains.

    La révélation de la course pour moi a été la prestation d’Andrea Pizzitola dans la voiture gagnante en LMP2. C’est sans doute lui qui a fait la différence, étant bien meilleur que sa classification Silver. On n’a pas fini d’entendre parler du jeune Montpelliérain. De même Julien Andlauer en GTE Am, lui aussi auteur d’une très belle semaine mancelle. La relève de l’endurance française, entre la génération de ceux qui arrivent au sommet comme Thomas Laurent et Kevin Estre, et la suivante vue ce week-end, est assurée.

  2. Dommage que Porsche et Audi n’étaient pas à la fête, mais la malchance de Toyota aura été quelque fois un adversaire plus coriace que la concurrence au 24h. Pas d’erreur pour la N°8 et un gros boulot de Alonso pendant la nuit pour refaire le retard avec la N°7. Une victoire largement méritée, une délivrance et beaucoup d’émotion pour tout le monde dans la voie des stands.

    Une course parfaite de JEV en LMP2 qui est en très grande forme cette année et superbe victoire sur ce plateau ultra concurrentiel.

  3. Audi s’est retrouvé dans cette situation de nombreuses fois(j’inclue les deux années Bentley, puisque c’était aussi des Audi « recarrossées et remotorisées » alors ne boudons pas cette victoire Toyota 😉

  4. Dommage pour les accidents des privés (3 accidents et 2 problèmes techniques sur les 5 abandons), on à pu voir qu’elles sont toutes (sauf Ginetta) capable de tourné en 3:20 (ou mieux) ce qui est pas mal, mais quand même à 5s de Toyota, dommage aussi que Dragonspeed ai un pilote qui tournait moins vite que les lmp2 (en course en moyenne il était 10s plus lent que Van Der Zende)
    J’espère que la saison de WEC va permettre de les fiabiliser et qu’ils soient tous mieux préparées l’année prochaine pour la revanche (première fois de l’histoire que ça arrive?) et en espérant que maintenant que Toyota a gagné, que l’EOT rapproche les privés, parce que là les lmp2 étaient plus proche des privés que les privés proche des Toyota…
    Aussi je suis quand même surpris qu’une Ginetta ai vu l’arrivé, en espérant que maintenant ça commence à se stabilisé pour eux

    Bonne courses des Porsche qui ont été protégées par l’esprit de la 917 et de la 956 on dirait

    Aussi au vu des temps et du budget annuelle d’environ 3 millions, est ce que les lmp2 sont pas les voitures de course les plus rentable de l’histoire?

  5. toyota tel le shadok sauvage a appliqué le trait de sagesse suivant: plus ça rate plus ça a de chance de réussir.

    la 20 ème fois est ENFIN la bonne sinon comme l’a dit et le diront les commentateurs cette victoire n’est pas la pire que le mans ait vue ,les innombrables victoires Audi et Porsche le démontrent.

    De plus du fait de s’afficher « partout »sur le circuit du mans audi apparaissait un peu trop puissant comme mécène de l’aco…..

      1. Ils ont gagné moralement, pour les autres fois où ils les méritaient réellement, bref, ils ne l’ont pas volée la victoire…

  6. Bravo à Toyota qui tient enfin sa première victoire et qui a vaincu son pire ennemi : lui même, qui lui a fait perdre les éditions 1999, 2014, et 2017 (vu leur supériorité, on ne pouvait pas dire que les constructeurs engagés dans ces éditions étaient des adversaires !)

    Toyota aura un avantage face à Porsche, celui de ne pas avoir perdu contre un privé !

    Quelle bagarre en GTE ! Je regretterai aussi un Fred très agressif envers Sebastien, mais compréhensible vu l’intensité qu’il y avait dans le duel, et ce depuis un moment !

    Dommage de ne pas avoir vu des Ferrari plus en verve en revanche!
    Par contre une corvette abandonnant sur problème moteur, ça n’était pas arrivé depuis quand ? ^^

    1. @SGL : mais mais….. « Avec 256 900 spectateurs les 24 heures du Mans… » dernier paragraphe 😉
      Attention, ils ne comptent pas les invités par les marques, etc.

  7. Ah mais personne ne dit qu’ils l’ont volée 🙂
    il faut quand même tenir 24h, et pour trouver une image, même Usain Bolt dans un championnat de France, qui accepte de courir sans pointe et en prenant un départ 2m derrière peut ne pas finir 😀

    https://twitter.com/lequipe/status/1008481933288968192

    Alonso a droit à un petit bout de une en haut à droite….Toyota rien du tout, Buemi, Nakajima rien du tout……
    Et les U20 champions du monde de rugby même pas mentionnés.

  8. Une belle leçon pour Toyota qui malgré plusieurs échecs et beaucoup de malchance ( y’a 2 an de mémoire , perdre la course à 2 roues de la ligne d’arrivé face à Porsche avec une voiture bien plus performante j’ai enragé pour eux … ) beaucoup de persévérance ça aura fini par payer ! Félicitation , je suis super content pour eux ! 🙂

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