Total importera de l’huile de palme pour ses biocarburants

C’est un scandale écologique sous une belle couverture verte qui se prépare avec Total et son accord étatique sur l’huile de palme.

L’huile de palme est surtout connue pour être pas chère, et d’avoir des propriétés qui intéressent l’industrie agroalimentaire. Elle est aussi connue pour être très sale du point de vue environnemental et d’être aussi mauvaise pour la santé.

Mais, cela reste aussi une huile. Et cela peut rentrer dans la composition de carburants. Pour Total, le projet remonte à plus de 2 ans. La raffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône) est en pertes chroniques.

275 millions d’euros investis

Pour remédier à cela, Total souhaite lui faire produire des « biocarburants » (qui n’ont de bio que le nom bien souvent). On peut par exemple utiliser des huiles usagées. Mais, cela a un coût de retraiter les huiles avant de les réutiliser. Total a donc demandé l’autorisation d’utiliser la fameuse huile de palme. A la clé, 275 millions d’euros investis sur le site (*).

L’Etat vient d’accorder à Total le permis d’exploitation de sa raffinerie. Tout en montrant du doigt cette ineptie, par la voix du Ministre de l’Environnement, Nicolas Hulot. Ou quand l’état se contredit lui-même sur fond d’emplois promis.

C’est d’autant plus incompréhensible que l’huile de palme est connue pour causer une déforestation massive en Indonésie, en Malaisie ou autres pays producteurs. Avec à la clé la destruction de l’habitat de milliers d’espèces dont les orangs-outans.

Pire encore, l’utilisation de l’huile de palme dans les carburants est prévue pour être interdite en 2021 en Europe. Enfin, si la France (entre autre) arrête de freiner des quatre fers. Etrange pour un pays qui il y a peu militait pour une interdiction rapide.

Revu à la baisse, mais…

Total, conscient de la mauvaise publicité que cela peut lui faire a décidé de réduire les importations prévues. De 550 000 tonnes d’huile de palme par an, Total se contenterait de 300 000. Mais, il faut bien être conscient que la France importe 136 000 tonnes pour l’industrie alimentaire. Ce n’est pas la seule industrie qui en importe. Au final, les importations devraient bondir de près de 65 % selon Greenpeace.

Total s’engage aussi à s’approvisionner auprès de filières certifiées. Insuffisant pour rendre « écologique » cette huile de palme selon les ONG. 150 000 autres tonnes nécessaires à la raffinerie de La Mède seront issues d’huiles recyclées ou de graisses animales. Une ressource circulaire bien plus intéressante d’un point de vue écologique.

Un coup dur pour la filière colza

Les « biocarburants » partent d’une bonne intention. Réduire de 60 à 90% les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour leur production par rapport à un carburant fossile classique. Mais, cette idée a été dévoyée par les pétroliers et au final les « biocarburants » utilisent des ressources alimentaires humaines, ou comme ici, des ressources « pire » écologiquement que les carburants fossiles.

Les producteurs français de colza réagissent également. En effet, le « biodiesel » est le premier débouché pour la filière. Avec l’importation massive d’huile de palme, ce débouché s’éloigne.

D’ici peu, le biodiesel (tous les carburants en France ont une part non nulle de « biocarburants ») aura comme un arrière-goût de déforestation. Mais, c’est à l’autre bout du monde donc…

(*) la plateforme de La Mède regroupe, en plus de la raffinerie, une plateforme de logistique et de stockage (1,3 million m3), une ferme photovoltaïque SunPower (capacité de production de 8 MW), un centre de formation aux métiers de l’industrie de Total, une unité de production d’AdBlue, d’une capacité de 50 000 m3/an et la production d’AvGas.

Illustration : Wagino (Creative Commons)

(20 commentaires)

    1. de l’autre côté, serais tu prêt à payer le plein de (bio)gasoil un peu plus cher? un (bio)gasoil qui ne serait pas à base d’huile de palme?

      ça me rappelle des gens qui se disaient révoltés par les fermetures des usines et délocalisations…..mais une fois dans les supermarchés, choisissent les articles en fonction du prix.

  1. A croire que les gens de chez Total n’ont pas d’enfants à qui ils souhaitent laisser une planète saine.

    On est pas pret de me revoir dans une station Total, si ce n’est par hasard…

    1. En même temps, le carburant total ne se retrouve pas que dans les stations Total 😉
      On en trouve (sans additifs, avec des additifs différents, etc.) dans diverses stations de supermarché, etc.
      Quant aux autres pétroliers, il y a des chances/risques qu’ils utilisent aussi l’huile de palme (ou pire), mais comme ils sont hors de France, on a pas l’info ou on passe à côté.

      Ce sont les agrocarburants de première génération qu’il faut éviter (ou interdire plus rapidement).

      1. L’argument qui dit de passer outre parce que les autres font la même chose ne tient pas.

        Total a largement assez de pognon et de matière grise pour developper ou au moins etudier des solutions énergétiques alternatives à celles qui existent.

        1. Attention, je n’ai pas dit de « passer outre ».
          Je dis juste qu’il ne faut pas croire que seul Total fait cela 😉
          Et si on veut ne plus aller dans une seule station d’un pétrolier qui a ce genre de pratiques, et bien…on risque de ne plus aller du tout dans une seule station.
          Rien de plus 🙂

  2. Il faudrait peut être que les agros carburants aient 3 labels , comme les aliments
    1. Biologiques (sans pesticides, sans engrais chimiques)
    2. Respectueux de la planète (bilan carbone négatif, pas de déforestation, consommation en eau mesurée)
    3. Respectueux des populations locales et des espèces animales

    Et je suis pret à payer plus cher un agro carburant biologique, produit avec de faibles émissions en CO2 (du puits au réservoir), et qui ne détruisent ni l’habitat ni les ressources des populations locales..

    Et dans ce cas, le colza made in France peut tout à fait devenir compétitif !

    Pour info, le pétrole est bio (c’est un produit d’origine 100% naturelle, fabriqué partir de biomasse il y a très (très) longtemps, sans aucun pesticide, engrais, ni déforestation …)

    1. Pour compléter, il n’y a pas de voiture bio, comme il n’y a pas de pain bio, mais de la matière premières issu de l’agriculture biologique pour le pain, cad par ex. blés cultivé biologiquement, le reste …. .
      Le pétrole brut est bio, pas l’essence.

  3. …j’parle pas carburants, mais qui a dit que le nutella était bon pour l’humanité. L’huile de palme: ça met surtout de la graisse sur l’abdomen et aussi « les abdos dans l’dos » juste à côté de l’aloyau , pour qui a l’oeil . Parlons en aussi au cardologues, ils donneront leur avis – Pour moi l’huile de palme est moins nocive chez le pompiste qu’au super marché rayon alimentaire; il y en a partout.

    1. L’huile de palme alimentaire et dans le carburant, c’est la même cochonnerie.
      Au final, on flingue la forêt primaire, l’habitat de milliers d’espèces d’animaux, pour le profit de qq’uns…pétroliers ou agroalimentaires.

      C’est un peu comme défricher la forêt équatoriale pour planter de la canne à sucre (éthanol)….ou comment faire pousser de la bouffe pour cramer dans un moteur.
      Inepte !

      1. tout à fait Thibaut ! c’est pour ça que je dévie ds mon passage sur l’alimentaire. Il se trouve en plus que je connais une personne dont les proches sont directeurs en Indonésie de ces exploitations massacres. On en a parlé ensemble mais en langue germanique. j’ai réussi à me faire entendre . En matière écologique on s’acharne sur l’automobile ( actualité …), mais les forêts roumaines dévastées pour faire du copeau sciure de kits meubles ikea, c’est du même ordre.

  4. Mince, moi qui croyais que l’industrie auto avaient laissé tomber les biocarburants au profit des VE, je l’ai pas vu passer celle-là ptdr

      1. Oui, en fait, d’après Air&Cosmos, il n’aurait pas loin d’une dizaine d’alternatives pour remplacer les carburants fossiles.
        L’US Navy le fait pour des raisons d’indépendances stratégiques.
        http://www.air-cosmos.com/l-us-navy-experimente-un-carburant-100-bio-84751
        https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/lus-navy-se-met-au-biocarburant-31680/
        Mais comme ils le disent : c’est réalisable, mais coûteux, il faut que le baril dépasse allègrement les 70 $.

    1. La piste du Jatropha a été abandonnée depuis longtemps : elle marche bien à l’échelle du labo, mais est inexploitable au niveau industriel pour le moment, il y a trop de disparité d’un champ à l’autre, on arrive pas à « réglé » le raffinage, il faut recalibrer à chaque lot de jatropha…

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