Tata, premier constructeurs indiens, fête ses 60 ans de présence dans l’automobile. Un virage à 90° pour ce groupe jusque là surtout présent dans les services.
Jehangir Ratanji Dadabhoy Tata était un véritable personnage de roman. Franco-indien, il nait à Paris en 1904 et grandit dans l’opulence. A Janson de Sailly, on le surnommait « l’Egyptien » (à cause de son teint « café au lait ».) Il effectua son service militaire dans le 1er régiment de spahis marocain. Sa connaissance de l’anglais et du français étaient très appréciés par l’armée. Mais son père lui demanda de revenir, pour l’expédier à Cambridge, où il finit ses études.
En tant que « Tata » son destin semblait tracé, avec un premier apprentissage, en Inde, en 1925. Mais « J.R.D. » était passionné d’avions. En 1929, il devint le 1er indien titulaire d’un brevet de pilote. Peu après, l’aviateur Nevill Vincent lui proposa de transporter le courrier de Bombay (terminus de la ligne aérienne anglaise), à Colombo. Et c’est ainsi que naquit Air Tata. Bientôt, elle quadrillait l’empire des Indes : Madras, Karachi, Bombay… Unique compagnie aérienne de la colonie, elle engrangeait de juteux profits. En 1938, le PDG de Tata Group, son cousin Nowroji Saklatwala fut victime d’une crise cardiaque. J.R.D., malgré ses 34 ans, était un successeur incontournable.
En 1947, l’Inde devint indépendante. Jawaharlal Nehru, désormais 1er ministre, nationalisa la compagnie aérienne, qui devint Air India. Mais il y eu des dédommagements (ainsi qu’un poste au conseil d’administration pour J.R.D.) Tata en profita pour lancer une diversification, l’automobile, avec Tata Engineering and Locomotive Company (TELCO.) Mercedes, en ruine, était bien content de passer un contrat commercial. Néanmoins, ce n’est qu’en 1954 que le 1er camion sorti de la 1ère usine, à Jamshedpur.
La suite fut assez significative de la lente montée indienne. En 1969, Mercedes prit ses distances (mais continua de fournir des mécaniques.) Mais le 1er poids-lourds vraiment conçu par Telco, le 407, n’arriva qu’en 1986.
En 1989, avec l’Estate, un break surélevé, il entra dans les voitures particulières. La prochaine étape, c’était la création d’une gamme. Elle débuta par le SUV Sumo, en 1994. Puis ce fut l’Indica… Mais J.R.D. ne les vit jamais : il succomba à une infection aux reins, en 1993. 2 ans plus tôt, il avait déjà transmis les commandes à Ratan Tata, nouvel homme fort de la dynastie.
Et 60 ans après ? Telco est devenu Tata Motors. Le bilan est contrasté. D’un côté, il y a le rachat, puis la revitalisation de Jaguar-Land Rover. Mais il y a surtout la faillite d’Hispano, le divorce avec Fiat, le bide de la Nano et une expansion à l’étranger de la marque Tata trop timide. Du coup, Tata a subi de plein fouet les trous d’air du marché indien. Et les poids-lourd continuent de représenter les deux tiers des ventes.
Après des mois de chute libre, Tata a vendu 41 720 véhicules (autos + camions, hors JLR) en novembre. Soit 2% de croissance par rapport à novembre 2013. C’est la nouvelle Zest qui a permis de sortir de la spirale infernale. Mais il en faut plus pour remonter la pente et surtout, de sortir de la marginalité.