Après la Datsun Sports, la 240Z et la 300ZX, il semblait logique d’essayer une 350Z. Quatre voitures et quatre époques complètement différentes. La 350Z est le symbole du nouveau souffle de Nissan.
Nissan au bord du gouffre
A la fin des années 1990, vu d’Europe, il était difficile de croire que Nissan puisse être en difficulté. La Micra (première japonaise sacrée voiture de l’année, en 1993) et l’Almera cartonnaient. Nissan France s’offrait des campagnes de pub très insolentes, qui lui permettaient de sortir de l’anonymat.
En sport, le constructeur japonais était sur tous les fronts. La Micra eut droit en France à sa Star Cup, dont la déclinaison glace vit les débuts de Stéphane Peterhansel et Luc Alphand sur quatre roues. Nissan était également un habitué au Mans, avec une R390 GT1 très ambitieuse (mais mal récompensée) après les années Groupe C et les GT-R LM. Au Dakar, les Terrano et Patrol étaient prisés des privés. En BTCC, les Primera s’offraient des podiums avec Tiff Needell, Laurent Aiello et plus tard Matt Neal. En Espagne, Eric Van de Poele triomphait en tourisme. « Tintin » fut invité à développer l’Open Nissan (ancêtre de la FR 3.5.) Marc Gené et Fernando Alonso en furent les premiers lauréats.
Mais aux Etats-Unis, premier débouché du constructeur, cela allait très mal. Infiniti se faisait tailler des croupières par Lexus et Acura. La division premium de Nissan avait eu la mauvaise idée de développer un « style zen » (dixit Infiniti), peu apprécié au pays du clinquant. Au moins, il faisait la fortune des équipementiers, qui proposaient baguettes chromées, jantes et inserts en faux bois destinés aux propriétaires peu portés sur la philosophie minimaliste appliquée aux voitures de luxe.
USA Today alla jusqu’à prophétiser que Nissan et Infiniti allaient bientôt quitter le pays.
Pire, au Japon cela n’allait pas fort non plus. L’archipel s’enfonçait dans la dépression post bubble jidai, suite à l’éclatement de la bulle immobilière des années 80. Comme beaucoup de grosses entreprises japonaises, Nissan avait une organisation archaïque, qui avait peu évolué depuis les années 60. Prince, un constructeur absorbé à l’époque, possédait encore un réseau séparé (pour y vendre les Skyline et Gloria, héritage de Prince.) Les rivalités intestines alourdissaient les développements. Les usines étaient co-gérées par les syndicats. Les promotions se faisaient uniquement, suivant le système traditionnel, à l’ancienneté. Au moment où les finances s’enfonçaient dans le rouge, un coup de balai s’imposait.
300 ZX
Comme nous l’avions évoquée lors de l’essai précédent, la 300ZX était une bonne voiture. Elle n’avait que des défauts mineurs (consommation, intérieur recouvert de velours côtelé…) Son seul gros problème, en dehors du Japon, c’était son badge. La marque Nissan était d’abord associée à des voitures bon marché. Surtout, il lui manquait le « mythe ». Nissan (comme ses compatriotes) était perçu par la plupart des automobilistes occidentaux comme un constructeur « sans passé ». Et en ces temps d’internet encore balbutiant, le Japon était un pays lointain, mal connu, et la culture automobile locale tout autant. Les voitures « JDM » n’étaient alors découvertes qu’au travers des kits proposés par Tamiya ou Fujimi. Quant au JGTC, il n’avait droit qu’à une brève dans Sport Auto et Auto Hebdo. Pour un gros coupé, Monsieur Smith préférait une européenne, même si elle était plus chère et moins performante.
En 1996, la 300ZX disparut discrètement du catalogue (elle fut vendue au Japon jusqu’en 2000.). Au salon de Detroit 1999, Nissan dévoila une interprétation moderne de la 240Z. Signée par le bureau de design californien, ce concept car maladroit fut désavoué par les auteurs de la 240Z originelle.
L’Alliance
Quelques semaines après le salon de Detroit, Renault et Nissan s’allièrent. Louis Schweitzer, alors PDG de la firme au losange, délégua Carlos Ghosn à la tête du constructeur japonais. Patrick Le Quément, chef du design, embaucha Shiro Nakamura, qu’il plaça à la tête du design Nissan.
D’après Renault, Ghosn a été le principal artisan de la renaissance de Nissan. Et bien sûr, d’après Nissan, c’est l’état-major local qui a su identifier les problèmes et prendre les décisions qui s’imposaient. En tout cas, la transformation fut radicale. Fusion des réseaux Prince et Nissan, revente de la branche utilitaire moyens et lourds, renégociation des contrats avec les fournisseurs, restructuration dans les usines avec des licenciements (du jamais vu depuis la guerre.) La production progressa lentement (passant de 2,5 millions d’unités en 1998 à 3 millions d’unités en 2003.) En revanche, le constructeur gagna rapidement en profitabilité.
350Z
Côté design, les Nissan étaient jugées trop sobres. Concernant la « Z », Nissan Design America fut prié de revoir sa copie. Ce n’est que trois ans plus tard qu’elle entra en production. Elle devait matérialiser le « plan de renaissance » du constructeur. En terme d’image, bien sûr.
Par rapport à la 240Z Concept, la 350Z était plus typée et plus musclée. Le V6 Turbo de la 300ZX avait laissé place à un gros V6 atmosphérique 3,5l à peu près aussi puissant (280ch) mais plus linéaire. Elle revendiquait un 0-100 km/h en 5,9 secondes et 250km/h en pointe. Tout cela au tarif français très « Nissan » de 34 500€. A titre de comparaison, en 2002, un TT V6 (250ch) était facturé 42 670€ et une Porsche Boxster S (260ch), 52 200€ !
Jusque-là il y avait de grandes différences entre les « Z » vendues au Japon, celles vendues en Europe et celles vendues aux Etats-Unis. Cette fois, c’était (presque) la même gamme pour tout le monde ! Dès 2004, le coupé fut secondé par un roadster. Puis Nissan fit sortir le label NISMO hors de l’archipel. Dernier changement, en 2007, le V6 passa à 310ch.
Effet Fast & Furious
Entre temps, une nouvelle génération d’acheteurs était arrivée. La maman de Monsieur Smith Jr l’emmenait à l’école en Toyota LiteAce. Sa première voiture était une Honda Civic. Il fêtait son premier job d’encadrement en se payant une Lexus. Alors s’offrir un gros coupé japonais, pourquoi pas ? Il n’avait plus d’a priori.
Nissan put aussi remercier Fast & Furious. Ce film date de 1999 et on n’y voit pas de 350Z. En revanche, il leva le voile sur le monde fascinant des courses de rues californiennes. Dans cette culture, les sportives japonaises y tenaient une place de choix. Le succès planétaire du film déclencha un véritable engouement pour les voitures du Soleil Levant, de la GT-R aux Subaru WRX et Lancer Evo, qui récoltaient alors également les fruits des succès en WRC en terme de notoriété.
La 350Z arriva au bon moment; désormais les japonaises avaient aussi leur mythe. S’ajouta ensuite l’arrivée de jeux comme Gran Turismo, plein à craquer de modèles japonais présents mais aussi passés. Et plus généralement, le développement rapide du web permit à la culture populaire japonaise de rayonner.
La 350Z fut le premier gros coupé japonais à avoir une légitimité hors de ses propres terres. La route était défrichée pour la GT-R, la Lexus LFA et évidemment, la 370Z, en 2008. Nissan était si fier de la Z qu’elle apparaissait sur les en-têtes de la marque. Pour ceux de l’Alliance, elle posait avec une Megane CC.
Au final, il se vendit plus de 350Z, rien qu’aux Etats-Unis, en 6 ans, que de 300ZX sur l’ensemble du globe, en 12 ans.
Crédits photos : Nissan, sauf photo 1 (Joest Jonathan Ouaknine/Le Blog Auto) et photo 3 (Chicago Auto Show)
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